Si vous n’avez pas encore lu notre article d’analyse sur les évolutions de ces derniers mois.. sur le Pro (article ouvert à tous) : Ces dix mois qui ont changé la défense européenne. A son insu de son plein gré
© NGV – campagne ukrainienne près de Tchernihiv – mai 2022En vous souhaitant une excellente année 2023
Cet article La défense européenne retrouve des couleurs en 2022… Bonne année 2023 est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
Le parc Sarachane, à Istanbul, est un lieu symbolique de l'histoire politique turque. En 1998, condamné à la prison pour y avoir lu un poème faisant référence au djihad, Recep Tayyip Erdogan avait su utiliser cet épisode pour bâtir sa popularité. Ce jeudi 15 décembre, l'histoire se répète : M. Ekrem Imamoglu, le maire de la ville vient d'être condamné à deux ans et sept mois de prison pour avoir qualifié d'« idiote » l'annulation des élections municipales par le Haut conseil électoral.
- Lettres de... / Élections, Justice, TurquieL'OTAN continue de renforcer son flanc est, aux frontières de l'Ukraine : certains des effectifs pourraient bientôt être multipliés par 7. De son côté, la France met désormais plus d'hommes au service de l'Alliance que dans son ancien pré-carré africain.
- Défense en ligne / Armée, États-Unis, OTAN, Russie, UkraineEn novembre 1986, Malik Oussekine est tabassé à mort par la police en marge d'une importante manifestation étudiante. La même nuit, Abdelouahab Benyahia, dit Abdel, est tué à bout portant dans un café alors qu'il tentait de s'interposer dans une bagarre. C'est autour de cette trame que se tisse le nouveau film de Rachid Bouchareb, « Nos frangins », sorti en salle le 7 décembre. Pour Malik Oussekine, la fiction va chercher à coller au plus près des faits. En ce qui concerne Abdel, c'est autre chose…
- Contrebande / Cinéma, Histoire, Police, Racisme, RépressionDans « Triangle of Sadness », le réalisateur suédois Ruben Östlund met en scène deux personnages, Carl et Yaya, mannequins et influenceurs, dans trois tableaux qui sont autant de milieux expérimentaux qui permettent de mieux interroger leurs réactions face à leur environnement.
- Contrebande / Cinéma, Internet, Publicité, Société(B2) Une vice-présidente du Parlement européen incarcérée. Ainsi qu’un ancien président de la commission des droits de l’Homme. Un eurodéputé et plusieurs autres assistants parlementaires perquisitionnés, un syndicaliste de renom impliqué… En pleine Coupe de monde de football, la révélation que le Qatar a fait passer des valises de billets à des responsables européens pour influencer l’avis européen pose de nombreuses questions.
Une des mises en cause, la vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili rencontre le ministre du travail qatari Ali Bin Samikh Al Marri à Doha (photo : MOFA Qatar)Une surprise totale
La procédure déclenchée par la police fédérale belge et le parquet financier contre plusieurs eurodéputés et assistants parlementaires a été une réelle surprise (lire : [Actualité] Arrestations à Bruxelles pour corruption au Parlement européen. Le Qatar en ligne de mire). Personne ne semblait au courant au sein de l’institution parlementaire, ni même dans la bulle européenne. Autant dire que les révélations des belges Le Soir et Knack, suivies très rapidement de la confirmation du parquet fédéral, suscitent l’émoi depuis quelques jours.
Des failles dans le fonctionnement parlementaire
Le fait que certains aient monnayé leur soutien avec une somme d’argent laisse planer plus qu’un malaise sur l’institution parlementaire. Elle sème d’autant plus la consternation que certaines des personnes impliquées directement (Pier Antonio Panzeri) ou indirectement (Marc Tarabella) jouissaient d’une excellente réputation de personnes très engagées sur l’Europe et les droits de l’Homme. Elle pose aussi nombre de questions sur les failles au sein de l’institution parlementaire, très soucieuse du respect de l’État de droit.
Un véritable séisme
Le Parlement européen se trouve confronté pour la première fois de son histoire face à une crise majeure, équivalente (toutes proportions gardées) à celle qu’avait subi la Commission européenne au moment de l’affaire Cresson à la fin des années 1990. Affaire qui avait entraîné la chute de la Commission Santer, et entraîné un net affaiblissement durant des années de l’exécutif européen… au profit des États membres.
Un lobbying ravageur
Ce qui n’est pas une surprise, en revanche, c’est l’intense lobbying mené par le Qatar. Si certains s’étaient exprimé très vite lors du vote de la résolution la dernière plénière (l’eurodéputée de la gauche Manon Aubry notamment ou celui de Renaissance, Pierre Karleskind), ils n’étaient pas légion à l’époque. Les langues commencent à se délier, aujourd’hui. Un peu tard. Le mal est fait. La Commission européenne semble aussi très perméable au lobbying efficace du Qatar (1).
Le Qatar, le Maroc et les autres
Doha n’est pas le seul pays à mener un tel lobbying. Régulièrement, les échos se font de la pression de plusieurs pays, sensibles aux prises de position du Parlement européen. Un paradoxe certainement. Mais à l’extérieur de l’Union européenne, les prises de position du Parlement européen sont surveillées de près, comme du lait sur le feu, par les chancelleries étrangères. Ce n’est pas un secret que des pays comme le Maroc, la Turquie ou les républiques d’Asie centrale — le Kazakhstan en tête… (lire : Les drôles de pratiques d’un Etat d’Asie centrale à Bruxelles) comme l’Azerbaïdjan — mènent un lobbying très actif pour défendre leurs intérêts et sont parfois à la limite de la légalité (2).
