La Banque centrale européenne (BCE) a accru l’intensité de son tir de barrage à un niveau sans précédent afin d’essayer de limiter les dégâts économiques du coronavirus. Dans la nuit de mercredi 18 mars à jeudi 19 mars, elle a décidé d’injecter dans le système 1050 milliards d’euros d’ici la fin de l’année en rachetant les dettes émises par les États et les entreprises. Il s’agit d’une limite basse, car « il n’y a pas de limite à notre engagement envers l’euro », a tweeté dans la nuit Christine Lagarde, la présidente de la BCE : « Les temps extraordinaires nécessitent une action extraordinaire ». Décryptage.
· Pourquoi l’intervention de la BCE est devenue nécessaire.
La BCE espérait que les États la dispenseraient d’intervenir à nouveau en décidant d’une action européenne coordonnée et massive. Or, lundi, lors de l’Eurogroupe, l’enceinte où siègent les dix-neuf ministres des finances de la zone euro, et mardi, lors du sommet européen, ils se sont essentiellement contentés de valider les plans de soutiens nationaux aux économies (qui représentent quand même 2 % du PIB européen) en faisant sauter les limites fixées par le Pacte de stabilité budgétaire. Rien, en revanche, sur l’activation du Mécanisme européen de stabilité (MES) doté d’une capacité d’emprunt de 700 milliards d’euros ou sur la création d’une capacité d’emprunt européen afin de financer les dépenses exceptionnelles des États, ce que Giuseppe Conte, le Premier ministre italien, a nommé des « coronabonds ». Et ce n’est pas le fonds de soutien de 37 milliards d’euros proposé par la Commission qui allait impressionner les marchés, ceux-ci ne comprenant que les très gros chiffres.
C’est cette réponse déséquilibrée qui a causé de fortes tensions sur le marché obligataire. En effet, comme les déficits vont plonger et les dettes publiques exploser (sans doute vingt points de plus pour la France), les investisseurs ont commencé à vendre la dette des États dont les comptes publics ne sont pas jugés sains : Grèce, Italie, Portugal, France et Espagne. Conséquence : les taux d’intérêt ont commencé à grimper sur le marché secondaire (celui de la revente, de la dette d’occasion si l’on veut) et à s’écarter dangereusement du Bund allemand, l’actif considéré comme le plus sûr du monde. Cela a notamment été le cas pour les emprunts grecs et italiens (dont les taux ont triplé en quelques jours, à 3 %). À terme, cela aurait posé la question de l’accès aux marchés pour certains de ces pays et partant d’un éventuel défaut. Un cauchemar.
La BCE n’avait donc pas le choix : faute d’une réponse adéquate des gouvernements, il lui fallait agir vite afin d’éviter une répétition du scénario de 2010-2012 où les atermoiements des États, mais aussi des banquiers centraux de l’époque, avaient fini par coûter cher en termes de croissance et de chômage.
· Que va faire la BCE ?
