Les conservateurs du PPE (parti populaire européen) n’en finissent pas de se déchirer sur le cas de Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, qui s’est arrogé, le 31 mars, les pleins pouvoirs pour une durée illimitée (avec suspension du Parlement) en profitant de la pandémie du coronavirus. Dès le lendemain, 13 partis de 11 pays (Suède, Finlande, Belgique, Pays-Bas, Tchéquie, Slovaquie, etc.), sur les 82 que compte le PPE, ont demandé l’exclusion du Fidesz, le parti d’Orban, déjà « suspendu » depuis mars 2019 pour ses dérives autocratiques. Le président des conservateurs européens, le Polonais Donald Tusk, est sur la même ligne : il juge les mesures d’urgence hongroises «moralement inacceptables».
Mais aucun des partis de droite des grands pays n’a signé cette lettre –les seules signatures qui sortent du lot est celle de Kyriakos Mitsotakis, le Premier ministre grec et son homologue norvégienne, Erna Solberg- qui dénonce « une claire violation de la démocratie libérale et des valeurs européennes ». La CDU-CSU allemande qui, de fait, dirige le PPE, le Parti populaire espagnol ou les Républicains français sont restés aux abonnés absents. Mais le nombre de signataires est suffisant pour que l’exclusion du Fidesz soit soumise au vote de la prochaine assemblée politique prévue en juin (normalement…).
La pression sur le PPE devient d’autant plus forte que quatorze gouvernements -l’ensemble des pays d’Europe de l’Ouest à l’exception de l’Autriche- ont cosigné, la semaine dernière, une déclaration dans laquelle, sans citer nommément la Hongrie, ils se déclarent « profondément préoccupés par le risque de violation des principes de l’État de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux découlant de l’adoption de certaines mesures d’urgence » qui « devraient être limitées à ce qui est strictement nécessaire, être proportionnées et provisoires par nature ». Le fait que l’Allemagne, dirigée par une grande coalition CDU-SPD, se soit jointe à ce texte, montre que le vent a clairement tourné. De même, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, et membre de la CDU, se dit prête à agir contre la Hongrie : «Il y a un nombre conséquent d’États membres qui ont mis en place des mesures d’urgence et je le comprends». Mais elles doivent s’appliquer «pour une durée limitée dans le temps » et dans le but de « protéger la santé des citoyens et permettre une riposte rapide de la part du gouvernement».
Cela étant, le Parlement européen a demandé, en septembre 2018, à ce que l’article 7 du traité européen soit activé afin de constater qu’il existe « un risque clair de violation grave des valeurs européennes », première étape pouvant mener à de très hypothétiques sanctions (car décidées à l’unanimité). Mais comme il faut une majorité de 22 pays sur 27 pour lancer l’article 7, la résolution est restée sans suite.
Quant à l’exclusion du Fidesz du PPE, il est douteux qu’elle soit menée à son terme, l’intérêt du groupe politique au Parlement européen étant de garder ses 13 élus : avec ses 187 députés, il reste de loin le premier groupe, loin devant les socialistes (147) et les centristes de Renew Europe (98)… Viktor Orban le sait et il en joue. Jeudi, dans une lettre adressée à l’un des trois sages nommés par le PPE afin d’évaluer la situation dans son pays, l’Autrichien Wolfgang Schüssel, il a affirmé consacrer « tout mon temps à sauver la vie du peuple hongrois » et ne pas avoir de temps à perdre avec les « fantasmes » sur son exclusion. Bon prince, il accepte cependant d’en discuter une fois la crise terminée.
Photo Zoltan Matha AP