(B2) Face à l’offensive russe, les pays européens ont réagi, d’abord tardivement, un peu de façon erratique. Mais ils ont réagi. Et de plus en plus vite. Si on ne peut pas dire qu’il y a une défense européenne, on peut dire qu’il y a un esprit de défense européen qui est en train de se forger, sous la pression de la crise.
Exercice de tirs à Dnipro (Crédit : Armée ukrainienne – Archives B2 – février 2021)La réaction européenne est exceptionnelle
C’est un fait. Mais l’évènement est exceptionnel également. On est face à un évènement qui ne se produit qu’une fois tous les 30 ou 40 ans. Le dernier en date était la guerre dans les Balkans au début des années 1990 avec l’explosion de la Yougoslavie. Mais la Russie n’était pas impliquée directement. L’autre précédent est plus ancien : l’écrasement du printemps de Prague en 1968 et auparavant l’intervention militaire pour faire taire la révolution hongroise de 1956. Mais ces faits datent d’une autre époque, celle de la guerre froide. Où chacun était habitué, somme toute, à une guerre des blocs.
Une rapidité phénoménale
Face à cela, après un certain attentisme (1), un étonnement logique vu l’enchainement des évènements (2), l’Europe s’est mise en branle, de façon unie, concertée et décisive. Les réunions se succèdent à un rythme effréné (même un peu trop, pourrait-on dire). Les décisions s’enchainent une à une, implacables. De ma mémoire de journaliste couvrant les affaires européennes, depuis 30 ans, je n’ai vu une telle mobilisation, en un temps aussi rapide. Les décisions ne sont pas sitôt annoncées, qu’elles reçoivent le feu vert politique, les experts des groupes de travail et les ambassadeurs planchent immédiatement pour formaliser ces décisions, et les traducteurs du journal officiel travaillent quasiment jour et nuit pour transcrire dans toutes les langues européennes tous les textes.
Un tournant idéologique en cours
Aux cotés des classiques outils (aide humanitaire, assistance financière (3), des sanctions individuelles et économiques sectorielles), l’Europe déclenche une batterie plus importante de sanctions visant le cœur du Kremlin, les oligarques, Swift et la banque centrale (4). Les Européens ont opéré un tournant idéologique en acceptant très vite de livrer des armes à l’Ukraine (5). Un tournant opéré ensemble, de façon coordonnée et avec un financement européen (cf. ci-dessous). C’est important à souligner.
Une unité rare
Les Européens sont unis face à cette guerre. Comme jamais ils ne l’ont jamais été. Bien sûr, il reste certaines nuances, dues davantage à l’histoire de chaque pays. Mais on ne peut plus parler de division. Au contraire. Les blocages et paroles dissonantes s’atténuent face au fracas des armes. Même les pays réputés amis de Moscou (Chypre, Bulgarie, Hongrie) font taire leur opinion pour se ranger sous la bannière commune (6).
L’utilisation de tous les instruments
C’est une caractéristique de cette crise. L’Union européenne se montre déterminée à utiliser tous les instruments. Tous ! La pression politique est réelle, avec une coordination très étroite avec tous les alliés (USA, Canada, Royaume-Uni… mais aussi la Suisse). L’instrument ‘sanctions’ a été poussé à son extrême en seulement quelques jours. Peu importe le coût, comme vient de l’avertir le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell : « Nous devons prêts à payer le prix maintenant, ou le prix sera beaucoup plus élevé dans le futur. » Elle a aussi décidé de mobiliser ses instruments militaires (tels le centre d’analyse satellitaire de l’Union) aux côtés des instruments plus traditionnels (aide humanitaire, protection civile, aide financière).
La mobilisation de la facilité européenne pour la paix : un changement radical
C’est surtout le recours à la facilité européenne pour la paix pour l’achat d’équipements létaux qui est notable. Quand on connait tous les affres qui ont précédé l’accouchement de cette nouvelle capacité européenne, destinée à remédier à une lacune européenne, on peut mesurer le temps parcouru. Une décision d’autant plus rare que le montant engagé (un demi-milliard d’euros) n’est pas négligeable. C’est 90% du montant annuel normalement dévolu (7) à la Facilité.
L’Union européenne en première ligne
Certes on pourra dire que l’Europe n’engage aucun moyen militaire direct. Mais l’Alliance atlantique non plus. Ni aucun autre État membre. L’Europe ne peut pas faire plus que ses propres États. Ce qui est extraordinaire en revanche, est la première place prise sur tous les plans par l’Union européenne. D’ordinaire sur un évènement, surtout en matière de défense, l’Alliance atlantique prend toute sa place non seulement au niveau de la technique militaire, mais aussi politique. Ici, c’est le contraire.
Un esprit de défense européen en gestation
L’OTAN apparait en retrait. Elle ne s’est réunie que peu finalement : une réunion de ministres (ordinaire) et un sommet — alors que l’Union européenne atteint un summum. Presque dix réunions selon nos comptes : deux sommets, quatre réunions des Affaires étrangères, une ministérielle Défense, une ministérielle Intérieur et une ministérielle Énergie. L’UE voulant afficher une volonté militaire très claire (8). Plus que toutes les belles paroles et les belles stratégies, l’Europe forge ainsi, sur le champ de la crise, sa stratégie de défense multiple, intégrant tous les instruments.
