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Défense

L'affrontement

Défense en ligne - Wed, 03/29/2023 - 11:35

Envolés le projet de réforme « Retraite », l'obstination insensée du forcené, les millions de personnes manifestant avec ténacité depuis deux mois — pour ne pas même parler de la porcherie policière dans les rues de Paris et d'ailleurs : il n'y a plus que poubelles en feu, « éléments radicalisés », et surtout, « violence, « violence », « violence » — des manifestants.

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[Editorial] La Suisse : le beurre, l’argent du beurre et la comtesse en prime

Bruxelles2 - Sun, 03/26/2023 - 21:25

(B2) La Suisse développe une industrie de l’armement à l’export, veut se rapprocher de l’OTAN mais interdit toute réexportation d’armes vers l’Ukraine. Au nom de sa neutralité. Les Européens devront en tirer des conséquences. Acheter à l’industrie suisse est aujourd’hui risqué pour l’autonomie stratégique. Il faudra s’en passer. Suspendre aussi l’arrangement avec l’agence européenne de défense est une option à étudier.

Le cyber, un des domaines où la Suisse voudrait se rapprocher de l’OTAN (Photo : Armée suisse – prise de commandement du bataillon cyber 42 – Archives B2)

Que veut la Suisse ? Berne entend se rapprocher de l’OTAN comme de l’Union européenne. C’est une volonté exprimée clairement dans un document publié par la Confédération en septembre dernier. La Suisse qui participe déjà à la plateforme d’interopérabilité de l’OTAN espère aussi obtenir le statut de partenaire privilégié, dit « nouvelles opportunités » (alias EOP), réservé à quelques happy few (Australie, Géorgie, Ukraine). La ministre suisse de la Défense, Viola Amherd, était mercredi au siège de l’OTAN pour tenter de convaincre ses interlocuteurs. Sans vraiment réussir.

La neutralité suisse, un problème ? À priori non, du moins selon l’OTAN. Le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, l’a dit expressément mercredi : « la neutralité » helvétique n’est « nullement un obstacle à leur collaboration ».

Ce qui bloque ? Berne refuse toujours de voir les équipements et matériels qu’elle a vendus aux autres pays européens — par exemple les véhicules cédés au Danemark ou les munitions pour le Guépard allemand — réexportés vers l’Ukraine pour le besoin des forces ukrainiennes engagées pour défendre leur territoire face à la Russie. C’est la loi sur le matériel de guerre qui interdit l’exportation d’armements suisses vers des pays en guerre civile ou en conflit armé avec un autre État. Le gouvernement suisse a bien tenté d’assouplir la loi. Rien n’y a fait : le parlement suisse a refusé, tout récemment encore (le 8 mars).

Commentaire : l’hypocrisie suisse faite Reine

Les Européens doivent dire leur fait aux Suisses : on ne peut pas se proclamer neutre, user de cette neutralité quand cela arrange, la recouvrir d’un mouchoir les autres moments, et manquer à la solidarité minimale ensuite.

Se rapprocher de l’Alliance, c’est renoncer à la neutralité

S’intégrer davantage dans l’Alliance atlantique, c’est choisir aujourd’hui clairement son camp. C’est-à-dire assumer de ne plus être neutre. L’OTAN n’est plus du tout l’organisation des années 2000 avec des relations sinon cordiales avec la Russie, du moins animée d’un certain esprit de coopération. Alliés et occidentaux sont aujourd’hui engagés fortement dans un soutien militaire massif à l’Ukraine, considérant la Russie non seulement comme un adversaire, mais comme un ennemi qu’il faut “neutraliser”. On peut parler donc de guerre, par proxy interposé.

Vendre à l’export, c’est prendre le risque

Du côté de l’industrie de l’armement, on nage en pleine hypocrisie. On ne peut pas exporter des munitions, un des points principaux productions nationales, et en interdire leur utilisation. Les seules exportations suisses ont représenté en 2022 près d’un milliard CHF (idem en €). Un chiffre en hausse de 212 millions par rapport à 2021. Des exportations orientées en grande partie vers les pays de l’Alliance (Allemagne, Danemark, Allemagne, etc.), mais aussi vers deux pays qui ne sont pas vraiment des modèles démocratiques : le Qatar (1ère destination à l’export) et l’Arabie saoudite (4e position). Exporter des armements létaux vers l’Arabie saoudite en guerre au Yémen est donc possible, mais pas la réexportation des armements européens vers l’Ukraine ?

La meilleure des solutions pour les Européens : ne plus acheter suisse

Les Européens devront en tirer des leçons pour demain. Premièrement, il est très risqué en terme d’autonomie stratégique européenne de s’équiper auprès de fabricants suisses. Il est plus sûr de se passer d’acheter aux entreprises suisses à l’avenir.

Deuxièmement, il faudra revoir sans doute l’arrangement administratif qu’a la Suisse avec l’agence européenne de défense. Ou au moins le suspendre. Il n’est pas souhaitable que la Suisse puisse jouer sur les deux tableaux : participer à l’effort européen, bénéficier de ses efforts d’innovation, mais ne pas assurer la solidarité minimale ensuite.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : B2 a cherché à avoir la position de la ministre de la Défense après la réunion à l’OTAN. L’accès à la mission suisse où se tenait la conférence de presse a été refusé. « Interdit aux correspondants européens », dixit le service de presse de l’ambassade.

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Un pays qui se soulève

Défense en ligne - Wed, 03/22/2023 - 12:30

C'est beau ce qui se passe quand l'ordre commence à dérailler. Des choses petites mais inouïes, qui rompent l'enfermement résigné et l'atomisation dont les pouvoirs font leur pouvoir. Le vrai mouvement commence. D'ores et déjà nous pouvons dire que la situation est pré-révolutionnaire. À quelles perspectives fait-elle face ?