« C’est un très bon paquet, il y a tout ce qu’il faut pour éviter tous les risques de dislocation de marché », nous a déclaré Laurence Boone, l’économiste en chef de l’OCDE. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le conseil des gouverneurs a décidé de racheter sur le marché secondaire tant les dettes des États de la zone euro que les obligations émises par les entreprises (y compris les titres de dette de moins de 6 mois afin de rétablir leur trésorerie) pour un montant de 750 milliards d’euros pour les dix mois qui viennent. Cette somme s’ajoute aux 120 milliards décidés la semaine dernière et aux 20 milliards d’euros par mois du « quantitative easing » européen (assouplissement monétaire) relancé en novembre dernier par Mario Draghi, après sa mise en sommeil en décembre 2018 (ce premier programme qui a commencé en mars 2015 a permis le rachat de 2600 milliards d’euros d’obligations publiques et privées, soit 20% du PIB de la zone euro). Soit un total mensuel de 117 milliards d’euros par mois, alors que le rythme du premier QE destiné à éviter la déflation n’a pas dépassé 80 milliards par mois…
Ce nouveau programme, baptisé « programme de rachat d’urgence face à la pandémie », ne s’arrêtera que lorsque la crise du coronavirus sera terminée et en tous les cas pas avant la fin 2020. Les sommes mises sur la table pourront même être augmentées. Un montant propre à dissuader les marchés d’affronter le mur de l’argent que vient de dresser la BCE et à éloigner durablement toute crise de la dette qui se serait ajoutée à la crise économique et à la crise sanitaire. Les taux grecs (la Grèce ayant de nouveau accès aux marchés, ses emprunts sont inclus dans ce nouveau programme) et italiens ont d’ailleurs spectaculairement diminué dès l’annonce de ce paquet. Preuve s’il en est que Francfort a bien un rôle à jouer pour éviter un trop grand écart de taux entre les emprunts d’État de la zone euro, contrairement à une déclaration malheureuse de Christine Lagarde, jeudi dernier, qui avait accru la tension sur les marchés…
S’il n’y a pas eu de discussion sur la nécessité de frapper fort au sein du Conseil des gouverneurs, même les faucons des banques centrales allemande, autrichienne et néerlandaise, en ayant convenu, en revanche la seconde mesure est moins bien passée. En effet, la BCE a décidé de s’affranchir des limites posées lors du premier QE : un rachat équilibré des dettes entre les Etats en fonction de leur poids dans le PIB de la zone euro et une limitation à 33 % du stock de dettes existantes. Ainsi, elle pourra se concentrer sur les pays en grande difficulté comme l’Italie sans devoir intervenir sur le marché allemand qui n’a pas besoin de son assistance. « Ce qui donne une très grande souplesse à notre intervention » se réjouit-on à Francfort. À cet ensemble de mesures se rajoutent celles décidées la semaine dernière comme la réactivation du programme LTRO (prêt à long terme aux entreprises) à un taux de -0,75%. Sans oublier la décision du Conseil de supervision unique (SSM), le gendarme bancaire de la zone euro placé sous l’autorité de la BCE, d’autoriser les banques à ne plus respecter les exigences en fonds propres fixés depuis la crise de la zone euro afin de libérer de l’argent.
· Le « paquet » de la BCE sera-t-il suffisant ?
Emmanuel Macron, le chef de l’État français, qui avait critiqué jeudi dernier l’insuffisance des décisions de la BCE, a, cette fois, apporté « son plein soutien aux mesures exceptionnelles prises ce soir ». Il a immédiatement enchainé : « à nous États européens d’être au rendez-vous par nos interventions budgétaires et une plus grande solidarité financière au sein de la zone euro. Nos peuples et nos économies en ont besoin ». Une allusion directe à l’incapacité des Vingt-sept, la semaine dernière, de s’entendre sur la création d’eurobonds, un serpent de mer européen, même si le gouvernement allemand est cette fois moins hostile que précédemment à cette idée. Car il y aurait une logique à mutualiser les dépenses liées à la crise du coronavirus puisqu’elle touche les dix-neuf pays de la zone euro, ce qui allégerait le poids pesant sur les budgets nationaux des États les plus fragiles. L’idée qui est actuellement sur la table, et dont discuteront les chefs d’État et de gouvernement lors de leur sommet du 26 mars, est d’autoriser le MES à prêter de l’argent aux États pour couvrir ces dépenses extraordinaires. Ce serait des « coranabonds » qui ne diraient pas leur nom et qui permettraient à l’Allemagne et aux Pays-Bas de contrôler le montant et l’affectation des sommes dégagées. En effet, le MES est un organisme intergouvernemental qui permet à l’Allemagne d’exercer son véto. « Ce serait un moyen de la tranquilliser », note un observateur.
Pour Charles Michel, le président du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, le caractère exceptionnel de la crise du coronavirus va obliger l’Union européenne à changer de logiciel économique pour faire face tant aux conséquences sanitaires de la pandémie qu’à la récession qui s’annonce. Cet entretien a été réalisé le 18 mars par trois quotidiens, le Standaard (néerlandophone belge), le Soir(francophone belge) et Libération.