Une absence : la diplomatie et l’interposition
Le seul regret est que, paradoxalement, malgré tous les efforts des uns et des autres, l’Union européenne reste plutôt absente de ce qui a fait sa force : la diplomatie. Aucun représentant spécial n’a été nommé. Aucune équipe de négociateurs n’a été composée. Aucun ministre ou chef d’État n’a été clairement missionné. Et, surtout, aucune position claire pour le règlement du conflit n’a été formulée sinon les habituels appels au cessez-le-feu et arrêt de la mission sur le terrain. Certes on se téléphone régulièrement. Et la présidence française du Conseil de l’UE a pris quelques initiatives, très médiatiques, mais assez peu efficaces pour l’instant (cf. encadré). On peut être aussi étonné que l’Union européenne n’ait pas commencé à proposer aux forces en présence son intermédiaire, afin de permettre un cessez-le-feu et des équipes d’observateurs. Il est trop tôt sans doute. Mais peut-être sera-t-il trop tard ensuite…
(Nicolas Gros-Verheyde)
Emmanuel Macron. Une négociation bruyante et brouillonne. Le président français Emmanuel Macron ne néglige aucun effort pour maintenir le dialogue avec Vladimir Poutine. C'est un fait. Et, surtout, il le fait savoir bruyamment. Si bruyamment qu'on peut se demander si c'est l'intérêt de la négociation qui commande ou l'intérêt électoral qui prédomine. Reste un problème, le principal : jusqu'à présent, cela n'a eu aucun effet côté russe. Au contraire même. On a l'impression qu'à chaque fois que le Français se réjouit d'avoir eu son homologue russe au téléphone, et d'avoir obtenu une micro-avancée, le camp adverse prend un malin plaisir à démentir ses propos, soit en paroles, soit sur le terrain. La réalité c'est qu'une négociation concrète, efficace, ne se fait pas sur la place publique. Et surtout pas de façon solitaire. Le président français est-il automatiquement le mieux qualifié pour négocier ? Pas sûr même si la France assure en ce moment la présidence du Conseil de l'Union européenne. Il n'a jamais montré un talent en la matière (cf. pour la Libye, le Mali ou le Liban). Ce n'est pas dans sa nature. Le principe, historique européen, du couple de négociateurs (franco-allemand), de la troika de négociation (de type E3 ou trio de présidences), ou d'un missi dominici réputé, a toujours été, et restera, assurément le meilleur atout des négociations à l'Européenne. Pas du plaisir en solitaire. Ou alors il faut réussir au premier coup (type Sarkozy en 2008 avec la Géorgie).Lire aussi notre dossier Dossier N°92. L’Europe et l’OTAN face à l’intervention militaire russe en Ukraine
Cet article L’intervention militaire russe en Ukraine. Un tournant pour la défense européenne ? est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
Alors que la guerre fait rage en Ukraine, la responsable de l'édition en russe du « Monde diplomatique » a pu se rendre sur le terrain à Donetsk, dans la république séparatiste du Donbass. Elle nous livre son témoignage. Je suis arrivée à Donetsk le 20 février dans l'idée de décrire la tragédie que vit la population civile du Donbass mais aussi d'apporter un contrepoint à l'hystérie médiatique. J'habite dans un appartement que j'ai loué pour quelques jours. Il n'y a plus d'eau chaude dans la ville. On nous dit (...)
- Lettres de... / Conflits, Frontières, Russie, Ukraine, Géopolitique, Europe, Europe de l'Est(B2) Voici un premier bilan des combats pour la journée de dimanche (27 février). Extrait d’un compte rendu fait par les militaires slovaques. Parmi les mieux informés de ce qui se passe en Ukraine. La Slovaquie ayant une frontière commune.
NB : Ces informations semblent en bonne partie basées sur des informations venant de Kiev. A prendre donc avec précaution. On est en temps de guerre. Et les informations restent parcellaires.
Kiev tient toujours
Il n’y a pas eu de changement significatif dans la situation militaire dans le conflit russo-ukrainien au cours des dernières 24 heures. Les combats se sont poursuivis le 27 février autour de la capitale Kiev et dans d’autres entités régionales sur la rive gauche du Dniepr. Mais les troupes russes n’ont toujours pas réussi à encercler complètement la capitale ukrainienne. Au contraire, elles ont été contraintes de battre en retraite dans certaines directions.
Une colonne blindée détruite
Les forces ukrainiennes ont réussi à détruire plusieurs colonnes de troupes russes avec des tirs d’artillerie, dont environ 20 véhicules blindés et non blindés à l’ouest de Kiev dans la ville de Bucha, et un drone Bayraktar TB2 (de fabrication turque) a détruit une colonne de troupes russes près de la ville de Jytomyr.