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Munitions, nourriture, soins… La logistique infernale de la guerre en Ukraine

Défense ouverte (Blog de Jean Guisnel) - Tue, 03/21/2023 - 07:00
LETTRE DES ARMEES. Au-dela meme de la question des stocks, la guerre en Ukraine exige un effort logistique colossal pour assurer le soutien des combattants.
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Fruits secs, poèmes et vipères

Défense en ligne - Mon, 03/20/2023 - 16:06

Il y a 20 ans, le 20 mars 2003, par une nuit de pleine lune, les États-Unis d'Amérique, et leurs alliés, déclenchent l'invasion de l'Irak pour renverser le président Saddam Hussein et son régime. À Bagdad, alors que les bombes pleuvent, un couple parle d'argent, de lait et… de poésie. Bagdad est blême. Ses toits et terrasses sont couverts par un linceul d'albâtre qui s'unit à la nuit. Dans les eaux lourdes du Tigre, les carpes remontent à la surface, attirées par les faisceaux lumineux qui trouent le ciel et (...)

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[Analyse] Sur fond de guerre en Ukraine, la solidarité européenne joue à plein. Les intérêts nationaux aussi !

Bruxelles2 - Sun, 03/19/2023 - 14:58
Slovénie – Phare de Piran (Photo : ministère slovène des infrastructures)

(B2) La guerre en Ukraine a été un signal d’alarme, salvateur pour nombre d’États. Ils ont enclenché la modernisation de leur armée… En bénéficiant de la solidarité européenne. Un retour sur investissement, à un moment donné, pourra être nécessaire. Le débat est ouvert.

Un geste de solidarité

Depuis février 2022, et le début de la deuxième intervention russe en Ukraine (la première étant en 2014), plusieurs pays, surtout à l’Est du continent, ont très vite envoyé à l’Ukraine leurs matériels d’origine soviétique. Un geste sous-tendu par une volonté politique réelle et un principe d’efficacité. Autant en effet équiper les Ukrainiens avec du matériel robuste, testé et immédiatement employable, plutôt qu’avec du matériel certes plus moderne, mais qui nécessite une certaine appropriation au niveau humain comme technologique (1).

Une belle opportunité pour certains

Pour nombre d’armées de l’Est, dotées d’un vieux matériel vieillissant et, en partie, obsolète, ces « dons » ont aussi été une excellente opportunité pour se débarrasser de certains vieux matériels (sans même avoir à se poser la question de leur recyclage) et renouveler les équipements nationaux. Avec un enjeu vital : moderniser leur armée et adopter un nouveau standard plus otanien de leurs équipements.

Ceux qui financent

Une démarche d’autant plus facile à accomplir que — outre d’être dicté par les circonstances —, une bonne partie de cet effort est financé par d’autres : Américains notamment, mais aussi Européens, en particulier par les plus gros contributeurs de l’Union européenne.

Le « quatuor » de l’UE (Allemagne, France, Italie, Espagne) fournit ainsi deux tiers du financement (64%) de la facilité européenne pour la paix, l’instrument privilégié de financement européen du soutien militaire (2). Soit 2,3 milliards d’euros, sur l’effort déjà engagé et près de 3,6 milliards au total si les projets actuels sont approuvés (3).

Tandis que les pays baltes participent de façon minime à cet effort de solidarité européen. À eux trois, Estonie, Lituanie, Lettonie contribuent pour 0,6% de l’effort global. Soit à peine 28 millions d’euros de contribution (sur les 3,6 milliards déjà engagés) ! Moins que la Grèce, par exemple (45 millions €).

Ceux qui bénéficient

La Pologne qui a entamé un rééquipement à vitesse Grand V avec du matériel hors UE en partie (chars Abrams US, chars sud-coréens K2 et obusiers K-9, avions F-35, etc.) est un des pays qui a fourni le plus d’assistance militaire (avec l’Allemagne, environ 2,43 milliards d’euros selon l’Institut Kiel) et sera le plus gros bénéficiaire de ce financement européen : ± 900 millions €, selon une première évaluation. Mais Varsovie tait soigneusement le chiffre

La Lituanie qui a fourni, en ratio de son PIB, un énorme effort de soutien à l’Ukraine — plus de 400 millions € selon le chiffre officiel — verra pris en charge une petite moitié de cet effort par les autres Européens. Le tout pour une contribution minime à l’effort général, une petite dizaine de millions d’euros. Si on met en relation la contribution mise au pot et le retour attendu : Vilnius reçoit environ vingt fois plus de la solidarité européenne !

La Slovaquie, de l’aveu de son premier ministre (lire : Pologne et Slovaquie équipent les forces ukrainiennes avec des Mig-29), doit recevoir environ 700 millions $ de compensation made in US et 900 millions € au total (soit environ 250 millions d’euros). C’est près de la moitié de son budget de défense pour 2022 ! (4).

Derrière les grands mots, des intérêts nationaux bien compris

La facilité européenne pour la paix — avec ses remboursements de vieux matériels (pris en charge en moyenne à 50-60% de la valeur déclarée) — est ainsi devenue un instrument clé de la modernisation des armées européennes. Ce sans aucune condition de préférence européenne.

Il n’est pas donc pas tout à fait anormal — comme le demandent la France, mais aussi la Belgique, la Grèce et d’autres pays —, que soient mises dans la balance certaines conditions de “retour sur investissement” pour l’industrie européenne. Ce que débattent depuis quelques jours les ambassadeurs afin de favoriser l’achat en commun de munitions (lire : [Confidentiel] Où en est le débat sur les munitions ? La discussion continue entre ambassadeurs). L’Allemagne et la France en particulier ne peuvent pas continuer à financer, sans conditions, la modernisation des armées sans retour.