Des faits dénoncés par l’eurodéputé français Raphaël Glucksmann (Place Publique / S&D) dans un entretien à B2 en mars dernier : « Si la Russie a mené les ingérences de manière la plus brutale et systématique, derrière il y a en a d’autres. Je pense au Qatar. C’est un autre problème fondamental d’avoir à ce point laissé le Qatar faire un marché dans la classe politique. Il y a aussi la Turquie, l’Azerbaïdjan » (lire : Ingérences étrangères. Russie, Chine, Qatar… L’Europe n’a qu’à bien se préparer (R. Glucksmann)).
Chine, Russie et USA
Les pressions de la Chine et la Russie, utilisant toutes les méthodes, y compris l’espionnage et l’entrisme, ont été bien décrites récemment (lire : Le Parlement européen ferme ses portes aux lobbys russes). Mais même des pays dit « amis », comme les États-Unis font entendre puissamment leurs voix, convoquant presque les eurodéputés, en cas de mise en danger de ce qu’ils considèrent leurs intérêts (lire : Les États-Unis déclenchent une opération de lobbying pour miner le Fonds européen de défense).
Une révolution à produire au sein du Parlement
Si on discute avec des députés individuellement, certains relatent régulièrement ce type de pression, d’autres les taisent, gênés ou peu soucieux de s’épancher sur ce qui constitue leur vie ordinaire. Cette réalité, le Parlement européen doit désormais la prendre à bras le corps. Il pourrait, par exemple, créer un office anti-lobby permettant à ses députés de dénoncer toutes ces tentatives. Regrouper ces pressions multiples dans des rapports rendus publics, régulièrement, au besoin par communication de presse, serait un premier moyen pour tenter de diminuer la pression (3).
Convoquer les ambassadeurs des pays faisant trop pression
Au besoin, la présidence du Parlement européen, et les autorités européennes, pourraient aussi utiliser tous leurs pouvoirs — comme le ferait n’importe quelle assemblée ou État objet d’une tentative d’infiltration. Des lettres pourraient être adressées aux impétrants, voire rendues publiques. Rien n’interdit non plus de convoquer les ambassadeurs qui œuvrent de façon cachée, voire en monnayant leurs services. De façon conjoncturelle, en toute logique, l’ambassadeur du Qatar auprès de l’UE devrait quitter son poste, ou son rappel être demandé aux autorités de Doha.
L’importance du Parlement européen
Cette affaire révèle aussi un point fondamental. Les résolutions que vote et débat l’assemblée parlementaire, dans un silence parfois assourdissant, ont une importance que nombre de médias ignorent ou sous-estiment. C’est un point que j’ai pu vérifié régulièrement, avec tous les journalistes de B2. Dès qu’on est en contact avec un diplomate hors de l’Union européenne, il se préoccupe de façon très importante de la position du Parlement européen qui a une énorme résonance au-delà des frontières (lire : [Décryptage] Les résolutions d’urgence du Parlement européen, une voix diplomatique off qui dérange).
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi :
Ingérences étrangères. Russie, Chine, Qatar… L’Europe n’a qu’à bien se préparer (R.Glucksmann)Cet article Le QatarGate au Parlement européen : un séisme qui révèle des défaillances est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Parus sur B2 Pro ces derniers jours
La Facilité européenne pour la paix va être regarnie. Un accord se dégage entre les 27. La discussion, les modalités d’un accord. Tous les chiffres et points de discussions.
[Confidentiel] La Facilité pour la paix va être regarnie. Un accord se dégage entre les 27La présidente de la sous-commission Défense du Parlement européen Nathalie Loiseau a remporté une victoire en obtenant une égalité de traitement avec la commission Industrie. Conséquence : l’examen d’EDIRPA, le fonds de l’Union européenne pour l’achat en commun de matériel de défense peut enfin commencer au Parlement européen.
[Confidentiel] EDIRPA : l’examen peut (enfin) commencer au Parlement européenLa Suède dans les starting-blocks. À quelques jours de la prise de fonction par Stockholm de la présidence du Conseil de l’UE, il est intéressant de voir ce qu’ils pensent. En fait, à bien écouter Pål Jonson, la Suède repense sa défense en lien avec l’OTAN.
[Entretien] Entre UE et OTAN, le cœur des Suédois balance. Pål Jonson s’expliqueQuel impact pour les sanctions européennes contre la Russie ? Comment la Commission européenne évalue les dommages causés, les conséquences sur les relations commerciales ? Sur quels critères sont choisis les secteurs à cibler ? Quid du double usage, des alternatives pour les Russes, des voies de contournement ? Tous les détails.
[Décryptage] Quel impact pour les sanctions européennes contre la Russie ?Comment l’Europe reconfigure ses missions EUTM et EUCAP en Somalie à l’approche d’ici fin 2024 du départ des troupes africaines de maintien de la paix et de la reprise en main par la Somalie de sa propre sécurité ?
[Confidentiel] L’Europe reconfigure ses missions EUTM et EUCAP en SomalieCet article Les exclus et confidentiels de B2 cette semaine est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
Après deux ans de pandémie, Tandem, la scène nationale de Douai et Arras que dirige Gilbert Langlois, reprend son parcours « Face à la mer », qui présente les nouvelles générations de créateurs du Maghreb et du Moyen-Orient, avec pour thème « Liban-Palestine ».
- Contrebande / Liban, Palestine, Conflits, ThéâtreVingt jours. C'est le temps qu'il aura fallu au syndicat interdépartemental pour l'assainissement de la région parisienne pour rendre public un accident qui a entraîné le relâchement dans l'atmosphère de 4 tonnes de biogaz dans la nuit du 9 au 10 octobre dernier à son usine historique d'Achères dans les Yvelines, établissement classé Seveso seuil haut. Un silence qui a scandalisé riverains et élus, et illustre à nouveau une gouvernance et une gestion de la sécurité délétères.
- Carnets d'eau / Eau, Entreprise, Ville, Environnement, Gestion de l'eau, Pollution(B2) En donnant le chiffre de plus de 100.000 militaires ukrainiens morts, dans une petite vidéo diffusée par tweet mercredi (30 novembre), la présidente de la Commission européenne a commis une triple bourde.