Les sommets européens des 10 et 17 mars insistent sur la nécessaire coordination européenne, mais chaque Etat membre prend des mesures nationales sans consulter personne…
Les pays européens ont été confrontés ces dernières semaines à la montée en puissance de cette pandémie et son appréhension et son traitement ont rapidement évolué dans le temps. Il y a deux semaines, nous avons compris qu’il fallait affirmer un vrai leadership politique européen, les quelques initiatives prises par les institutions communautaires étant insuffisantes. D’où les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement des 10 et du 17 mars qui ne se sont pas contentés de quelques phrases générales, mais ont adopté un programme d’action très concret. Nous avons soutenu les mesures prophylactiques de plus en plus radicales prises au plan national, car elles poursuivent toutes le même objectif : il faut réduire la contamination, même au prix de la modification de nos comportements traditionnels. Dans le même ordre d’idée, nous avons décidé de fermer pour trente jours les frontières extérieures de l’UE et nous avons adopté des principes sur la gestion des frontières intérieures. Ensuite, l’accent a été mis sur la recherche scientifique afin de trouver rapidement un vaccin et sur la mobilisation de moyens de protection. Enfin, nous avons donné un signal politique fort afin de limiter les conséquences économiques et sociales de la crise : nous ferons tout ce qui est nécessaire en utilisant tous les outils dont on dispose.
On ne peut pas dire que les institutions communautaires aient particulièrement brillé au début de la crise. Il a fallu le sommet du 10 mars pour réveiller tout le monde, même si désormais, elles essayent de rattraper le temps perdu…
Il est vrai que les Etats membres ont pris la mesure du caractère inédit et exceptionnel de cette crise à des moments différents, ce qui explique le désordre des premières semaines. Il faut bien avoir conscience qu’on n’est plus dans le même monde qu’il y a deux ou trois semaines. De ce point de vue, il est exact que la réunion du 10 mars a été un moment clef puisque au plus haut niveau des Etats on a décidé de tenir ensemble. Et en moins d’une semaine, on a réussi à faire des progrès substantiels dans l’harmonisation des mesures sanitaires, dans la mobilisation des moyens de recherche ou encore sur les frontières.
Pourtant, entre la Belgique et les Pays-Bas, les mesures sanitaires ne sont pas du tout les mêmes.
Tous les Etats membres ont décidé de prendre les mesures nécessaires afin de limiter la propagation du virus pour permettre à nos systèmes de santé de pouvoir réagir de manière adéquate sans être débordés. On voit d’ailleurs que les mesures nationales convergent petit à petit. Mais il ne faut pas oublier que l’UE n’est pas un Etat, ce ne sont pas les Etats-Unis d’Amérique, mais vingt-sept Etats souverains : les mesures sanitaires sont donc formellement prises sur le plan national.
Si en matière économique, les compétences de l’UE sont plus fortes qu’en matière de santé, on a néanmoins vu que les Etats ont agi chacun dans leur coin sans se préoccuper de la moindre coordination. L’Eurogroupe de lundi et le Conseil européen de mardi n’ont, en réalité, que donné un habillage européen à des plans nationaux. Où sont les instruments purement européens, comme l’activation du Mécanisme européen de stabilité (MES) pour venir en aide aux Etats qui n’ont pas de moyens budgétaires, l’augmentation du budget communautaire ou la création d’obligations européennes ?
Nous avons effectivement besoin de cette double dimension. D’une part, les Etats doivent activer les leviers dont ils disposent dans le domaine budgétaire et c’est pour cela que nous avons demandé à la Commission de la souplesse dans l’application du Pacte de stabilité et des règles relatives aux aides d’Etat. D’autre part, l’Union européenne doit agir pour nous protéger collectivement : l’activation du MES et la suspension du Pacte de stabilité sont des leviers dont elle dispose. On en parlera lors du sommet européen qui aura lieu la semaine prochaine. Quant aux obligations européennes, il est un peu tôt pour en parler : il faut d’abord que l’on soit d’accord entre nous avant de communiquer sur ce sujet.