Certains pays (Baltes et Polonais en particulier) souhaiteraient, en revanche, que le robinet de financement continue de couler sans conditions. Une question urgente, de vie et de mort pour l’Ukraine face à la Russie arguent-ils, avec force (5). Mais, ce qu’oublient de dire Vilnius, Tallinn ou Varsovie, c’est que le soutien militaire européen est devenu vital aussi pour leur propre budget militaire et leur politique de modernisation de l’armée.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Les premiers chars arrivés sur place ont ainsi été de type soviétique type T-72 ou T-64, avant que les chars de type occidental (Leopard en particulier) sur lesquels ont été formés les Ukrainiens arrivent. Idem pour les avions de chasse. Les Mig 29 qui arrivent vont permettre à l’Ukraine de combler en urgence le vide, le temps que la formation sur de nouveaux appareils de type occidental (F-18 ou Mirage) se fasse.
  2. Cette Facilité, placée hors budget communautaire, est financée selon le même principe : une contribution obligatoire fixée selon la part dans le revenu net brut (RNB) européen de chaque pays.
  3. 3,6 milliards € déjà engagés au titre des sept tranches déjà décidées pour le soutien militaire à l’Ukraine + 2 milliards € supplémentaires ont été mis sur la table dans la dernière proposition du Haut représentant de l’UE (Lire : [Décryptage] Et un. Et deux milliards pour fournir des obus à l’Ukraine. Les 27 presque d’accord).
  4. Environ 2 milliards en 2022 selon les statistiques prévisionnelles de l’OTAN pour 2022.
  5. Des pays qui ont une diplomatie publique très active. Ainsi quand un diplomate « européen », sous couvert d’anonymat, est cité dans les médias, pour en faire plus, vous pouvez en être certain : il s’agit d’un Lituanien ou d’un Polonais, voire d’un Estonien.

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[En bref] Pologne et Slovaquie équipent les forces ukrainiennes avec des Mig-29

Bruxelles2 - Sat, 03/18/2023 - 16:36

(B2) Les Alliés ont franchi le pas. Ils vont livrer des avions de chasse afin de permettre à l’Ukraine de reconstituer sa force aérienne détruite en partie au début de la guerre. Ce très rapidement.

Un Mig 29 aux couleurs slovaques (Photo : MOD Slovaquie / Archives B2)

13 chasseurs Mig 29 slovaques

Bratislava livrera treize chasseurs MiG-29 de conception soviétique à l’Ukraine, a ainsi déclaré vendredi (17 mars) le Premier ministre, Eduard Heger. Une démarche “pleinement coordonnée avec la Pologne et l’Ukraine” a-t-il ajouté. Bratislava va aussi livrer à Kiev deux systèmes de défense anti-aérienne de type Koub.

D’ici quelques semaines

Le transport des avions “prendra quelques semaines”, a précisé, de son côté, le ministre de la Défense Jaroslav Nad. “Au moins trois appareils seront utilisés pour fournir des pièces détachées”, a ajouté le chef d’état-major des forces armées slovaques, le général Daniel Zmeko. Ces chasseurs ont été modernisés pour la dernière fois en 1996 et ne sont plus utilisés actuellement dans la chasse slovaque.

Quatre Mig 29 polonais également

La Pologne a annoncé jeudi (16 mars) livrer un premier lot de quatre chasseurs-bombardiers MiG-29 à l’Ukraine. “Dans les jours à venir, nous allons d’abord transférer (…) quatre avions entièrement opérationnels à l’Ukraine”, a ainsi déclaré le président polonais Andrzej Duda à la presse. D’autres appareils devraient suivre. ‘Ils sont actuellement remis en condition et seront probablement transférés successivement” a-t-il indiqué.

Une demande de Kiev

Cela répond à une demande récurrente de l’Ukraine qui a subi des pertes importantes dans son aviation, notamment dans les premiers jours de l’offensive russe en février 2022. Kiev a demandé à plusieurs reprises aux alliés de l’OTAN de lui envoyer des avions. En particulier des F-16.

Pas de livraison de F-16 prévus

Du côté américain, il n’y pas de livraison prévue. “Ce n’est pas sur la table”, a indiqué John Kirby, le porte-parole de la Maison blanche à des journalistes, rappelant que le président Joe Biden s’était opposé publiquement à la livraison d’avions de combat à l’Ukraine. Mais cette livraison semble bien avoir été totalement concertée et avoir reçu le feu vert de la Maison Blanche.

Une compensation US et européenne

Bratislava a ainsi annoncé recevoir une « compensation » américaine pour la livraison à l’Ukraine d’équipements militaires spécifiques, d’une valeur d’environ 700 millions$ qui « s’ajoute à la compensation au titre de la facilité européenne pour la paix ». Au total, l’indemnisation atteint ainsi « environ 900 millions € ».

D’autres fournisseurs d’ici 2024 ou 2025 ?

La France n’a pas exclu la livraison d’avions de chasse de type Mirage. La décision de passer au “Tout Rafale” de manière accélérée libère ainsi un certain nombre d’avions opérationnels. Le Royaume-Uni a commencé à former les pilotes ukrainiens. La Finlande, par la voie de sa première ministre Sanna Marin en visite à Kiev, la semaine dernière, avait indiqué qu’il fallait « réfléchir » à la livraison d’avions finlandais de type F-18 Hornet. Ceux-ci doivent commencer à être retirés du service dans les années 2025, pour être remplacés par des F-35.

(Nicolas Gros-Verheyde avec AFP)

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[Analyse] Le Global South se détache peu à peu. L’Europe déstabilisée ?