La capture photo de la vidéo dans laquelle U. von der Leyen annonce le chiffre (DR)Une triple défaillance présidentielle
Premièrement, ce chiffre est faux. Les 100.000, ce ne sont pas les « officiers militaires décédés », comme le dit la présidente ! Ce sont toutes les personnes hors combat, donc décédées (au combat ou ailleurs, accidents, etc.), blessées gravement ou très gravement, celles qui ont été faites prisonniers, celles qui ont disparu, ou ont été exécutées par les Russes. Que ces personnes soient officiers (1) ou simples soldats, volontaires ou de la réserve territoriale, policiers, douaniers, agents du renseignement (SBU, etc.) ou autres personnels officiels, nombreux à être au front ou frappés par la guerre. Et, encore, c’est une évaluation (2).
Deuxièmement, et c’est le plus grave, ce chiffre n’a jamais été révélé par les Ukrainiens (3). C’est même « secret défense ». Seul le président Volodomyr Zelensky (ou son entourage) a « le droit de communiquer sur ce sujet ». Un point confirmé à B2 par un responsable de l’armée ukrainienne (lors de notre déplacement à Kiev en mai).
Troisièmement, jusqu’à présent le chiffre a toujours été (très) minoré, sciemment. Dans un objectif classique en temps de guerre : maintenir le moral des troupes. Kiev communique ainsi allègrement sur les pertes russes, donnant jour après jour le décompte de leurs morts, jamais sur ses propres pertes. Et vice-versa.
Un dérapage mal contrôlé… Explications
L’objectif du tweet
Cette vidéo était surtout destinée à souligner les deux propositions faites quelques heures plus tard : sur la mise en place d’un tribunal international ad hoc pour juger du crime d’agression russe en Ukraine (lire : Tribunal international pour l’Ukraine : les idées de la Commission européenne) et pouvoir utiliser une partie des avoirs russes gelés par les sanctions de l’Union afin de financer la reconstruction en Ukraine (lire : Pour reconstruire l’Ukraine, la Commission propose de jouer en bourse les avoirs russes).
La communication fait faillir la politique
Comme c’est son habitude, la présidente de la Commission européenne a voulu anticiper ce qu’allaient dire “ses” commissaires en publiant, depuis son bureau, une petite vidéo avec quelques phrases choc. Une manière de communiquer qui fait grincer des dents, dans tous les étages du Berlaymont, le bâtiment qui abrite l’exécutif européen à Bruxelles, comme dans les rangs des journalistes (cf. encadré).
Vidéo retirée en urgence
S’apercevant de la bourde, le service du porte-parolat a rapidement retiré la vidéo, pour la remplacer quelques minutes plus tard, par une autre, où le passage incriminé ne figure plus. Celui-ci ne figure d’ailleurs pas dans le transcript fourni ensuite à la presse.
Tentative de justification
La copie écran du tweet de Dana SpinantLa porte-parole adjointe de la Commission européenne, Dana Spinant, appelée à la rescousse, publie rapidement un tweet, plutôt lunaire, sans aucune excuse : « Un grand merci à ceux qui ont souligné l’inexactitude concernant les chiffres dans une version précédente de cette vidéo. L’estimation utilisée, à partir de sources externes, aurait dû faire référence aux victimes, c’est-à-dire à la fois tués et blessés, et visait à montrer la brutalité de la Russie. »
Des arguments peu crédibles
Interrogée ensuite par la presse, lors du “midday briefing”, l’exercice quotidien de questions-réponses de la Commission européenne avec la presse bruxelloise, Dana tente, tant bien que mal, de justifier sa patronne : « Ce sont des chiffres externes mis dans le domaine public. La Commission [européenne] n’a pas ses propres chiffres là-dessus (4). Nous avons considéré, rétrospectivement, qu’il ne fallait pas entrer dans la discussion des chiffres. C’est pourquoi nous avons expliqué, je pense clairement, que nous préférons retirer une première version de la vidéo. Et se focaliser sur une deuxième version sur des sujets de substance […] Il n’y a donc pas lieu de rediscuter des chiffres puisque nous avons admis qu’il n’était pas fructueux de s’occuper d’en discuter. » (5)
La leçon : une bourde (très) difficile à justifier
Pour une ancienne ministre de la Défense, ce type de bourde est réellement impardonnable ! Cela révèle les limites du personnage qui soigne sa communication, préférant communiquer à coups de tweets et petites vidéos (souvent diffusées avant l’annonce officielle d’évènements par « ses » commissaires) que lors de rituelles conférences de presse, où elle pourrait être désarçonnée par quelques questions imprévues (et à laquelle elle ne peut répondre).
Pour Ursula Von der Leyen, qui rêvait à un grand destin après son poste de présidente à la Commission en novembre 2024, éventuellement comme secrétaire générale de l’OTAN, cette bourde pourrait coûter cher. Honnêtement qui fera confiance à une personne qui quelques jours plus tard révèle l’information au grand public, juste pour se mettre en valeur ?
(Nicolas Gros-Verheyde)
La communication très contrôlée de von der Leyen. Ursula von der Leyen rechigne à l'exercice des conférences de presse générales, avant chaque Conseil européen, où toutes les questions peuvent être posées par tous les journalistes. Elle préfère des petits conciliabules avec une vingtaine de journalistes, triés sur le volet, où les questions sont bien contrôlées (gaffe à celui qui dépasse la ligne jaune, il ne sera plus réinvité). Mais, le plus souvent, elle fait des déclarations après un évènement (point VIP ou statement dans le langage bruxellois) ou elle publie de petites capsules vidéo, préparées soigneusement par son équipe de communication rapprochée. Un moyen d'éviter toute question, qui (apparemment) déstabilise cette femme, très politique, intelligente, très convaincue elle-même de l'importance de l'Europe, comme de la politique de défense européenne. Mais qui redoute, avant tout, de perdre le contrôle et de ne pas maitriser ses dossiers.Cet article 100.000 militaires ukrainiens décédés ? La grosse bourde signée Ursula von der Leyen est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
Pousser la porte de la Belle Étoile, à La Plaine Saint-Denis, c'est entrer dans un espace de partage des utopies et des luttes dont le foisonnement d'affiches a enregistré les traces. Revendication de la libération de Georges Ibrahim Abdallah, soutien à la Palestine, manifestations féministes, des années 1980 et d'aujourd'hui, appels à la grève générale… La Compagnie Jolie Môme, qui fêtera ses quarante ans l'an prochain, y tient ses quartiers. Quand elle n'est pas dans la rue ou sur des piquets de grève avec (...)
