Vendredi, le parti conservateur croate, HDZ, a diffusé sur Twitter un petit clip de campagne à la veille des élections législatives anticipées de ce dimanche. Provoquées par le Premier ministre lui-même patron du HDZ, Andrej Plenkovic, elles s’annoncent serrées, les socio-démocrates ayant déjà remporté la présidentielle de janvier dernier. Le HDZ a bien fait les choses pour ce clip final : il a demandé à douze personnalités du Parti populaire européen (PPE), dont plusieurs Premiers ministres, de lancer son slogan de campagne, « sigurna Hrvatska », une « Croatie sûre ». Et là, surprise : le clip s’ouvre sur Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, avec en arrière-plan le drapeau européen et un couloir du Berlaymont, son siège bruxellois… Malaise : il est, en effet, sans précédent qu’un patron de l’exécutif européen s’immisce dans une campagne électorale nationale. Qu’Ursula von der Leyen soit elle-même membre du PPE ne change rien à l’affaire : une fois nommée, elle représente l’Union dans son ensemble et pas un pays ou un parti politique.
Neutralité
Manifestement, l’ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel n’a pas lu l’article 9-3 du « code de conduite des membres de la Commission » - dont la dernière version date du 31 janvier 2018- qui stipule que les commissaires« s’abstiennent de toute déclaration ou intervention publique au nom du parti politique ou de l’organisation de partenaires sociaux dont ils sont membres, sauf s’ils sont candidats à un mandat électoral/participent à une campagne électorale », ce qui implique qu’ils se mettent en retrait de leur mandat… Certes, ils peuvent « exprimer leurs opinions personnelles », mais interférer dans une campagne électorale en arguant de son titre dépasse ce droit.
D’ailleurs, jusqu’à présent, les présidents de Commission se sont bien gardés d’intervenir dans les affaires intérieures d’un État, y compris quand cela met en jeu le projet européen lui-même. Ainsi, lors des référendums de 2005 sur le traité constitutionnel européen ou lors du référendum sur le Brexit de juin 2016, l’exécutif européen est demeuré sur son Aventin. Jean-Claude Juncker, le prédécesseur d’Ursula von der Leyen, a bien ébréché cette règle, juste après sa prise de fonction, en décembre 2014 en déclarant lors d’une émission diffusée par la télévision publique autrichienne qu’il préférerait que des « visages familiers » remportent les élections grecques de janvier 2015, en clair surtout pas Syriza… Deux mots qui ont causé un beau scandale et tendu les relations avec ce parti alors de gauche radicale avant même sa victoire. Juncker ne s’est ensuite plus jamais risqué à sortir de sa neutralité politique.
Confiance
Pourquoi imposer une telle règle de retenue aux membres de la Commission, tous membres de partis politiques, qui ne pèse aucunement sur des gouvernements nationaux ? Tout simplement parce que l’Union n’est pas une fédération et la Commission pas un gouvernement : ses membres sont désignés non pas par le Parlement européen, mais à l’unanimité des gouvernements qui ont des orientations politiques très diverses. D’ailleurs, même si von der Leyen est membre du PPE, les conservateurs ne sont majoritaires ni au Parlement ni à la Commission ni au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. Si la présidente faisait activement de la politique, elle perdrait la confiance des gouvernements qui ne sont pas de son bord alors que son rôle est d’être un honnête courtier entre les intérêts nationaux et partitaires très divergents.
Le pire dans cette affaire est que, manifestement, elle n’a pas été pensée : Éric Mamer, le porte-parole de la Commission, a découvert le clip comme tout le monde, sur Twitter, et il semble même que Jens Flosdorff, son très cher, à tous les sens du terme, conseiller en communication, n’ait pas été au courant… Manifestement, aucun signal d’alarme n’a fonctionné ce qui est troublant après sept mois d’exercice du pouvoir.
La réouverture totale des frontières extérieures de l’Union européenne n’est pas pour demain, alors que l’on circule à nouveau librement entre les vingt-sept Etats membres depuis le 15 juin (sauf avec le Danemark...). A partir du 1er juillet, les ressortissants de quinze Etats tiers pourront de nouveau se rendre sur le Vieux Continent. Il s’agit de l’Australie, du Canada, du Japon, de l’Algérie, de la Géorgie, de la Nouvelle-Zélande, du Maroc, du Monténégro, du Rwanda, de la Serbie, de la Corée du Sud, de la Thaïlande, de la Tunisie et de l’Uruguay. La Chine est aussi dans cette liste, mais sous condition de réciprocité, une condition qui ne s’applique pas, par exemple, à la Nouvelle-Zélande qui n’accepte toujours pas les voyageurs européens. Cette liste n’est qu’indicative, chaque Etat membre étant libre de ne pas l’appliquer, ce qui est déjà le cas de la Hongrie : aucun voyageur d’un pays tiers à l’Union ne sera pour l’instant accepté...
Critères
Les Etats membres ont négocié durant plusieurs semaines non pas des pays avec lesquels l’Union va rouvrir ses frontières, mais des «critères épidémiologiques les plus objectifs et les plus précis possible», selon une source diplomatique, qui détermineront ceux qui ont réussi à juguler la pandémie de coronavirus. Mais certains étant plus exigeants que d’autres, cela a pris plus de temps que prévu. C’est sur la base de ces critères que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPC) a établi une liste de pays les remplissant. «On la révisera régulièrement afin de l’adapter à la situation épidémiologique», précise un diplomate européen.
L’exercice a été difficile, car il a fallu réunir l’unanimité des Etats, le contrôle des frontières extérieures restant une compétence nationale. Déjà, la fermeture totale de l’espace européen n’avait pas été évidente à mettre en œuvre : début mars, alors que les Etats membres fermaient les uns après les autres leurs frontières intérieures pour «stopper» la pandémie, ils laissaient ouvertes leurs frontières extérieures contre toute logique. Il a fallu une réunion du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, le 17 mars,pour décider d’une fermeture de l’espace européen pour un mois à compter du 18 mars, une mesure régulièrement reconduite depuis. Il s’agit maintenant d’en sortir de façon ordonnée.
Réciprocité
Le New York Times a révélé mardi 23 juin l’existence de deux listes de pays en notant que les Etats-Unis n’y figuraient pas. En réalité, il ne s’agissait que d’un exercice mené par le CEPC à la demande des Vingt-Sept pour voir ce que donnerait l’application de tel ou tel critère. Mais il est vrai que les Etats-Unis n’en remplissent pour l’instant aucun, la pandémie n’y étant toujours pas maîtrisée. Son exclusion finale n’est donc pas une surprise.
Comme pour la Chine, les Vingt-Sept exigeront sans guère de doute la réciprocité lorsqu’ils rouvriront leurs frontières aux Américains : ils n’ont toujours pas digéré la fermeture unilatérale du territoire américain aux Européens annoncé le 12 mars par Donald Trump, qui avait alors pris soin d’exclure le Royaume-Uni avant de se raviser. Ses paroles accusatrices de l’époque n’ont pas été oubliées : «En prenant ces mesures drastiques et rapides, nous avons vu bien moins de contaminations par le virus aux Etats-Unis qu’en Europe. Mais l’Union européenne n’a pas pris les mêmes précautions […]. Par conséquent, un grand nombre de nouveaux foyers aux Etats-Unis sont dus à des voyageurs venus d’Europe.» Retour à l’envoyeur.
Photo Benoit Tessier. Reuters