Bruxelles2 - Fri, 03/17/2023 - 10:05

(B2) L’Europe est-elle en train de perdre la main ? A-t-elle encore un rôle à jouer, notamment en Afrique ou au Moyen-Orient ? Pourquoi une partie du Sud se détache ?

© NGV / B2

Plusieurs pays dans le monde semblent préférer les Russes ou Chinois. L’Europe s’en étonne, s’en offusque, accusant l’entrisme des mercenaires de Wagner ou le cynisme chinois. Mais faut-il en être surpris ? Ce détachement de l’Europe d’une bonne partie des pays africains ou asiatiques trouve sans doute des racines dans l’histoire des non alignés (cf. encadré). Il s’explique par des raisons structurelles. Mais il tient aussi en bonne partie à la politique européenne, balançant entre repli sur soi, tentation du vide et double standard.

Des causes structurelles

La montée en puissance économique et démographique, de la Chine comme de plusieurs puissances régionales, aboutit mécaniquement à une moindre influence européenne (et même occidentale).

Il existe dans des pays du Sud une dynamique que les Européens n’ont pas voulu prendre en compte. Disposant d’une élite formée, d’une force économique humaine, et souvent de ressources notables (pétrole, gaz, minerais, matériaux rares), ils ne sont pas hostiles en soi, mais considèrent que leurs intérêts passent par la diversification des alliances, à la fois pour affirmer une certaine autonomie et se protéger de toute velléité d’intervention. La case Europe n’est plus le passage obligé de leur coopération internationale.

L’effacement lent et inéluctable de l’Europe tient aussi à une inflexion de la politique européenne. L’Europe a délaissé sa position de médiateur ou négociateur dans plusieurs conflits : Syrie, Israël-Palestine, Arabie Saoudite-Yémen, Libye, Soudan, Afghanistan, Soudan… Et en dernier lieu l’Ukraine. Les Émirats arabes unis, le Qatar, voire la Turquie et la Chine se sont engouffrés dans cette brèche. La réconciliation inédite entre les deux frères ennemis du Moyen-Orient, l’Arabie Saoudite et l’Iran, sous l’égide de la Chine, est un signe notable.

Plusieurs erreurs notables

L’Europe a multiplié les erreurs ces dernières années.

L’intervention en Libye, en 2011, a laissé une trace ineffable (surtout en Afrique). C’est la résurgence d’une volonté colonialiste qu’on disait passée, d’aboutir à un changement de pouvoir par la force. Elle est d’autant plus forte en Afrique que la Libye, même autoritaire, aidait nombre de pays africains et que l’Europe a effacé cet épisode de se mémoire collective, refusant de se livrer à un « retour d’expérience ».

L’enfermement européen, refusant les flux migratoires, à partir de la crise migratoire de 2015, a été perçu par une bonne part du continent comme un refus de l’Europe d’assumer la part de la solidarité qu’elle demande à l’Afrique. Le tournant anti-migrations pris dans toute l’Europe depuis 2020, comme à l’inverse l’accueil massif des Ukrainiens confirment ce sentiment d’une position qui confine au racisme.

L’intervention française au Mali, demandée au départ par les Maliens, s’est transformée en une vaste opération anti-terroriste aux contours flous (1). Prolongée au-delà du strict nécessaire, elle a peu à peu été perçue comme une ingérence étrangère. Les propos français, et européens, pour la junte civilo-militaire au pouvoir ont rajouté à l’ire nationale (lire aussi : Libye, Mali, Algérie… les fâcheries s’accumulent. Barkhane s’enrhume). Bamako, soutenu par Moscou, a fini par obtenir le départ sans délai de l’opération Barkhane et de son avatar européen, la task force Takuba (2). Dans ce qui ressemble à une déroute politique qui laissera des traces.

Un double standard mal perçu

La volonté européenne de promouvoir ses valeurs se heurte aujourd’hui à la realpolitik. Ce qui produit un déséquilibre flagrant. Silence quasi complet sur les violations des droits de l’Homme dans les monarchies du Golfe (3) ou en Égypte, mansuétude sur le coup d’état au Tchad, faible dénonciation des violences israéliennes sur les palestiniens, etc. Mais les coups d’État au Mali ou au Burkina Faso sont en revanche dénoncés clairement. Vu du côté du Sud, ces positions sont incompréhensibles (4).

Même en Afrique centrale, où l’Europe a souvent été présente, sa lenteur et timidité à condamner l’action du Rwanda à l’Est du Congo n’est pas passée inaperçue. Dans ce pays pourtant classé dans un camp occidental, cette faiblesse est mise en regard avec la vigueur européenne pour dénoncer d’autres agressions, notamment de la Russie et l’Ukraine. Les échanges entre un Félix Tshisekedi et un Emmanuel Macron, le 4 mars dernier, pour avoir été sans doute surjoués (lire : Carnet 07.03.2023) , tiennent aussi d’une réalité existante dont il faudrait prendre conscience.

La politique de sanctions européenne, justifiable par certains points de vue en Europe, passe de plus en plus mal dans les pays du Sud. Elle est perçue comme la persistance de son arrogance et de la volonté d’imposer ses valeurs, de façon très orientée : aucune sanction sur Israël, l’Arabie saoudite, la Turquie, la Chine… Selon le bon vieux principe qu’il faut mieux être puissant que faible.

Le soutien massif, militaire et financier, apporté à l’Ukraine, sans aucune contrepartie, ni contrôle, n’a pas vraiment été compris, notamment en Afrique. Il souligne que si l’Europe veut, elle peut. Mais uniquement face à des « blancs, chrétiens » (5).

