The French Navy’s new nuclear attack submarine made its first sea trip on April 28
Tag: SuffrenC’est une bonne nouvelle en soi : les Vingt-sept, lors de leur sommet de jeudi après-midi 23 avril, ne se sont pas écharpé sur la solidarité financière nécessaire pour relancer l’économie européenne après la crise du coronavirus. Une sacrée différence avec leur précédente rencontre virtuelle, le 26 mars, qui avait tourné à l’engueulade généralisée « à la suite de l’attitude abjecte des Néerlandais à l’égard des pays les plus touchés par la crise du coronavirus », comme le rappelle un diplomate européen. « Cette fois, les pays du nord ont moins été dans l’émotionnel, l’ambiance était cool et donc le résultat a été constructif », se réjouit-on à l’Elysée. De fait, la nécessité d’un « fonds de reconstruction » conséquent (entre 1000 et 1500 milliards d’euros, soit 10 à 15 % du PIB communautaire, sont les chiffres les plus cités) est désormais admise par tous les chefs d’Etat et de gouvernement, ce qui n’était pas gagné il y a un mois. Mais, et c’est la mauvaise nouvelle, l’accord est loin d’être fait sur les modalités de cette solidarité financière, ce qui annonce quelques rudes batailles.
Prêts ou dons?
Le point clef des négociations va porter sur le remboursement des sommes qui seront affectées à ce fonds. « Il faut bien voir que le Conseil européen a implicitement acté qu’il faudra emprunter en commun les milliards d’euros nécessaires pour financer la relance des économies dès lors qu’il a demandé à la Commission de cartographier pays par pays, secteur par secteur, les besoins financiers et de présenter d’ici 15 jours une proposition en bonne et due forme », analyse un diplomate de haut niveau, puisqu’il n’y a pas d’argent magique. Le problème est donc de savoir si cet argent sera prêtées aux pays qui en ont besoin ou donné comme celui versé au titre du budget communautaire, ce qui reviendra à mutualiser la dette, celle-ci étant remboursée par les Vingt-sept en fonction de leur part dans le PIB communautaire.
Pour le « club de radins » (Allemagne, Autriche, Finlande, Pays-Bas, Suède), il n’est pas question d’aller au-delà de prêts aux pays nécessiteux, comme cela va se faire via le Mécanisme européen de stabilité (MES), la Banque européenne d’investissement (BEI) ou SURE, le nouveau mécanisme doté de 100 milliards chargé de soulager les systèmes nationaux d’indemnisation du chômage. « Nous ne pouvons pas accepter le financement de dons par de la dette », a ainsi martelé à l’issue du sommet le Néerlandais Mark Rutte. « Il n’est pas possible de mutaliser les dettes » a surenchéri la chancelière allemande Angela Merkel.
Divergence nord-sud
Le problème est qu’une telle solution ne ferait qu’ajouter de la dette à la dette déjà existante, certes à un taux plus intéressant puisque garantie par les Vingt-sept. « Cela ne coûtera par un euro aux Pays-Bas, puisqu’on emprunte à taux zéro, mais cela coûtera cher à l’Italie lorsqu’elle devra rembourser », soupire un responsable français. De fait, en prêtant de l’argent, on dégrade les comptes publics des pays emprunteur, ce qui va créer un écart d’endettement insupportable entre les Etats de la zone euro. En outre, le déficit de compétitivité va s’aggraver puisque ces pays ne pourront pas investir autant d’argent que nécessaire dans les secteurs qui en ont le plus besoin, leur capacité d’endettement n’étant pas illimitée. « Evidemment, cela remettra en cause le « deal » sur lequel repose le marché intérieur », souligne un diplomate européen, « puisqu’il ne peut exister que s’il y a convergence des économies et non accentuation des divergences ». C’est pourquoi le budget communautaire a été créé : il s’agit de transférer de l’argent des riches vers les pauvres pour leur permettre de rattraper leur retard de développement et ainsi résister à la concurrence de leurs partenaires. Emmanuel Macron, à l’issue du sommet, a d’ailleurs mis en garde les pays du nord contre ce risque existentiel : le rétablissement des frontières sera le seul moyen pour ces pays de sauver leur économie. Et si le marché intérieur s’effondre, l’euro suivra, ce qui aura un coût effroyable pour les pays du nord.
«Courte vue»
« C’est vraiment un calcul à courte vue » du « club des radins », explique un fonctionnaire européen : « car si l’Union emprunte à taux zéro, ce qui est le cas aujourd’hui, cela ne coûte rien à personne pendant dix ans. Certes, il faudra rembourser à l’échéance, mais ces sommes auront permis des investissements massifs pendant dix ans et donc un développement du marché intérieur qui enrichira tout le monde. Sans compter que l’inflation aura réduit la somme à rembourser ». L’Espagne a même proposé que les emprunts soient perpétuels : à chaque échéance, l’Union empruntera à nouveau la somme à rembourser afin de ne jamais rien rembourser.
C’est pour cela que tous les autres pays européens sont en faveur d’une mutualisation pure et simple de la dette engendrée par les dépenses de reconstruction. « Ce sommet a montré que les cinq étaient vraiment isolés dans cette affaire ». Le problème est qu’il faut un accord unanime pour créer ce fonds de reconstruction. « Mais les lignes sont loin d’être figées et c’est pour ça qu’il faut continuer à discuter », dit-on à l’Elysée. Un des moyens de contourner l’opposition du club des radins serait de passer par le cadre financier pluriannuel (le CFP qui encadre les budgets annuels) 2021-2027 que l’Allemagne est désormais prête à voir augmenter (lire par ailleurs). L’idée serait d’augmenter le plafond des ressources propres de 1 ou 2 % du PIB communautaire afin de créer une marge aujourd’hui inexistante. Cette marge ne serait pas dépensée, mais servirait de garantie à des emprunts levées par la Commission afin d’alimenter le fonds de reconstruction qui serait intégré au budget. Il n’y aurait ainsi pas de garantie directe des Etats, mais la dette serait bien remboursée à terme par le budget et donc mutualisée. « Mais si on en revient à de simples prêts accordés aux Etats, mieux vaut laisser tomber », prévient l’Elysée.