Des Tchétchènes autour de Kiev
La Russie aurait déployé plus de 10.000 tchétchènes, combattants particulièrement redoutés, pour combattre à Kiev. Au cours des opérations dans la capitale Kiev, l’un des régiments de Tchétchénie a cependant été dispersé et leur commandant en chef, un général, est mort au combat.
A Kharkov, Tchernihiv et Soumy les Russes contenus
Les forces armées ukrainiennes ont réussi à contenir les troupes russes près des villes de Tchernihiv (à 130 km au nord de Kiev), Soumy (au nord-est de l’Ukraine, près de la frontière russe) et Kharkov (au nord-est, la 2e ville du pays). Les Russes « n’ont réalisé presque aucun gain territorial ». Au contraire, ils ont subi des « pertes importantes », en effectifs (morts et blessés) comme en matériel (destruction de blindés, de sécurité et d’équipement).
A Kharkov, les Russes repoussés
« Aucune activité plus importante des troupes russes n’a été observée dans les directions de Soumy et de Kharkov », où elles avaient subi des pertes importantes les jours précédents. Au contraire, les forces armées ukrainiennes et d’autres forces de sécurité ont « réussi à éliminer les [poches] formées par les troupes russes ayant pénétré à Kharkov ».
Des bombardements indistincts
Les troupes russes ont utilisé des missiles balistiques et artillerie, notamment à Jytomyr, Tchernigov, Kharkov et Marioupol.
Marioupol encerclée
Dans le sud de l’Ukraine, la situation est plus difficile pour les Ukrainiens. « Les gains les plus importants des forces armées russes ont été réalisés de Kherson à Mikolajiv (ville portuaire entre Kherson et Odessa). » Certaines offensives russes ont cependant pu être brisées près de Mikolaev et Kherson. On signale des « cas de panique et de désertion dans les rangs des troupes russes » (Nb : sans nombre précis). Mais dans la ville de Melitopol, les forces russes « ont avancé au nord de Zaporozhye et à l’est, où ils ont réussi à encercler la ville de Marioupol ».
Le dernier obstacle pour le corridor terrestre
La ville portuaire de Marioupol, dans le sud de l’Ukraine sur la mer d’Azov, reste le dernier obstacle à la création d’un corridor terrestre de la Crimée au territoire de la Fédération de Russie. Malgré des bombardements intenses et un certain nombre d’attaques coordonnées, les forces armées russes et les unités séparatistes n’ont pas été en mesure de vaincre les défenses ukrainiennes.
La Biélorussie entre dans la danse
Selon plusieurs informations, la Biélorussie devrait se joindre à l’agression du côté russe dans un avenir proche et envoyer son contingent de troupes aux opérations en Ukraine.
Un corps de volontaires étrangers
Sont engagées du côté ukrainien, les forces armées, la Garde nationale, le Service national des frontières d’Ukraine et d’autres forces de sécurité. Une brigade de volontaires étrangers serait en cours de constitution pour venir soutenir les Ukrainiens. Des volontaires du Danemark et des vétérans des forces d’opérations spéciales des États-Unis et du Royaume-Uni sont annoncés.
(NGV)
Informations traduites et mises en forme par nos soins. La rédaction décline toute responsabilité sur la nature des informations n’ayant pu les vérifier sur le terrain.
Cet article La situation en Ukraine au 27 février. Les forces russes n’arrivent pas à percer. Sauf au Sud vers Marioupol est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) a été mobilisé et déployé en Ukraine, juste avant le début de l’offensive russe.
Photo : Gendarmerie nationaleUn contingent de huit personnels du GIGN a été envoyé en Ukraine, selon l’AFP (repris par Ouest France). Les gendarmes viennent renforcer une équipe de cinq personnels, déjà sur place en permanence, pour sécuriser l’ambassade de France à Kiev et les activités diplomatiques. Selon Europe 1, ils seraient également en train de préparer l’exfiltration des ressortissants français sur place – soit environ 700 personnes, selon la radio.
En Afghanistan, en août 2021, c’est le RAID, l’unité d’intervention de la Police nationale, qui avait eu pour mission la sécurisation et l’exfiltration des ressortissants français et afghans de l’ambassade de France à Kaboul, et notamment de protéger l’ambassadeur David Martinon, jusqu’au dernier moment.
(Helen Chachaty)
Cet article Le GIGN est en Ukraine. Pour sécuriser d’abord. Puis évacuer ensuite ? est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Une carte diffusée par le renseignement britannique vient illustrer la tactique suivie par les Russes.
Quatre groupes sont à l’action : le groupe Sud a pour objectif de sécuriser le Donbass, tandis qu’une autre partie du groupe Sud avec des troupes parachutistes se lance à l’assaut du Kherson et sans doute d’Odessa, à partir de la Crimée. Le groupe Centre a pénétré via la Biélorussie et se dirige des deux côtés du Dniepr (rive droite et rive gauche) pour atteindre Kiev, tandis que le groupe Ouest vise Kharkiv.