- Contrebande / Théâtre, Mouvement de contestation, Education, Culture, Art, Société, Idées(B2) Depuis le début de la crise du prix de l’énergie, la commissaire européenne chargée du dossier est plutôt invisible. Portrait.
La commissaire Kadri Simson sur le stand de la Commission européenne au Conseil des ministres de l’énergie jeudi (24 novembre) (flux : EBS / Sélection NGV)Une femme qui a la politique dans le sang
Un père, vétéran de la politique estonienne
De nationalité estonienne Kadri Simson est née un 22 janvier 1977 à Tartu. Son père, Aadu Most, est un professeur d’histoire bien connu. Avant l’indépendance retrouvée, il est un des responsables du Front populaire fondé par Edgar Savisaar. Le parti a été créé du temps de l’URSS et soutient le combat pour la Perestroïka et est l’un des organisateurs de la fameuse chaîne humaine formée entre les citoyens des trois pays Baltes (près de deux millions y participeront) le 23 août 1989 (cf. kesknadal). Autrement dit, un vétéran de la politique estonienne.
Artisan de l’indépendance estonienne
Aadu sera le représentant estonien à Stockholm, dans la Suède toute proche, en tant que chef du bureau d’information (une simili ambassade), juste avant l’indépendance qui voit l’Estonie s’émanciper de l’URSS. Membre du parti du Centre qui a succédé au Front populaire, il est élu ensuite régulièrement au Riigikogu, le parlement national. Il en est toujours membre, président de sa commission culture. Il a aussi été maire de Tartu de 2007 à 2015, avant d’en être éjecté par son parti.
Miss Tartu intéressée par la politique
Kadri entre en politique très tôt à l’âge de 18 ans, pour se battre contre l’enseignement payant. Réputée enfant sage, elle préfère discuter politique que faire la fête, comme elle le raconte à Postimees. Cela ne l’empêche nullement de devenir Miss Tartu en 1994. Une incartade de jeunesse, expliquera-t-elle. Elle adhère au Parti du Centre, comme son père. Et elle ne cessera d’y consacrer le maximum de son temps. En 1999, à 22 ans, alors qu’elle est encore étudiante, elle devient conseillère municipale à Tallinn, la capitale, puis devient la conseillère du maire nouvellement élu, Edgar Savisaar, qui sera un de ses mentors en politique, avant de devenir un concurrent.
Une des figures montantes au parti du Centre
Après un bachelor en histoire de l’université de Tartu en 2000, et une maîtrise d’histoire en 2002, la fille aînée de la famille part à Londres pour acquérir une maîtrise en sciences politiques à l’University College of London en 2003. Connaissance qu’elle met immédiatement en pratique. En 2003, elle devient la secrétaire générale du parti Centre, auprès de son président l’ineffaçable Edgar Savisaar. Poste qu’elle occupe jusqu’à 2007, quand elle est élue au parlement. Elle est la cheffe du groupe Centre de 2009 à 2016.
L’heure de l’émancipation
La vie politique interne n’est pas de toute tranquillité. Le parti du Centre est ravagé de luttes intestines fratricides. Pourtant amis de longue date, Aadu et Savisaar,, se fâchent. Savisaar est accusé de corruption. Quand il est malade, et doit se faire opérer, Kadri saute sur l’occasion. Elle tente de ravir la tête du parti en 2015. « Je me soucie de la santé de Savisaar et ait donc décidé de lui offrir un soulagement en se présentant comme candidate », explique-t-elle, selon la radio estonienne. Avec un rien de zeste d’hypocrisie. Raté.
… et des règlements de compte
Le clan Savisaar se venge un an plus tard en tentant de saboter la réélection de Kadri à la tête du groupe parlementaire. La campagne interne est alors féroce et plutôt sale. Tous les coups semblent permis, relate la presse estonienne. Des soutiens de Kadri sont convoqués devant le comité d’honneur du parti accusés d’avoir soudoyés des voix. Et vice-versa. Tenace, ce qui est aussi un trait de son caractère, Kadri est réélue finalement.
Le firmament gouvernemental entaché de petites affaires
Miss Simson
En 2008, elle épouse Priit Simson, un journaliste de Eesti Päevaleht, son amour d’études. Elle a été avec lui sur les bancs à l’université de Tartu. Et il est à ses côtés quand elle fait ses premières armes en politique. Ils divorcent près de sept ans plus tard, en février 2015. Kadri garde cependant de cette union le nom de son mari, son nom actuel de commissaire, le préférant sans doute à celui de la famille, Most. Un geste d’émancipation par rapport au père.
Un compagnon de route plutôt embarrassant
Kadri ne reste pas seule longtemps. Elle trouvé une autre âme sœur en la personne de Teet Soorm, un homme d’affaires plutôt sulfureux mais séduisant, qui évoluait dans la famille des Simson. Président du conseil d’administration de HKScan, le plus grand éleveur de porcs du pays, c’est un homme en vue. Cela vaudra cependant très vite à l’intéressée des accusations de conflit d’intérêt. Kadri vient en effet d’accéder au gouvernement. Elle est depuis le 23 novembre 2016 ministre chargée des Affaires économiques et des infrastructures dans le gouvernement de coalition que forme Jüri Ratas (KESK) avec les sociaux-démocrates (SDE) et Pro Patria & Res Publica (IRL).