Ne faut-il pas doter l’UE de compétence en matière de santé, par exemple en créant l’équivalent du CDC d’Atlanta ? Le fait que la stratégie néerlandaise soit celle du Royaume-Uni qui a exclu jusqu’à présent tout confinement n’envoie-t-il pas des signaux contradictoires et angoissants aux opinions publiques ?
L’UE est ce que les Etats en décident. La réalité institutionnelle est que la réponse sanitaire peut être stimulée par l’UE, mais qu’elle relève en dernier ressort de la souveraineté de chaque pays. On ne peut pas reprocher à l’Europe tout et son contraire, l’accuser à la fois de ne pas agir et lorsqu’elle a la compétence pour agir l’accuser de confisquer la souveraineté nationale… Mais, à court et moyen terme, le débat n’est pas institutionnel : quand la maison brûle, on ne s’occupe pas de la facture d’eau ! On doit travailler avec les moyens existants pour sauver des vies et limiter l’impact économique et social de la crise. A l’avenir, il sera sans doute nécessaire de tirer les leçons institutionnelles de cette crise.
Quelle est la leçon la plus importante de cette crise ?
Cette crise extrêmement sérieuse et sans précédent par sa nature, son ampleur, son caractère inconnu et imprévisible. Elle va démontrer que par l’unité, on peut s’en sortir : aucun pays ne pourra remporter seul la bataille contre le coronavirus, limiter les pertes en vies humaines et les impacts sur notre prospérité. C’est en rangs serrés qu’on va réussir à gagner cette guerre.
Les Etats ont-ils tiré les leçons de la crise de la zone de 2010-2015 ? Autrement dit, vont-ils éviter de réagir trop peu, trop tard ?
Il faut reconnaître que les Etats ont été totalement surpris par cette crise sanitaire : on est en terra incognita. Mais on a manifestement tiré les leçons du passé : je sens une volonté beaucoup plus forte que lorsque j’étais Premier ministre de Belgique de travailler ensemble, car il y a une conviction beaucoup plus forte que l’on ne pourra que s’en sortir ensemble. Et cette crise va nous obliger à modifier très rapidement nos paradigmes tant sociétaux qu’économiques : tout le monde en est conscient.
Photo: FRANCOIS LENOIR / REUTERS
“North Macedonia is now part of the NATO family, a family of 30 nations and almost 1 billion people. A family based on the certainty that, no matter what challenges we face, we are all stronger and safer together," NATO Secretary General Jens Stoltenberg said in a statement. Macedonian President Stevo Pendarovski said: "We cannot rejoice and mark the event as it should [be marked] … But, this is a historic success that after three decades of independence, finally confirms Macedonian security and guarantees our future. Congratulations to all of you! We deserve it!”
Pendarovski signed the so-called instrument of accession after Spain earlier in the week became the last alliance member to ratify the former Yugoslav republic’s membership.
Since gaining independence, one of the strategic goals of the country was to join NATO, as was stated in 1993, and the relationship with Alliance was always marked by close cooperation. North Macedonia joined NATO’s Partnership for Peace (PfP) in 1995, and in 1999 the country submitted its first Membership Action Plan. Furthermore, North Macedonia deployed troops in support of the NATO-led International Security Assistance Force in Afghanistan from 2002 to end 2014 and is currently supporting the follow-on Resolute Support mission to train, advise and assist the Afghan security forces. Before that, the country was a key partner in supporting NATO-led operations in Kosovo in 1999, as well as to provide logistical support to the Kosovo Force (KFOR) mission.
The 20th NATO Summit in Bucharest in 2008 was more than symbolic, as it was expected that Albania, Croatia and (then) Macedonia would receive an invitation to join NATO. However, although Albania and Croatia did receive the invitation and became members a year later.