Au moins 57 Ukrainiens (civils et militaires) ont été tués lors de cette première journée d’offensive et 169 ont été blessés selon le ministre de la santé, Victor Lyashko, cité par le Kiev Independant.
Lire aussi :
Les Russes jusqu’à Marioupol, Odessa, ou la rive gauche du Dniepr ?Cet article L’attaque russe sur plusieurs fronts en une carte est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Face à la menace d’un nouveau conflit ouvert à l’Est de l’Ukraine, les Européens ont tenté de se mobiliser. Sans succès. Des sanctions ont été prononcées. Une voie diplomatique a été ouverte. Un nouveau sommet est convoqué ce jeudi. Trop faible. Trop tard. Quant à l’OTAN, elle est bien décidée à ne pas intervenir militairement. Uniquement en paroles et pour défendre ses États membres. Pas plus. Bis repetita de la Crimée en 2014… ou de Budapest en 1956.
Cimetière de Farkasrét à Budapest en hommage aux morts de 1956 (© NGV / B2)La bonne comparaison à avoir : 1956
L’attaque de la Russie contre l’Ukraine n’est pas une réplique de la Seconde guerre mondiale. Comme certains se plaisent à le dire. C’est une erreur profonde. Une révision de l’histoire. Si elle était à comparer, en intensité, en objectif, en tactique, c’est bien avec l’intervention russe en Hongrie en 1956. A l’époque, on avait une concentration importante de militaires russes : 17 divisions blindées et d’infanterie, près de 190.000 hommes, 2500 tanks et 1000 véhicules de soutien, l’aviation bombarde les sites stratégiques (aéroports, usines) des principales villes de Hongrie.
Une intervention brutale et rapide
À l’époque, on assiste du côté russe aux mêmes tentatives de dissimulation, à la même brutalité d’intervention, et aux mêmes fausses justifications. Le bain de sang est édifiant : 700 morts soviétiques tout de même ! Environ 2500 Hongrois combattants et civils décédés, près de 13.000 blessés (1). Bien sûr, comme hier, aujourd’hui la solidarité est proclamée avec l’Ukraine urbi et orbi, dans les salons, à la télévision, sur twitter, au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais c’est tout. Et ce sera tout (2).
NB : J’ai retrouvé dans mes archives le compte-rendu du Conseil de sécurité des Nations unies du 4 novembre 1956, au jour de l’intervention soviétique définitive sur Budapest. À relire. Vous avez un rappel de l’actualité.
PV du Conseil de sécurité de l’ONU 4 novembre 1956DownloadAucune intervention militaire
On assiste au même attentisme des Occidentaux. L’OTAN gesticule, met en avant ses milliers d’hommes, sa centaine d’avions et de navires mobilisés. Mais c’est tout. Ces moyens — sous-dimensionnés en fait par rapport à l’intervention russe — restent sagement à l’intérieur des frontières de l’Alliance atlantique. Ils n’interviendront pas. Moscou le sait. Les Occidentaux l’en ont assuré.
Un feu vert tacite
Le tacle final est venu de Washington. Les États-Unis se sont empressés quelques semaines avant l’intervention de retirer les militaires présents sur le sol ukrainien comme dans la mission d’observation de l’OSCE (SMM). Un signal non pas de faiblesse, mais une sorte de feu vert tacite à l’intervention russe. L’objectif n’était pas seulement de protéger des citoyens américains, mais d’éviter qu’ils puissent être touchés par inadvertance et oblige ainsi à une intervention américaine.
Et demain ?
Pour être victorieuse pour la Russie, cette intervention devra être courte, limitée et éclair. À défaut, elle pourrait se transformer en un tombeau non seulement pour des soldats russes, mais aussi pour le régime. Une fois l’intervention terminée, il faudra recomposer avec une Russie, renouer des liens.
Écoutons ce que dit la Russie
Pour être (en partie) faux, les propos de Poutine ne reposent pas moins sur une certaine rationalité. Et sont nets et précis. Les Occidentaux n’ont pas su donner à la Russie les assurances de sécurité qu’elle méritait. Au contraire, du Kosovo 1999 à la Libye 2021, en passant par l’Iraq 2003, ils ont pris des aises avec le droit international comme avec le respect de la puissance russe. Moscou se venge en utilisant les mêmes armes : le mensonge, le contournement des règles internationales, la force plutôt que le droit. Il faut lire (ou relire) les propos de Vladimir Poutine face à la presse mardi (22 février) au lendemain de sa reconnaissance des républiques séparatistes du Donbass (Lire : Les accords de Minsk sont morts. La Russie a choisi : elle préfère le côté noir de la force (Poutine)).