Un petit conflit d’intérêt
Or très vite, le gouvernement décide d’une aide exceptionnelle pour les agriculteurs victimes de la peste porcine. Teet Sorm a été un des principaux militants de cette aide, demandant même au gouvernement d’intervenir auprès de Bruxelles pour alléger les règles d’abattage des porcs. Le conflit d’intérêt parait patent au regard de la définition classique (1). Kadri nie pourtant tout en bloc estimant que la mesure étant publique, il n’y a pas conflit (2). Elle reste ministre durant deux ans et demi, jusqu’aux élections suivantes (jusqu’au 29 avril 2019). Dans la nouvelle coalition que forme Jüri Ratas avec le parti nationaliste et xénophobe EKRE en avril 2019, elle n’est pas renouvelée.
Fausses factures en série
La vie avec son compagnon l’expose constamment (3). Teet Soorm est mis en cause dans une nouvelle affaire. Cette fois par son ancienne entreprise HK Scan et sa filiale AS Rakvere Farmid qui lui reprochent d’avoir émis, avec plusieurs autres responsables de l’entreprise, de fausses factures pour se verser des dividendes et bonus supplémentaires. Le préjudice est estimé à 28 millions € entre 2013 et 2016. L’intéressé est débarqué de l’entreprise. Une plainte au pénal est déposée. Il est arrêté par la police en novembre 2017 pour détournement de fonds et de blanchiment d’argent, selon la TV estonienne. Le procès dure. Finalement, la procédure pénale se clôt près de deux ans plus tard, en juillet 2019, avec un accord amiable entre l’accusé et le procureur. La société est indemnisée du dommage subi. Le procureur renonce à la poursuite « faute d’intérêt public à poursuivre ».
Sauvé par le gong
Kadri échappe au pire, sauvée par le gong. Selon le dossier de plainte au pénal de HK Scan, elle a en effet participé à un voyage d’agrément facturé comme voyage d’affaires à la société, au moins une fois (en 2016 en Roumanie) comme le rapporte le tabloïd local Ohtuleht. L’arrangement tombe donc à pic. L’intéressée vient d’être proposée officiellement le 5 juin par le gouvernement estonien pour faire partie de la Commission européenne. Une promotion en forme de dégagement au loin. Le complexe Borgen en quelque sorte (4).
Déclaration formelle à zéro
Dans sa déclaration d’intérêt qu’elle a signé en tant que commissaire, Kadri Simson n’a mentionné aucun élément possible de conflit d’intérêt ni même d’interaction de sa vie personnelle. « Non applicable » est-il mentionné…
Une commissaire dépassée par la crise
Forte politicienne à Tallinn, faible à Bruxelles
Considérée dans ses mots comme une politicienne forte et à la langue acérée selon les mots du Postimees, le quotidien estonien, on ne peut pas dire que ses qualités aient irrigué la bulle européenne. Ses premiers pas à la Commission européenne ne la placent pas en haut des marches. Au contraire. Kadri Simson apparait fade, et voguant au gré de décisions qui semblent prises ailleurs.
Une connaissance des dossiers au raz des notes
Incapable de justifier la ligne politique suivie par la Commission européenne, elle reste au plus près de ses notes, démontrant ainsi par là sa faible maitrise des dossiers. En conférence de presse, c’est frappant : elle n’ose pas quitter des yeux les lignes de codes écrites par ses conseillers. Et quand une question est posée trop concrète, par exemple sur le mécanisme de limitation de prix du pétrole, elle se contente de grandes idées, ou détourne l’attention vers d’autres sujets.
La sécurité d’approvisionnement plus que les citoyens
Les prix de l’énergie semblent être en effet le cadet de ses soucis. Dès qu’on aborde des questions plus géopolitiques, comme la sécurité d’approvisionnement de l’Europe ou celles des pays voisins (Ukraine, Moldavie…), Kadri Simson se révèle en revanche, plus motivée. Presque fidèle à l’image qu’en dressent mes collègues estoniens : concernée, plus énergique, très politique. Il suffit d’écouter ses interventions face à la presse, notamment à la fin du Conseil des ministres de l’Énergie, le 25 octobre dernier ou ce 24 novembre pour s’en rendre compte, et surtout de regarder sa proposition d’un mécanisme de limitation du prix du gaz (cf. encadré) pour voir que la commissaire est en fait “incapable” au sens étymologique du terme (5).
(Nicolas Gros-Verheyde)
Un mécanisme inefficace
Le mécanisme de limitation du prix du gaz préparé présenté par la commissaire aux ministres de l’Énergie ce jeudi est si complexe et son seuil placé si haut qu’il est quasiment inefficace. « Si le mécanisme avait existé en août, il n’aurait jamais pu être déclenché » n’a d’ailleurs pas hésité à dire la ministre belge Tinne Van der Straeten, membre des Groen (les Verts flamands). « Ce n’est certainement pas une réforme structurelle ni une réponse à l’envolée des prix du gaz » renchérit sa collègue française Agnès Pannier-Runacher (Renaissance). Ce texte « est insuffisant » ajoute-t-elle, pointant l’incapacité de la commissaire à répondre aux besoins des Chefs. « La Commission a un mandat très clair du Conseil européen, je pense que c’est une bonne chose que de répondre point à point à ce mandat ».
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(B2) Le cargo MV Meerdijk, battant pavillon néerlandais, a été pris en flagrant délit de violation de l’embargo sur les armes vers la Libye.
Le Mv Meerdijk transportant au vu et su de tous les véhicules blindés (Photo : EUNAVFOR Med Irini)Une inspection fructueuse des marins européens
L’information a été officiellement confirmée par l’opération maritime de l’UE, EUNAVFOR Med Irini, dans un communiqué, publié mercredi (9 novembre). L’inspection effectuée le 11 octobre sur le navire au large de la Libye a permis de découvrir des « dizaines de véhicules modifiés pour un usage militaire ». Le matériel a été saisi et le navire dérouté sur « un port européen » L’opération européenne n’a voulu donner aucun autre détail (1).