(Nicolas Gros-Verheyde)

Le retour des non alignés. On assiste ainsi à la résurgence d'un bloc des Non alignés des années 1960-70. Même s'il n'en a pas la morphologie idéologique, spécifique à la guerre froide, il en partage certains atouts. L'attitude aux Nations unies en est un signe. Malgré tous les efforts européens, le rapport de forces n'a pas vraiment évolué en un an de guerre. Un bon quart des pays préférant s'abstenir ou s'absenter, un quart représentant tout de même plus de la moitié de la population mondiale (lire : [Actualité] L’assemblée générale de l’ONU vote pour la paix pour l’Ukraine. Le Sud s’abstient). Une position qui n'a rien d'extraordinaire si on regarde des votes sur d'autres sujets. [Analyse] Au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Afrique se détache de l’Europe

A suivre sur B2 Pro : le lent effacement européen de la négociation mondiale

  1. La justification d’un risque terroriste malien par contamination pour l’Europe apparaissait assez « élastique » et jamais réellement prouvée.
  2. Lire aussi Dossier N°84. Takuba. Une nouvelle force européenne se met en place au Sahel, à visée anti-terroriste (v4)
  3. L’affaire du Qatargate a un effet désastreux. Elle prouve que les valeurs européennes cèdent facilement devant le poids de l’argent. Tout le discours européen sur la lutte anti-corruption nécessaire est ainsi amoindri.
  4. Un point de vue très courant dans les élites politico-militaires à Kinshasa. J’en ai été le témoin. Donnant un cours, en juin 2022, sur l’Union Européenne devant le collège de défense (une quarantaine d’officiers généraux), la plupart des questions portaient sur cette “différenciation”.
  5. Phrase entendue en Afrique

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À Lagos, l'« agbero » devenu parrain de la vie politique

Défense en ligne - Thu, 03/16/2023 - 15:40

Aprés avoir élu M. Bola Tinubu à la présidence, le pays le plus peuplé du continent africain se rend une nouvelle fois aux urnes, ce samedi, pour choisir les gouvernements locaux et 33 des 36 gouverneurs des États de la fédération, dont celui qui abrite la gigantesque capitale économique du pays. Au début des années 2000, on traversait toujours le pont d'Oshodi avec un peu de nervosité, que l'on soit Lagotien ou étranger en route vers l'aéroport international de la capitale économique du Nigeria, qui (...)

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Les étagères vides de la « première armée d'Europe »

Défense en ligne - Wed, 03/15/2023 - 15:47

Il n'y a pas que les retraites : les échéances se bousculent pour l'exécutif français… L'armée tricolore expulsée du Burkina — après le Mali et la Centrafrique… Les rêves d'Europe de la défense remisés au profit d'une renaissance de l'Alliance atlantique… Les Américains, flanqués des Britanniques (et des Allemands), qui mènent le jeu avec les Ukrainiens… Le poids financier peut-être insoutenable d'une programmation militaire très « augmentée » — renouvellement de la dissuasion nucléaire et guerre en Ukraine (...)

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Invasion de l’Ukraine : pourquoi les services américains ont anticipé (et pas les européens)

Défense ouverte (Blog de Jean Guisnel) - Mon, 03/06/2023 - 12:19
LETTRE DES ARMEES. Indecis jusqu'aux premieres attaques russes, les renseignements francais et allemands ont longtemps accueilli avec scepticisme les informations des Etats-Unis.
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[Réflexion] Une autre leçon du conflit en Ukraine pour les armées européennes

Bruxelles2 - Sun, 03/05/2023 - 16:33

(B2) Parmi les enseignements tirés du conflit (artillerie, drones, effet de masse…), peu s’attardent sur l’organisation des armées. Or, c’est un point qui explique, aussi, la bonne résistance ukrainienne face à l’armada russe.

Démonstration de l’utilisation d’un drone tactique (Photo : MOD Ukraine)

Une logistique largement décentralisée

Pour autant qu’on puisse le savoir, le fonctionnement des forces ukrainiennes est plutôt décentralisé. La logistique d’une unité des forces armées ukrainiennes est en partie assurée sur le terrain par les gouverneurs de province (ou les municipalités). Ce sont eux qui fournissent la logistique “vie” nécessaire : hébergement, nourriture, jusqu’aux services de soins. Cela permet à l’armée d’avoir un fonctionnement central plutôt léger, concentré sur le commandement opérationnel. À l’inverse du dispositif russe, plus lourd, moins mobile, plus centralisé.

Une logique de mouvement partisan

L’ organisation ukrainienne associe d’un côté une logique d’armée centralisée, avec un commandement du haut vers le bas, et une logique de la guerre de partisans issue de la Seconde guerre mondiale, avec une large autonomie des forces sur place. Une tactique qui est aussi issue d’une histoire plus récente. Au début de la guerre en 2014, l’inorganisation de l’armée ukrainienne face aux troupes séparatistes et russes aboutit à la création de bataillons de volontaires. Des bataillons — soutenus par la population qui les ravitaillait, leur envoyait des vêtements, ou leur achetait des équipements (1).

Une maintenance et technologie confiée aux civils

Idem du côté de la maintenance ou de l’innovation technologique. On fait appel aux structures civiles. Des centaines d’ateliers se sont développés dans tout le pays pour transformer les drones avec l’aide de volontaires (2). L’entretien primaire des canons Caesar français — ce que les militaires appellent le « MCO terrain » — est ainsi assuré par des entreprises agricoles. « Car quand on fait de l’hydraulique agricole, on peut faire de la maintenance Caesar » comme le confirme à B2 un responsable militaire français.

Du renseignement humain puisé dans la population

Quant au renseignement, s’il dispose de capteurs modernes type drones, du renseignement satellite et de l’analyse fournis par les Alliés de l’OTAN, il puise aussi ses ressorts dans un système à l’ancienne : le réseau des “babas”, ces grands-mères ou papis inoffensifs, qui peuvent renseigner l’armée ukrainienne sur tous les mouvements. Une technique héritée là encore de l’histoire de l’Ukraine.