Garder espoir
Tout n’est cependant pas perdu. Entre 1956 ou 1968 et 1989, il ne s’est passé que 20 à 35 ans, une bonne génération. On peut espérer que dans une génération, se lèvera une nouvelle élite de cadres et dirigeants russes, capables d’entrer dans une nouvelle modernité, alliant la puissance et le respect du droit. Pour cela, il faudra une véritable révolution mentale en Orient, mais aussi en Occident. Cesser de considérer tout ce qui vient de Moscou comme « paranoïaque ». Et tenter d’aboutir à un nouvel accord de sécurité européenne. Il faut dès maintenant y réfléchir ! C’est plus important en soi qu’un nouveau paquet de sanctions qui n’aura aucun effet, sinon de solidifier encore plus les Russes autour de leur régime.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Cet article La Russie attaque violemment l’Ukraine. Que faire : rien, sanctionner ou réfléchir ? est apparu en premier sur B2 Le blog de l'Europe géopolitique.
(B2) L’opération phare de la France au Mali, Barkhane, et la task force européenne Takuba, se terminent en queue de poisson. Ce n’est pas une débandade militaire. Mais c’est une sévère défaite politique. Et un gâchis formidable. L’arrogance, le côté donneur de leçons — même justifié sur le plan des valeurs —, ne sont plus supportés en Afrique. Les Européens, et surtout les Français, vont devoir changer de logiciel.
Emmanuel Macron, sur le devant du podium avec Charles Michel à l’ouverture du sommet Europe-Afrique, veut rebondir très vite après l’échec malien (Photo : PFUE 2022)Les quatre erreurs de Paris
Le départ des militaires français du Mali est dû, selon les dires officiels, au refus de la transition démocratique des Maliens. Mais c’est la décision de la junte militaire de bloquer le renouvellement des effectifs de Takuba, de limiter certains mouvements aériens (drones, avions…) qui est le déclencheur de la décision prise par l’Élysée.
Savoir partir à temps
Ce départ est tout d’abord l’illustration d’un défaut de certaines opérations militaires : le refus de penser à la stratégie de sortie et surtout de la mettre en œuvre, à temps. En Afghanistan hier, au Mali aujourd’hui, il y a toujours une excellente raison pour rester. L’erreur n’est pas de partir maintenant, mais de ne pas avoir prévu de partir avant (1). La tête haute. De son propre gré.
Une certaine ambiguïté
Depuis le coup d’État au Mali, surtout le deuxième, et la condamnation intensive de ceux-ci par le pouvoir français, il y avait une réelle ambiguïté. Comment rester dans un pays dont on estime le gouvernement dirigé par des militaires « non légitime » et « illégal » ? Comment continuer à coopérer avec une armée dont estime les Chefs justiciables de la prison ? Comment ne pas réagir, selon une échelle de mesures bien graduées dans l’échelle diplomatique : réduction des relations et des ambassades respectives, diminution des relations commerciales, économiques et politiques, retrait de la coopération technique ou militaire, etc. ? La situation n’était ni politiquement ni éthiquement tenable.
Une certaine arrogance
Les Maliens, malgré tous leurs défauts, sont un peuple “gentil”. Il n’était pas nécessaire de les insulter publiquement comme l’ont fait, tour à tour, le gouvernement français, Emmanuel Macron, en tête, secondé par la ministre des Armées, Florence Parly, et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Ces propos même justifiés ne se disent pas entre États qui se respectent (2). Un peu plus d’humilité ne nuit jamais à la puissance (3).
Un double standard évident
La France et les Européens ont des attitudes plutôt contradictoires sur le plan de l’éthique démocratique dans le monde. On tolère largement un régime autoritaire, semi-militaire en Égypte, en Arabie saoudite (qui mène une guerre sanglante au Yémen), aux Émirats arabes unis (à qui on déroule le tapis rouge). On murmure à peine quand un fils succède à son père au Tchad, au mépris des règles constitutionnelles (ce qui s’appelle en termes juridiques un « coup d’État »). Mais on mène une offensive violente verbalement, à la limite de l’ingérence et de l’atteinte à la souveraineté, quand cela se passe à Bamako. L’argument du double standard, évoqué parfois à tort, trouve là un réel fondement.
Quelques leçons à retenir
Le départ des militaires français n’est pas un simple fait conjoncturel. Il pourrait laisser certaines traces.
Un signal politique puissant
Ce repli sous la pression est la pire chose qui pouvait arriver à l’armée française et à la volonté française de puissance. C’est un signal politique puissant, désastreux. C’est la première fois depuis l’Algérie et l’indépendance, que les troupes françaises sont obligées de partir car un gouvernement local les met à la porte. On peut dire : c’est à cause de Wagner, du coup d’état, etc. Mais chacun gardera en mémoire que les Maliens ont réussi, sans tirer un seul coup de fusil, à faire partir une des armées les plus puissantes au monde. La symbolique est forte.
Un mouvement de fond
Ce qui se passe au Mali n’est pas anodin. Cela ressemble à un mouvement de fond plus large. Partout en Afrique, surgit une revendication de souveraineté, d’assurer son propre contrôle de sécurité, d’indépendance. Cela se passe en Somalie, en Centrafrique, en Libye, etc. L’Union africaine elle-même ne veut plus se voir imposer des déclarations clés en main, comme dans le passé, où les Européens mettent ce qui les intéressent (la lutte contre l’immigration par exemple), alors que la priorité africaine est ailleurs, dans la liberté de circulation, le contrôle des investissements, etc. (4).