(Photo : EUNAVFOR Med Irini)Une inspection effectuée en pleine coopération
L’inspection a été opérée par les marins grecs du navire-amiral de l’opération, le FS Aegean. Elle a été opérée sans opposition. « Les propriétaires et les gestionnaires ont pleinement coopéré à l’inspection par l’opération Eunavfor MED Irini et ont apporté leur plein soutien à leurs enquêtes » assure un responsable de la compagnie propriétaire du navire. Du côté de l’opération, on confirme cependant que les Pays-Bas, en tant qu’État du pavillon du navire, ont donné « sans délai leur consentement » à l’inspection.
Des véhicules de fabrication émiratis
Cette inspection a permis en effet de localiser des véhicules à usage militaire, apparemment du type de ceux fabriqués par le fabricant émirati. Apparemment des véhicules 4×4 blindés de type BATT UMG du fabricant américano-émirati TAG (The Armored Group). Ces véhicules sont non armés, mais ils peuvent très facilement être équipés de lance-grenades, voire de mitrailleuses.
Pour le compte des Émirats
Selon les informations maritimes en notre possession, le navire venait de Al Hamriyah aux Émirats arabes unis. Après avoir traversé le canal de Suez, il se dirigeait vers la Libye. Plus exactement l’Est de la Libye. Les Émirats soutenant le clan Haftar.
Dérouté vers Marseille
Le MV Meerdijk — qui appartient à la compagnie néerlandaise Vertom et a pour port d’attache Groninghen — a été dérouté sur le port de Marseille (lieu désigné dans le plan d’opération comme port de diversion). Il a été immobilisé cinq jours (entre le 16 et le 22 octobre), avant d’être autorisé à repartir, de poursuivre son voyage et ses activités. Il est arrivé ainsi à Poti en Géorgie le 30 octobre.
Le matériel saisi
Le matériel à bord a été saisi et déchargé au port, après inspection par des experts du comité sanction des Nations unies. « Aucune accusation n’a été portée contre l’équipage du navire, ni contre le propriétaire et les gérants », assure-t-on du côté du propriétaire qui plaide la bonne foi. Contacté par B2, « le propriétaire et les gérants » du MV Meerdijk ont assuré prendre « très au sérieux leurs responsabilités », en se conformant à « toutes » les lois applicables et « à toutes » les sanctions. « Avant d’entrer dans les opérations de fret, le propriétaire et les gestionnaires s’efforcent toujours de s’assurer que tous les permis et documents nécessaires ont été délivrés par les autorités compétentes. »
Des précédents
C’est la seconde saisie du genre en moins de trois mois et la troisième depuis le début de l’opération. En septembre 2020, un tanker norvégien transportant du fuel à usage militaire avait été saisi (lire : Un navire soupçonné de violer l’embargo vers la Libye intercepté par l’opération Irini).
Le cas du MV Victory Roro
Le 18 juillet dernier, un navire battant pavillon de la Guinée équatoriale, le MV Victory Roro, avait été aussi arraisonné et dérouté sur un port européen. L’inspection menée par les marins italiens avait permis de découvrir des dizaines de véhicules conçus ou modifiés à des fins militaires destinés à la Libye. Sans grande surprise pour les spécialistes du trafic d’armes vers la Libye.
Un abonné à la violation de l’embargo
« Depuis longtemps, [il est] soupçonné de transférer du matériel militaire vers la Libye » affirme-t-on du côté d’EUNAVFOR Med Irini. Sous le nom de MV Luccello, battant pavillon des Comores, le navire avait ainsi été identifié par le groupe d’experts de l’ONU sur la Libye comme ayant livré des véhicules militaires début mars 2022.
… suivi à la trace
Il était donc suivi à la trace par les militaires européens. Il avait ainsi tout d’abord été localisé par un avion de la marine française, affecté à l’opération IRINI, « après avoir traversé le canal de Suez et pénétré dans la mer Méditerranée ». Sur mer, la frégate hellénique HS Themitokles avait, à distance, surveillé le navire durant sa route avant que la frégate italienne ITS Grecale ne prenne le relais pour effectuer l’inspection.
(Nicolas Gros-Verheyde)
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(B2) L’Europe a-t-elle un avenir dans un monde tourmenté avec le retour de la guerre en Europe, la naissance d’une grave crise économique et l’émergence de puissances non occidentales ? Bruno Dupré est convaincu que Oui. À condition qu’elle se transforme, mise sur des instruments de force et s’engage pour rénover le multilatéralisme.
Retour à Toulon du porte-avions Charles-de-Gaulle (Photo : DICOD / Marine nationale – Archives B2)Les temps de l’incertitude
« Nous sommes dans un grand moment d’incertitude. » Une incertitude sur la guerre en Ukraine, sur l’unité européenne, sur l’économie mondiale, sur les rapports de force entre grandes puissances, sur le positionnement des pays du Sud.
Le scénario le moins crédible en Ukraine gagne du terrain
Le scenario le moins crédible en février, la victoire de l’Ukraine, n’est plus impossible. Si l’Ukraine n’a pas gagné la guerre. La Russie l’a, elle, en quelque sorte déjà perdue, comme l’a dit le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères Josep Borrell. Mais il demeure une incertitude majeure : le président russe Vladimir Poutine peut-il accepter une défaite ? Il y a un risque non négligeable pour l’Europe, comme on le voit aujourd’hui, d’une escalade incontrôlable sur le territoire européen avec la mobilisation générale, la menace nucléaire, ou le sabotage comme sur le gazoduc Nord Stream reliant l’Allemagne à la Russie en septembre.