Assez peu mis en valeur

Tous ces enseignements ne se trouvent souvent peu mis en avant par les états-majors, du moins publiquement. Le récent rapport du Sénat sur les enseignements à tirer du conflit en Ukraine (3), en témoigne. Documenté, mais décevant dans son approche, il concentre son analyse sur quelques points assez conformistes : la haute intensité, l’effet de masse, la dissuasion nucléaire, les drones, etc. Un point de vue davantage destiné semble-t-il à justifier des inflexions déjà prises dans les états-majors qu’à vraiment envisager l’avenir.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Alain Guillemoles, « Ukraine, réveil d’une Nation », éditions les Petits matins, février 2015, p. 107.
  2. Boris Mabillard, « Avec les dronistes de l’unité d’élite Skala », Le Point, 16 février 2023. (vidéo)
  3. « Ukraine : un an de guerre. Quels enseignements pour la France », 8 février 2023, Cédric Perrin et Jean-Marc Todeschini (Ce dernier ayant décidé de se retirer du rapport, en désaccord avec son corapporteur).

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[En bref] Une patrouille d’Atalanta saisit une tonne de stupéfiants dans l’Océan indien

Bruxelles2 - Sat, 03/04/2023 - 08:50

(B2) Un total de 1087,5 kg de différents stupéfiants ont été saisis sur deux boutres, qui n’arboraient aucun pavillon national.

L’équipe de visite du Dixmude perquisitionne un boutre suspect (Photo : Etat-major des armées)

Cette première opération anti-stupéfiants de l’opération européenne EUNAVFOR Atalanta en 2023, a été menée en deux actions distinctes : la première par la frégate La Fayette (F-710) et, peu après, la seconde par le porte-hélicoptères Dixmude (L-9015).

Au total, « 573 kg de résine de cannabis, 305 kg d’héroïne et 210 kg de méthamphétamine » ont été saisis, signale l’opération maritime de l’UE. La valeur marchande de ces saisies est estimée à 36,8 millions d’euros. Ces deux actions font suite aux huit menées en 2022 qui ont permis de saisir « plus de 12,7 tonnes de stupéfiants au total ».

Les deux bâtiments français, qui font partie de la mission « Jeanne d’Arc 23 » ont été mis à disposition le temps du passage dans la zone d’opération de l’opération européenne : ce qu’on appelle le soutien direct.

L’opération Atalanta est actuellement commandée par le captain (capitaine de vaisseau) Juan María Ibáñez Martín. Elle dispose de deux navires : la frégate espagnole Reina Sofia (F-84), qui sert de navire-amiral, et la frégate italienne Carlo Bergamini (F-590).

(NGV)

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[Commémoration] Toute l’Europe en bleu et jaune aux couleurs de l’Ukraine

Bruxelles2 - Fri, 02/24/2023 - 18:30
(B2) Pour célébrer le premier anniversaire de « l'invasion » russe en Ukraine, de cette intervention massive qui a changé
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Razzia sur les terres des grandes villes d'Afrique

Défense en ligne - Thu, 02/23/2023 - 18:35

De Johannesburg à Dakar, l'Afrique est en proie à une frénésie immobilière. Si la question de l'« accaparement des terres » mobilise médias et associations, les transactions désordonnées sur le foncier périurbain des grandes métropoles suscitent nettement moins de débats. Entre bidonvilles et zones résidentielles sécurisées, la ville africaine de demain reste pourtant le miroir grossissant des inégalités sociales. Depuis le milieu des années 1990, sous l'expression anglo-saxonne de Land grabbing, l'« (...)

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Frappante maturité des opinions arabes

Défense en ligne - Tue, 02/21/2023 - 14:54

Que pensent les habitants du monde arabe de la démocratie, de la religion ou de la corruption ? Depuis plusieurs années, un centre de recherche basée au Qatar interroge plusieurs milliers de personnes. Les conclusions de la dernière enquête démontrent que l'idéal démocratique, fut-il accompagné de réserves, n'a pas disparu de cette région du monde. Que n'a-t-on écrit sur la « rue arabe », cette expression méprisante si souvent utilisée par les grands médias ? La nouvelle enquête de l'Arab Center for Research (...)

- Horizons arabes / , , ,
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La France fait face à un manque criant de munitions

Défense ouverte (Blog de Jean Guisnel) - Mon, 02/20/2023 - 11:00
LETTRE DES ARMEES. A cause de la faiblesse des stocks, les forces francaises ne seraient pas en etat de faire face plus de quelques jours a une mega offensive russe.
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[Éditorial] Un an de guerre en Ukraine. Un changement de paradigme pour l’Europe

Bruxelles2 - Sat, 02/18/2023 - 16:09

(B2) Depuis un an, la guerre russe en Ukraine a déjà bouleversé la politique européenne. Une évolution qui va continuer ces prochaines années et pourrait aboutir à transformer l’Union actuelle, de façon majeure et structurelle. Quelques éléments de réflexion.

Kiev © NGV / B2
  • À l’heure où chacun se penche sur les conséquences immédiates de la guerre sur le terrain ou sur l’économie, il faut porter son regard un peu plus loin. Depuis bientôt 15 ans, B2 a choisi de centrer son oeil sur la défense et la géopolitique. Nous étions à l’époque considérés un peu avec commisération par les spécialistes de la défense (centrés sur leur nation) comme par les Européens (vissés sur les “vrais” domaines de compétence européenne). Aujourd’hui, c’est bien différent…

Une question dans tous les domaines

Le sujet « Ukraine » est systématiquement porté à l’agenda des réunions des ministres des Affaires étrangères comme des Chefs d’États et de gouvernement. Mais la question est transversale. Aujourd’hui, au Conseil de l’UE, il n’y pas un seul secteur, un seul des quelques 150 groupes de travail, même les plus éloignés de la politique extérieure, qui n’ait pas la question Ukraine à son agenda. Que ce soit les télécoms (avec l’extension du roaming aux ukrainiens), la culture (avec la question du patrimoine culturel ou des artistes en danger), l’économie et les finances (pour les questions de prêts macro-financiers) ou les transports (avec l’extension des réseaux transeuropéens en Ukraine et Moldavie), tous les experts européens doivent traiter la question Ukraine qu’il s’agisse d’une action sur place ou en relation avec la guerre ou des conséquences sur le plan intérieur de celle-ci.