Une semi-échec militaire
Il ne faut pas leurrer non plus. On ne peut vraiment dire que l’opération est un succès (5). Certes l’opération d’origine, Serval, déclenchée en 2013, a été réellement un succès : repousser les rebelles venus du Nord sur leur réduit. Mais l’opération suivante, Barkhane, se termine par un sentiment beaucoup plus mitigé. Elle n’a pas réussi à vaincre les rebelles, terroristes et djihadistes. Au contraire. Tel un hydre qui renaît sans cesse, plus les Français « neutralisent » (terme poli pour dire « tuer ») de rebelles et terroristes, plus ils suscitent l’hostilité et des recrutements. Leur nombre est estimé au même chiffre qu’en 2013. Et la vague du terrorisme s’est étendue aujourd’hui sur une zone beaucoup plus vaste, jusqu’aux pays du Golfe de Guinée. On peut donc parler d’un semi-échec militaire.
Comment mener une opération réellement anti-terroriste
Changer le logiciel des opérations anti-terroristes s’impose aujourd’hui. Pour mener une telle opération, est-il nécessaire d’avoir une empreinte militaire aussi importante sur place (5000 hommes) ? Une opération, plus légère, avec des moyens plus adaptés, davantage d’enquêteurs, policiers et gendarmes, aux côtés de leurs homologues maliens ne serait-elle pas finalement plus efficace et plus acceptée car plus discrète ? N’y a-t-il pas un moment où il faut savoir s’engager dans une ‘négociation’ avec certains groupes, plutôt que de marteler d’un ton martial : « on ne négocie pas avec des terroristes » ? Reproduire le modèle Takuba ou Barkhane dans un autre pays risque d’amener aux mêmes erreurs d’ici quelques années…
(Nicolas Gros-Verheyde)
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Paris vient d'annoncer le départ de ses troupes du Mali et le maintien d'un contingent au Sahel. Dans l'ambiance très « guerre froide » du moment autour de l'Ukraine, la question des interventions militaires extérieures s'est imposée dans la campagne pour l'élection présidentielle. Les enjeux internationaux ont rarement eu autant de poids dans les débats.
- Défense en ligne / France, Mali, Sahel, Conflits, Élections, Stratégie, Parti politique, Afrique, Russie, Ukraine, États-Unis, DéfenseSe saisir d'un thème politique ne suffit pas à faire un film politique. Emmanuel Gras y parvient avec Un peuple, en salles ce 22 février. Son sujet : un rond-point de « gilets jaunes » à Chartres, entre novembre 2018 et son délitement six mois plus tard. Il y retrace la formation fulgurante et inattendue d'une petite Commune, expérience lente et heurtée, travail d'organisation oblige, finalement condamnée par la réaction de ce qu'on pourrait regrouper sous le terme « Centre » : à la fois pouvoir et (...)
- Contrebande / Cinéma, Mouvement de contestation, Femmes, Politique, France(B2) L’invasion russe sur l’Ukraine aura lieu mercredi (16 février). C’est sûr. L’information ruisselle depuis quelques jours, provenant de source américaine. C’est imminent, immédiat… Bon. On n’a jamais vu une attaque surprise, aussi peu surprise. Il manque juste l’heure et savoir qui apporte les croissants et le café en fait. Soyons sérieux…
Un officier psy-ops ukrainien en exercice conjoint avec les Américains (Photo : Ambassade US à Kiev – Archives B2 novembre 2021)Quelle que soit la tournure des évènements aux abords de l’Ukraine, fin des manœuvres et retrait des forces russes des abordes de la frontière, redéploiement, ou offensive, même limitée, on ne doit jamais oublier la maskirovka. L’art du camouflage ou du leurre, une vieille pratique russe. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’armée rouge faisait tourner ses camions en rond pour faire croire à la présence de davantage de forces et faire hésiter l’ennemi. Cela lui a permis (parfois) de pallier certaines faiblesses.
Quelques exemples récents de la maskirovka
Cette maskirovka, les Européens et Occidentaux en ont déjà fait les frais dans les dernières années.
Précédents en Géorgie et Ukraine
L’intervention en Géorgie en plein été 2008, le jour de l’ouverture des Jeux olympiques, reste dans les souvenirs. Tellement elle surprend son monde par sa rapidité. L’avancée russe n’est pas aussi efficace que voulue en terme de manœuvre militaire (logistique en berne, chars ou camions en panne). Mais c’est une victoire politique. Bis repetita en 2014, l’intervention en Crimée par des bonhommes verts est beaucoup plus rôdée côté russe, comme le soutien militaire apporté aux “séparatistes” du Donbass. Du côté occidental, ils n’ont pas été vraiment anticipés. L’Alliance l’a admis après coup, reconnaissant n’avoir pas su interpréter certains signaux faibles (lire : Merlin, le nouvel outil informationnel de l’OTAN).