L’incroyable unité européenne testée cet hiver
« Il y a aussi une incertitude sur l’unité européenne. Ce qui s’est passé depuis février est incroyable. Nous avons assisté à une incroyable unité, unique dans l’histoire de l’Union européenne, avec plusieurs paquets de sanctions, trois milliards d’euros pour financer des armements, 19 milliards en tout en comptant l’aide financière. Le président russe [Vladimir] Poutine pensait que l’Union européenne n’oserait pas : les Européens n’oseraient livrer de l’armement, n’oseraient pas se dégager de l’emprise énergétique russe. Nous avons osé ! Pourtant l’unité est une chose fragile et on voit déjà combien elle est éprouvée au sein de l’UE. L’heure de vérité arrive avec l’hiver. »
Une incertitude économique
« Trois cycles se confirment : inflation, stagflation, récession. Mais s’agit-il d’une crise conjoncturelle économique, financière ou plus structurelle du capitalisme telle qu’il existe aujourd’hui ? La maison sociale brûle, celle de la solidarité. Et nous regardons ailleurs. »
Des rapports de force qui se cherchent entre grandes puissances
« Une alliance forte semble se dessiner entre Chine et Russie (la Russie devient un continent eurasiatique). Mais cette alliance est-elle durable ? Est-il de notre intérêt d’antagoniser la Chine, en la traitant en simple rival systémique comme certains nous poussent à le faire ? Faut-il, même si la Russie nous plonge chaque jour un peu plus dans l’horreur, rompre tout dialogue avec Moscou, et laisser dériver la Russie vers l’Asie ? » Points fondamentaux. « D’autant que les élections de 2024 en Russie comme aux États-Unis, et le XXe Congrès en Chine cette année, laissent deviner des changements en profondeur… Sans qu’il soit possible de dire dans quel sens. »
Un Sud attentiste
« Nous avons été choqués de voir l’absence de soutien de pays du Sud au vote à l’ONU (avec 40 pays qui se sont opposés ou se sont abstenus), des pays maintenus parfois à bout de bras par l’UE depuis plus 50 ans » lors des résolutions de l’Assemblée générale pour condamner l’attaque de la Russie sur Ukraine, et de l’annexion de quatre oblast. « Faut-il s’en étonner ? Ceci n’est pas leur guerre disent-ils. Et ils sont plus préoccupés par les conséquences que par les causes, reprochant au passage aux Européens le colonialisme ou leur racisme. Ne faut-il pas surtout écouter au lieu d’essayer de convertir. Car malgré tout ce qui nous sépare du Sud, nous partageons encore quelque chose de fort : le multilatéralisme. Le Sud ne condamne pas le multilatéralisme. Le principe de « une nation, une voix » est pour lui le seul moyen de se faire entendre. »
Une formidable opportunité pour l’Europe
Ce temps d’incertitude, de remise en cause des concepts de démocratie, de souveraineté, de capitalisme, de multilatéralisme est une aussi une « formidable opportunité » pour l’Europe « de se rénover ». Une opportunité « d’être moins naïf, plus autonome, plus clair dans les valeurs que nous défendons et plus efficaces dans notre détermination à ne pas être le terrain de jeux des grandes puissances ».
Les débuts de l’Europe dans la géopolitique
Sortir de la logique du chèque
« L’Europe est à ses débuts de la géopolitisation. Jusqu’à présent, elle faisait surtout de l’aide humanitaire et du développement. Il lui faut faire un tournant complet. Il y a tout un travail au niveau des institutions européennes pour sortir d’une logique du chèque et aller vers la logique du rapport de force. L’Europe doit sortir du brouillard de la paix. Car nous sommes en guerre économique, financière, commerciale, militaire, systémique. »
Réduire les vulnérabilités
« Il nous faut réduire nos vulnérabilités, nos dépendances dans tous les secteurs clés, sensibles. Pas seulement sur le militaire, mais aussi sur les secteurs critiques : espace, énergie, digital, transport, santé. Nous devons développer une culture commune — comme avec la boussole stratégique », le livre blanc de spa sécurité et défense de l’Union européenne adopté en mars 2022. « Car ce sont autant de catalyseurs pour un alignement de nos politiques, de nos valeurs et de nos intérêts. Il est très important d’avoir un narratif : sans narratif pas de vision politique et sans vision politique pas de futur. »
Se doter d’outils de souveraineté
Ne pas être naïf, réduire les dépendances, « cela ne veut pas dire une Europe Forteresse ou du protectionnisme ». Plutôt, cela signifie « agir collectivement chaque fois que c’est possible et de façon autonome chaque fois que nécessaire. » Et avoir les outils pour cela. L’Europe a commencé le travail avec le « contrôle des investissements de l’étranger sur le territoire européen, la possibilité d’adopter des mesures anti-coercition, de nouvelles politiques industrielles (matières rares, matières premières critiques) ou la protection marché intérieur (surveillance des chaines d’approvisionnement, réserves stratégiques, réaffectation d’urgence des capacités de production), etc. »
La nouvelle bataille du lithium
Un exemple phare ! « Le lithium sera bientôt plus important que le gaz. Le problème est qu’un seul pays (la Chine) maîtrise quasiment tout le marché. Or, nous devons éviter une situation de dépendance comme actuellement sur le gaz ou le pétrole ». Un travail est en cours au niveau européen avec « des accords à ratifier avec le Chili, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, ceux à ‘avancer’ avec l’Australie et l’Inde. »
L’ADN européen : le multilatéralisme
« Il faut s’appuyer sur notre ADN : le multilatéralisme. C’est le cœur des valeurs de l’UE, avec le respect de la souveraineté territoriale, de la règle de droit, des droits humains, de la séparation des pouvoirs. […] Mais le multilatéralisme actuel a vécu. Le Conseil de sécurité des Nations unies ne représente plus l’équilibre global des puissances, les objectifs de développement (SDG) sont non efficaces, [laissant la place] au mini-latéralisme (G7, G20). À nous de rénover ce multilatéralisme, de mettre en place un système politique réformé qui régira demain les relations internationales. »
(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde, à Toulon)
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(B2) L’annulation du conseil des ministres franco-allemands, prévu d’abord en juillet, puis à Fontainebleau, le 19 octobre illustre une relation difficile depuis l’arrivée d’une coalition tricolore en Allemagne et le second mandat d’Emmanuel Macron.