La défense politique européenne

La défense devient, de gré ou de force, une politique européenne mixte (à la fois communautaire et intergouvernemental). Sans un changement de ligne du traité. Ce qui est, en soi, peu anodin dans l’histoire européenne. Même la question d’établir au niveau européen une centrale d’achats et un financement pour l’envoi de munitions en Ukraine, de façon massive, et le recomplètement des stocks de munitions, est aujourd’hui abordée de front (lire : [Confidentiel] Munitions. À la recherche d’une solution pratique et concrète d’ici fin mars ?).

Aucune question n’est plus taboue

Le principe n’est plus de s’abriter derrière une impossibilité juridique ou financière (comme dans les années 2010 où tous les arguments étaient bons pour ne pas intervenir). Le principe devient : comment faire, en contournant les obstacles existants, pour faire quand même. L’heure est au « pragmatisme » résumait récemment un ambassadeur. Avec raison. Les termes de « souveraineté européenne » ou « autonomie stratégique » qui suscitaient auparavant des batailles épiques sont acceptées. La question devient : comment on applique ces termes concrètement.

Une convergence idéologique

Même si quelques rivalités de personnes peuvent surgir, entre le Belge libéral Charles Michel le président du Conseil européen, l’Allemande chrétienne-démocrate Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, le Français libéral Thierry Breton, le commissaire chargé de l’industrie et de la défense, et le socialiste espagnol Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, le « cœur » de l’Europe converge sur un point : la défense est primordiale, l’autonomie stratégique et la souveraineté européennes doivent être renforcées. Au niveau des États membres, les divergences sont plus profondes, mais cet objectif est assez partagé. Les nuances se font surtout sur la mise en pratique.

Un budget à 2%

La défense, considérée auparavant comme une “non politique” européenne, représente environ 2% du budget européen (25 milliards €) sur la période pluri-annuelle 2021-2027 selon nos calculs (1). Soit tout simplement l’objectif défini par l’OTAN pour les dépenses de ses États membres (lire : Quel objectif de dépense pour les Alliés de l’OTAN. Le débat est lancé ). Et si vous ajoutez les autres tâches régaliennes (politique étrangère, élargissement, sécurité, frontières, migrations, etc.), cela représente 13% du budget européen (près de 160 milliards euros) (2).

en croissance exponentielle

Et ce budget est en croissance. Sans grande difficulté (quelques mois de débat à l’échelle européenne ne sont pas si importantes), les 27 ont décidé en décembre de rajouter deux milliards tout de suite à la facilité européenne pour la paix, et 3,5 autres milliards potentiels. La Commission européenne a raclé les fonds de tiroir pour affecter 500 millions d’euros de plus à un nouveau fonds de défense (destiné aux acquisitions en commun, EDIRPA). Et un nouveau fonds (EDIP) doit voir le jour qui n’est pas encore financé. Pour le prochain cadre budgétaire 2028-2035, ces sommes ne vont pas baisser a priori, mais plutôt augmenter. Cela veut dire que les autres politiques (agricole ou régionale) seront ponctionnées. Sauf à trouver de nouvelles ressources.

Une Europe en transformation

Le statut de pays candidat octroyé à l’Ukraine (et la Moldavie) en un temps record ne doit pas faire illusion non plus. Même s’il s’agit d’une gestuelle très politique — montrer la solidarité européenne —, la mécanique d’élargissement de l’Union européenne a repris de façon rapide. Kiev et Chisinau, les deux capitales concernées, ont pris le problème à bras le corps. Et avec l’enthousiasme des néophytes, ils se jettent à corps perdus dans la mise en conformité de leur législation aux normes européennes. En plein conflit, le gouvernement ukrainien et la Rada (le parlement national) adoptent donc loi sur loi. Y compris sur des sujets très éloignés du conflit (ex. sur la reconnaissance des jugements civils et commerciaux). A tel point que l’objectif fixé par le président ukrainien V. Zelensky de voir s’ouvrir les négociations d’adhésion d’ici la fin 2023 (lire : [Récit] Zelenksy à Bruxelles : un one-man show réussi ?), ou début 2024, n’est plus tout à fait théorique.

… vers une Europe à 35 ou 36 membres ?

Des négociations discrètes sont en cours entre Belgrade et Pristina, visant à normaliser les relations entre les deux capitales, et donc entre les deux pays (lire : [Exclusif] Les dix points clés de l’accord de normalisation entre Belgrade et Pristina présenté aux 27). Si elles aboutissent, la voie vers l’adhésion de la Serbie n’a plus d’obstacle politique majeur. Neuf pays sont dans la salle d’attente européenne. Et certains sont bien décidés à y rentrer. L’Europe à 35-36 n’est donc plus une théorie. Mais une possibilité à laquelle les « vieux » pays européens doivent se préparer. L’Union européenne change de nature et donc de fonctionnement.

Conclusion : une Europe en transformation

Pour la deuxième fois de sa courte histoire, l’intégration européenne ne sait pas trop bien où elle va. Mais elle y va. Comme l’Europe de 2004 (après le big bang de l’élargissement à l’Est) ne ressemblait plus tout à fait à l’Europe de 1989, l’Union de 2035 ne sera donc pas tout à fait celle de 2020. Nous en faisons le pari : la transformation européenne en cours n’est ni mineure ni conjoncturelle. Toutes les politiques seront impactées demain par ces changements.