Le leurre de l’accord d’association avec l’Union européenne
À l’époque, en 2013-2014, les Russes avaient bien pris soin de masquer leurs intentions à leurs interlocuteurs en charge de la politique du partenariat oriental (Commission européenne et SEAE notamment). Le rideau de fumée dressé par la diplomatie russe — et Serguei Lavrov (le ministre des Affaires étrangères) en personne — à l’automne 2013, avait un objectif : faire passer le message aux Européens qu’ils n’étaient certes « pas du tout d’accord avec le projet de l’Union européenne de signer un accord d’association » avec l’Ukraine. Mais qu’il s’agissait d’un désaccord politique et économique, que leur objectif était surtout de conserver aux entreprises russes un accès aux marchés ukrainiens.
… Le temps des interventions militaires, révolu ?
Les Européens avaient tiré comme leçon que le « temps des interventions militaires russes » était révolu, comme racontait alors un diplomate européen très bien introduit à B2. Quelques semaines plus tard, les troupes russes prenaient possession de la presqu’île de Crimée et de Sébastopol, point stratégique sur la Mer noire, dans une opération menée de main de maître. Le leurre russe avait parfaitement fonctionné. Ce que reconnaitra à mi-mot mon interlocuteur par la suite. NB : la décision du leader ukrainien Ianoukovitch de revenir sur cette signature sera l’une des causes de la “révolution” de Maïdan, et de son renversement.
La tendance à la minimisation à l’œuvre en Syrie
Parfois, il n’y a même pas besoin d’une grande action russe d’intoxication. Ce sont les Occidentaux eux-mêmes qui s’évertuent à minimiser la volonté russe. Quand, en septembre 2015, Moscou jette ses forces dans le conflit syrien aux côtés de Bachar el Assad, certains responsables occidentaux croient à peine à une installation durable et un renversement de la situation. Je me rappelle d’une discussion très informelle avec un responsable du renseignement militaire français qui minimise l’épisode, insistant sur le fait que la Russie n’a pas les moyens militaires suffisants pour s’installer trop longtemps. On voit le résultat aujourd’hui. Le régime de Bachar a consolidé son pouvoir et reconquis une bonne partie de son pays, grâce (en partie) aux forces aériennes russes (hélicoptères et avions).
… mais aussi en Centrafrique
Quand les Wagner russes arrivent dans le pays, fin 2017 début 2018, les commentaires sont aussi remarquables. Ils sont « juste une petite centaine », m’indique alors un militaire. Et ils ne sont « pas à Bangui ». Les Russes se sont en effet installés à Bobangui, à 65 km de Bangui, dans l’ancien palais présidentiel de Bokassa. Et ils « ne s’occupent pas des mêmes tâches » que les Européens de la mission de formation de l’Union européenne EUTM RCA. Une manière de se rassurer sans doute. Quatre ans plus tard, on voit le résultat. Les Wagner sont présents, plus nombreux que les militaires européens, qui ont, en bonne partie, plié bagage.
L’effet des sanctions maximisé
Autre exemple d’auto-intoxication : les sanctions européennes et américaines prises contre la Russie après l’intervention en Crimée, en 2014. Elles ne sont pas négligeables, frappant plusieurs secteurs économiques (banques, armes, etc.). Les Européens sont persuadés, du moins c’est le message qu’ils font passer à la presse, que cela va « mettre à genoux » l’économie russe, provoquer une révolte de la population et des difficultés pour le pouvoir. L’économie russe en a effectivement pâti. Mais elle n’a pas provoqué la suite. Erreur funeste.
… avec un sacré oubli : la faculté de résilience russe
Toute la tactique européenne (et américaine) consiste à menacer de « faire mal » à la Russie, en particulier à son économie. Une notion très occidentale en fait. Du côté russe, on réagit plutôt avec une passivité orientale. Si l’objectif est stratégique, peu importe s’il y a quelques pertes « collatérales ». Le pouvoir russe a l’avantage sur les Occidentaux d’avoir à la fois une opinion publique habituée aux drames, résiliente, et plus facilement contrôlable qu’à l’Ouest. En fait, même de possibles sanctions économiques prononcées par les Occidentaux, peuvent concourir à l’objectif stratégique du Kremlin. En désolidarisant les liens entre Ouest et Est, en obligeant les oligarques et sociétés russes à chercher ailleurs les marchés perdus en Occident, ils favorisent en fait ce que d’aucuns appelleraient… l’autonomie stratégique russe.
Une nouvelle tactique de maskirovka à l’œuvre
Aujourd’hui, on peut vraiment se demander si on n’assiste pas une nouvelle version de la maskirovka. Plus médiatique.
Une ‘bruyance’ sur zone
À l’inverse du passé, le pouvoir russe ne cherche aujourd’hui aucunement à masquer ses intentions vis-à-vis de l’Ukraine. Il les rend tellement évidentes que c’en est louche. Le déplacement, on ne peut plus bruyant, de militaires le long de la frontière ukrainienne devrait inciter à la méfiance. Dans le passé, les interventions militaires n’ont jamais été précédées d’un tel tapis de bombes médiatiques. Et les Russes ont, depuis 2008 (et l’intervention en Géorgie), opté pour une tactique de mouvement, avec des petits groupes mobiles, composé de militaires en uniforme ou de personnel semi-privé, laissant de côté la tactique offensive classique, massive et lourde.