It marks the end of a long quest for the former Yugoslav republic. Joining NATO and the European Union has been a priority for its leaders, but a dispute with neighboring Greece over the country’s name stalled progress for more than two decades. North Macedonia previously was known as FYROM (Former Yugoslav Republic of Macedonia), a name it shared with a Greek province. Under a 2017 deal with Athens, the country changed its name and Greece agreed to drop objections to its NATO and eventual EU membership.
On the other hand, Kržalovski thinks that until now the participation of North Macedonia in NATO mission was symbolic.
“We have also increased defense part of the budget, though we are not at the level of 2% of the GDP yet. As a small country, both the requirements and expectations from other members are not so high, and our participation so far in NATO missions were rather symbolic, although we have participated with a relatively high number of soldiers in proportion to the overall size of the Army”, explains Kržalovski.
The budget increase that he mentions is DEN 10,133,000,000 for 2020, or about 1.4% of North Macedonia’s total GDP, which is an increase over 2019 when it was about 1.19% of total GDP. Interestingly, this is a third year of the defense budget increase, but it is still far from the prescribed 2% of BDP. However, this is not a major problem, as many current NATO members have not fulfilled this provision.
Après 70 ans de construction communautaire, l’Europe reste un combat. Les vingt-chefs d’État et de gouvernement se sont à nouveau réuni mardi 17 mars après-midi, par visioconférence, désormais la modalité des rencontres européennes, pour « montrer que l’Union agit pour combattre le coronavirus », selon les mots d’un diplomate européen. Ce n’est pas gagné : le sommet du 9 mars, il y a une semaine, qui appelait déjà à une « approche commune » n’a pas empêché dès le lendemain la multiplication de mesures nationales parfaitement incohérentes, chacun agissant comme si l’Union n’existait pas : fermeture des frontières intérieures de l’Union d’intensité variable, mesures sanitaires désordonnées, du laisser-faire au confinement général, plans de soutien à l’économie non coordonnés. D’où la réunion de mardi soir destinée à essayer de remettre un peu d’ordre.
«Pas efficaces sur le plan sanitaire et néfastes sur le plan économique»
À l’issu de ce sommet virtuel, David Sassoli, le président du Parlement européen, s’est réjoui que « l’Europe contrebalance l’égoïsme et le manque de coordination entre les gouvernements nationaux face à la crise du COVID-19 ». La décision la plus spectaculaire prise par les Vingt-sept est la fermeture totale des frontières de l’Union pour un mois proposée par la Commission, mais dont la mise en oeuvre relève de la souveraineté de chaque État. Ils ont aussi accepté le plan de la Commission visant à limiter les effets du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures afin préserver le marché unique : Emmanuel Macron, le chef de l’État français, a d’ailleurs dénoncé ces « mesures non coordonnées » qui « ne sont pas efficaces sur le plan sanitaire et néfastes sur le plan économique ». L’idée est d’inciter les États à ne procéder à des contrôles sanitaires que d’un côté de la frontière, contrôles qui devront être « proportionnés » et « non discriminatoires ». De même, afin de ne pas interrompre les flux de marchandises et donc la chaine d’approvisionnement, des « voies vertes » seront instaurées pour faciliter les passages des camions.
«Tout ce qui est nécessaire»
Enfin, les Vingt-sept ont endossé les conclusions de l’Eurogroupe de lundi qui a donné un habillage européen aux plans d’aide nationaux aux économies. Dans un communiqué particulièrement musclé, les dix-neuf ministres des Finances de la zone euro ont affirmé leur « forte détermination à faire tout ce qui est nécessaire » (to do whatever it takes) pour répondre à la récession qui s’annonce. Une formule qui n’est pas innocente : c’est celle qu’avait employée Mario Draghi, l’ancien patron de la BCE, en juillet 2012 pour annoncer que l’institut monétaire de Francfort allait racheter à tour de bras des bons d’État, ce qui a mis fin à la crise de la zone euro.