Image symbolique du couple franco-allemand : un Français qui parle, anime le débat ; un Allemand qui regarde à côté souriant, content de lui-même. Et entre les deux souvent un intermédiaire (ici le Néerlandais Mark Rutte) (Photo : Conseil de l’Union européenne)Une alchimie personnelle qui ne prend pas
Entre un Olaf Scholz — qui peine à exister sur la scène européenne mais tient la barque malgré tout —, et un Emmanuel Macron — trublion de la politique et plus présidentiel que jamais —, le courant ne passe pas (1). Et même pas du tout ! Il y a peu d’alchimie personnelle, et même pas le respect minimal comme entre une Angela Merkel et un Nicolas Sarkozy ou un François Hollande.
Une dichotomie sur la guerre en Ukraine
Signe des temps, en pleine tension par la Russie contre l’Ukraine, les deux dirigeants n’ont pas réussi à aller ensemble à Kiev et à Moscou début février (lire aussi : Guerre russe en Ukraine. Emmanuel Macron a perdu la main. Le quadruple échec français expliqué). Il aura fallu ainsi attendre quatre mois — entre les deux tours des législatives françaises — pour que les deux dirigeants aillent de concert à Kiev, avec l’Italien Mario Draghi (2). Une situation qui tranche avec le passé (2).
Un tempo et un système politique différents
À Berlin, c’est une coalition formée de Sociaux-démocrates, Libéraux et Verts qui gouverne. Au terme d’un contrat qui fixe dans le marbre tous les éléments de la politique. Face aux imprévus, la coalition tangue, la ligne politique fluctue au gré des arbitrages gouvernementaux. Mais elle ne rompt pas. À Paris, le pouvoir d’Emmanuel Macron paraît intact. Solide en apparence, il a été fragilisé par les dernières élections et est minoritaire au parlement faute d’avoir pu conclure un accord de gouvernement. Le spectre d’une dissolution en cours de mandat plane… pas vraiment de quoi rassurer un pouvoir allemand.
Des divergences majeures sur l’économie et l’énergie
Sur le fond, aussi, tout divise ou presque. Le « mix » énergétique n’est pas le même, fondé sur le nucléaire en France, alors qu’il repos sur le gaz, le charbon et les énergies alternatives en Allemagne. Berlin a mis sur la table un plan de 200 milliards pour soutenir son économie, que personne dans l’Union européenne ne peut suivre. Mais il refuse l’équivalent au plan européen financé par la dette. Les Latins, avec le soutien français, veulent plafonner les prix de l’énergie. L’Allemagne en tête d’un groupe, refuse, par peur de voir la sobriété énergétique s’envoler. La France ne veut pas taxer les superprofits car c’est contraire à l’esprit pro-business d’Emmanuel Macron. Ce sujet divise la coalition à Berlin. Etc, etc.
Une défense commune en morceaux
Du côté défense, les divergences s’affirment. L’Allemagne a décidé de réinjecter 100 milliards € dans sa défense. Et, fort de sa tradition industrielle, ne veut plus s’en laisser compter par son voisin français. La plupart des projets industriels développés en commun font naufrage, de l’avion de patrouille maritime, disparu des radars, au projet de char, embourbé. L’avion du futur (SCAF) peine à décoller. Mais c’est surtout au niveau structurel que les différences s’affirment. Un non-dit d’équilibre entre France et Allemagne est en passe de briser (lire : [Décryptage] Au coeur de la crise franco-allemande, la Défense)
L’Alliance des contraires obligatoire pour l’Europe
Or le couple ou tandem franco-allemand, cette « alliance des contraires » (3) constitue un élément-clé de la politique européenne. Quand la France et l’Allemagne ne se comprennent plus ou ne s’entendent plus, surtout des sujets économiques (ou l’énergie aujourd’hui). Et la machine européenne se grippe. Cela a toujours été ainsi, se remémore un vieux routier des sommets européens, le Luxembourgeois Jim Cloos, ancien haut fonctionnaire européen. Et aucune alternative n’a jamais émergé. Tous ceux qui ont essayé de construire s’y sont cassés les dents. Car quand les deux capitales sont d’accord, « chacun s’y retrouve en Europe ».
(Nicolas Gros-Verheyde)
Version enrichie d’un article parue dans Sud-Ouest le 21 octobre
Cet article [Analyse] Une relation franco-allemande, difficile. Une Alliance des contraires nécessaire à l’Europe est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
Sera-t-il « le plus grand général russe de tous les temps », selon le mot d'un ancien diplomate tunisien ? Le « général Hiver », avec son cortège de pluies, neiges et grands froids, aurait été par quatre fois dans l'histoire l'arme décisive de la Russie, puis de l'Union soviétique : contre les Mongols, les Suédois, les Français (sous Napoléon en 1812), et les Allemands (sous Hitler en 1941). Son rôle est discuté, mais qu'en sera-t-il cette fois, entre Russes et Ukrainiens, dans les mois qui viennent ? Avant les (...)
- Défense en ligne / Armée, Conflits, OTAN, Russie, UkraineOn ne sort pas tous les quatre matins. Donc, quand on sort, autant que ce soit une bonne fois. Un petit stratège macroniste verrait sans doute l'avantage pour son maître de l'agitation présente : ils sortent maintenant, ils ne ressortiront pas de sitôt — par exemple dans trois mois pour les retraites.
- La pompe à phynance / France, Inégalités, Mouvement de contestation, Politique, Syndicalisme