Le monde aussi évolue à grande vitesse, avec la reconstitution d’un bloc des Non Alignés (le Global South), un multilatéralisme remis en question. « On entre dans un nouveau monde » me confiait un ambassadeur récemment.

Celui ou celle qui prétend suivre les affaires européennes aujourd’hui, sans jeter un coup d’œil sur ces évolutions majeures de la défense et de la diplomatie, commet une singulière erreur. C’est comme naviguer en pleine tempête, sans sextant ou GPS et sans s’assurer de gilets de sauvetage… Conçu pour donner des clés de lecture, des outils d’information, B2 va continuer d’accompagner cette évolution. En évoluant aussi et se transformant à sa façon.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi : [Analyse] Ces dix mois qui ont changé la défense européenne. À son insu, de son plein gré

  1. Sont inclus le fonds défense, la mobilité militaire, le budget PESC (essentiellement missions PSDC) issus du budget communautaire et la facilité européenne pour la paix (avec les augmentations de plafond décidées en décembre) qui est hors budget mais alimenté par un budget obligatoire des États membres. Cela ne comprend ni l’EDIP à venir ni les dépenses pour les différentes structures militaires de l’UE (Etat-major, agence de défense, centre satellitaire etc.) qui dépasse les 80 millions € par an (soit un demi-milliard sur la période).
  2. Cela recouvre la sécurité intérieure, les frontières, la politique étrangère y compris l’élargissement, la protection civile, etc. Ne sont pas compris d’autres budgets civils mais à double usage, tels Horizon 2020 (Recherche), ITER (recherche nucléaire), ou le soutien à la communauté chypriote turque (qui dépend du budget Régions) etc.

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Ballons espions : le mystère s’épaissit

Défense ouverte (Blog de Jean Guisnel) - Mon, 02/13/2023 - 13:15
LETTRE DES ARMEES. Rien ne va plus. Pekin accuse desormais les Etats-Unis de se livrer aux memes pratiques d'espionnage. Jusqu'ou ira la polemique ?
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[Musique] Poutine, l’homme qui vit dans le passé, selon Pet Shop Boys

Bruxelles2 - Mon, 02/13/2023 - 08:05

(B2) Le groupe de Liverpool nous avait habitué à une musique plus dance. Cette fois, ils ont choisi une musique toute douce. Un air lancinant. Quelques accords. L’intérêt est aussi un texte en forme de dénonciation d’un des hommes les plus puissants. Écoutez Living in the past

V. Poutine en plein sacre de la personnalité © Pet Shop Boys – extrait B2

The past isn’t even past

Cette chanson qui vient d’être publiée sur le site de Pet Shop boys (alias PSB), formé par Neil Tennant et Chris Lowe, vaut le détour. Elle se veut une réaction, à chaud, à la célébration par Vladimir Poutine début février à Volgograd (ex Stalingrad) des 80 ans de la victoire de la Seconde Guerre mondiale, dévoilant un nouveau buste de Staline. Un évènement qui avait troublé le groupe au point de susciter un virulent commentaire : « Stalin is back » sur leur site.

  • « J’arrive en ville où ils ont dévoilé un buste mon prédécesseur. Encore très discuté. Nous avons essayé de l’oublier. Ses crimes ont été catalogués. Mais dans les nouvelles circonstances, encore une fois, c’est un Dieu. Le passé n’est même pas passé. Cela fait combien de temps ça dure. »

Je veux que les hommes meurent avec mon nom sur leurs lèvres

On est loin ainsi du rythme syncopé, très dance de Go West des Villages People repris par PSB deux ans après la chute de l’URSS ou de Always on my mind. Fabriqué à la maison, comme une démo, et diffusé pour l’instant sur You Tube, le ton est moins enthousiaste aussi. Il fait référence à une autre actualité, plus tragique, la sanglante offensive russe en Ukraine commencée il y a presque un an, le 24 février 2022.

  • « Je veux qu’ils me craignent comme tout le monde le craignait. Arrêtés et fusillés. Mais ils le vénéraient toujours. Comme lui, je vais gagner. Je ne serai pas éclipsé. Je veux que les hommes meurent avec mon nom sur leurs lèvres. Le passé n’est même pas passé. Cela fait combien de temps ça dure »

Il est trop tard pour perdre

Le duo de Liverpool, n’a jamais renié à la critique, sociale dans West End Girls ou sur l’éducation catholique, comme dans It’s the sin. Mais, là, il s’attaque à plus haut, au niveau international. Il se livre à une critique acerbe de la psychologie politique de Poutine : un être sans cœur, poursuivi par un désir personnel de prendre sa revanche, mû par une volonté de redonner à la Russie ce qu’était l’URSS hier.

  • « Je suis l’incarnation vivante d’un cœur de pierre. Un monument humain à la testostérone. Bien qu’à l’intérieur je sois mort, il est trop tard pour perdre. Je suis tout ce dont ils parlent sur leur nouveau cycle d’abus. Je suis là à tes frontières. Je ne vais pas abandonner. Aux nouveaux ordres mondiaux, je ne me soumettrai jamais. Appelez-moi un belliciste. Et je te donnerai une guerre. Dis que je suis un tricheur. Et je vais encore truquer le score. Il n’y a pas de défaite dont je répondrai. L’Occident est mort. Et ils en redemandent. Je vais tout récupérer l’ancien statu quo. Je me souviens comment c’était. Et je ne le lâcherai pas. »

(Nicolas Gros-Verheyde)

Traduction maison des paroles en anglais

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