L’Eurogroupe a ainsi donné sa bénédiction aux mesures nationales de soutien à l’économie - qui représentent jusqu’à présent 1 % du PIB de la zone euro – et accepte de laisser filer les déficits publics (soit 1% du PIB supplémentaire pour l’instant). À cela s’ajoutent les mesures de trésorerie, comme le paiement différé des impôts, qui pèsent environ 10 % du PIB européen… Enfin, l’Eurogroupe n’a pas exclu de mobiliser le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui dispose d’une force de frappe de 700 milliards d’euros si un État rencontre des difficultés de financement. Et cette fois, pas question d’imposer un plan de rigueur qui serait contreproductif.
Réveil
Le sommet du 9 mars n’aura cependant pas été totalement vain en sonnant la mobilisation générale des institutions communautaires. La Commission est enfin sortie de son sommeil : création d’un fonds de soutien de 37 milliards d’euros aux systèmes de santé, aux entreprises et aux travailleurs touchés par l’arrêt des économies ; interprétation souple du Pacte de stabilité budgétaire afin de permettre aux États de laisser leur déficit public plonger et des règles sur les aides d’État afin de laisser les gouvernements voler au secours de leurs entreprises ; aide de 80 millions d’euros à la très performante société pharmaceutique allemande CueVac qui a fait l’objet d’une véritable tentative d’OPA de l’administration Trump pour s’assurer l’exclusivité du futur vaccin qu’elle met au point, somme à laquelle s’ajoute 100 millions d’euros pour la recherche d’un vaccin, interdiction d’exportation hors de l’Union du matériel de protection et facilitation de leur importation, autorisation donnée au « Mécanisme européen de protection civile » d’acheter des masques ou des respirateurs, etc..
De même, la Banque centrale européenne (BCE), lors de sa réunion du 12 mars, a décidé d’augmenter le niveau de son « quantitave easing » de 120 milliards d’euros sur un an en le concentrant sur le rachat d’obligations bancaires plutôt que sur les obligations d’État et en relançant son programme de LTRO (prêt à long terme aux entreprises) à un taux de -0,75%. Dans le même esprit, le Conseil de supervision unique (SSM), le gendarme bancaire de la zone euro placé sous l’autorité de la BCE, a autorisé le même jour les banques à ne plus respecter les exigences en fonds propres fixés depuis la crise de la zone euro afin de libérer de l’argent. Enfin, la Banque européenne d’investissement (BEI) va mobiliser 8 milliards d’euros qui, grâce à « l’effet de levier », pourraient générer jusqu’à 20 milliards d’euros de prêts aux entreprises.
Ne pas agir trop tard et trop peu
Cet ensemble spectaculaire, qui rompt avec l’attentisme de la période 2007-2012, montre que les États ont appris leurs leçons : pas question d’agir trop tard. Mais est-ce assez ? On peut sérieusement en douter : la seule réponse ne peut-être qu’européenne pour limiter la casse et surtout pour relancer l’économie des Vingt-sept après l’orage. En effet, les budgets nationaux ne sont pas extensibles à l’infini et la remontée des taux des emprunts d’État montre que les marchés commencent à s’inquiéter. Si une crise des dettes souveraines s’ajoute à la crise sanitaire et à la crise économique, l’Europe n’y survivra pas.
Le seul moyen de répondre durablement à cette crise est de rouvrir le projet de budget européen pour la période 2021-2027 et de le doter de vrais moyens au lieu de se battre sur des décimales (1,13 % du PIB européen ou 1 % ?) ; de mobiliser rapidement le MES ; et, enfin, de lancer des emprunts européens afin d’allouer cette ressource nouvelle aux États qui en ont le plus besoin. Les Vingt-sept seront-ils capables d’aller aussi loin ? « Dans les crises, on invente au fur et à mesure », espère un diplomate européen : « déjà, on assiste à un réarmement des États et des mentalités ». Bref, il n’est pas exclu qu’une Europe bien différente émerge de la pandémie du coronavirus.
Photo: Aris Oikonomou. AFP