Une possibilité d’intervention limitée conservée
La tentation russe de bondir sur l’Ukraine, surtout autour de la Crimée, ne doit pas être écartée. À la faveur d’une provocation, les Russes seraient bien capables d’opérer un mouvement tournant, par la voie maritime par exemple. Ils pourraient aussi très bien décider de rester durablement sur la terre de Biélorussie, pour « protéger » leur voisin de toute « offensive de l’OTAN ». Etc. Le pouvoir russe a en fait plusieurs cartes en main.
Plusieurs cartes en main
Après avoir joué au bluff avec les Américains, les Russes pourrait se retirer, un peu, voire totalement de façon brutale… Fin de l’exercice, diront-ils, comme prévu. Ils auront beau jeu alors de démontrer que les renforts amenés aux frontières orientales par plusieurs Alliés (USA, Royaume-Uni, notamment) sont « menaçantes ». Et qu’il nécessiterait donc une présence permanente en renfort pour les Biélorusses.
La faiblesse de la solidarité euro-atlantique avec l’Ukraine
Ils auront beau jeu également de mettre en évidence la faiblesse de la solidarité américaine avec l’Ukraine. Le retrait en panique américain, non seulement des diplomates de l’ambassade américaine de Kiev, mais aussi de l’assistance militaire — sans un seul coup de feu tiré — restera dans les mémoires (lire : Le départ des Américains d’Ukraine. Imbécile et lâche).
Une très, très bonne information ?
On pourra aussi s’interroger sur les « très bonnes informations » distillées par les Américains (et le groupe des Five Eyes regroupant les anglo-saxons) aux médias. Informations assez floues finalement. Et très peu partagées avec les autres services de renseignement, en fait. Ce qui devrait inciter à une certaine prudence. Le même type de “non-partage” d’informations avait eu lieu… au moment de l’Irak, et des fameuses armes secrètes et massives de Saddam Hussein. Cela ne signifie pas que le renseignement n’existe pas. Mais qu’il faut le prendre avec des pincettes.
Une gorge profonde retournée ?
La source américaine — si elle s’avère réaliste et qu’il n’y a pas un bluff américain — semble venir du proche entourage du Kremlin. Il n’est jamais exclu dans ce type de bataille du renseignement de tenter d’influer sur l’autre partie par le biais d’une bonne source manipulant l’autre. Bref, que la fameuse taupe américaine infiltrée au plus profond de l’État russe, ait été retournée pour donner d’autres informations. On serait alors dans une vaste opération de Psy-Ops dont on gardera le souvenir dans toutes les écoles de guerre.
(Nicolas Gros-Verheyde)
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Quitte à jouer les censeurs, interdisons les sondages sur les intentions de vote. Interdire ? Quand on ne parle plus que liberté, à tout propos et avec véhémence, comment peut-on suggérer un instant une telle ignominie ? Quand je l'ai suggérée à des élus de la République, l'objection m'a été opposée avec un réflexe d'horreur : « interdire ? vous n'y pensez pas, vous allez vous faire démolir ». Cela m'a fait sourire et un peu plus déterminé à dire ce que je pense depuis vingt ans. Sur le plan intellectuel, l'affaire (...)
- Régime d'opinion / Élections, Sondage d'opinion, Médias, Politique, Communication, Démocratie(B2) Les mesures prises par les États-Unis samedi sont étonnantes. Il y a quelques jours encore, la Maison Blanche proclamait urbi et orbi sa solidarité avec l’Ukraine et sa volonté de désescalade. Aujourd’hui, c’est Courage fuyons ! Décision qui encourage plutôt les Russes d’intervenir que les empêcher. Incompréhensible.
La page facebook de l’ambassade US en Ukraine. SymboliqueLa consécration des zones d’influence
En termes politiques et diplomatiques, cette mesure est un non-sens. C’est céder au jeu du Kremlin. Et surtout cela revient à consacre la notion de zones d’influence voulue par les Russes. D’un côté, c’est clair aujourd’hui, l’Ukraine obéit à la zone d’influence russe ; et les Américains s’en retirent. De l’autre côté, la Roumanie ou la Pologne sont dans la zone euro-atlantique ; et les Américains s’y renforcent envoyant des renforts 3000 soldats supplémentaires arriveront en Pologne bientôt, en plus des 1700 déjà décidés. Exactement ce que Vladimir Poutine désirait dans sa lettre envoyée à l’OTAN et aux USA.
Une lâcheté militaire incroyable
En termes militaires, c’est le summum de la lâcheté. Jusqu’à présent, en effet, aucun coup de fusil n’a été tiré — à part ceux habituels depuis huit ans dans le Donbass. Aucun militaire russe supplémentaire n’a franchi les frontières de l’Ukraine. On est donc juste dans une crainte éventuelle. Il n’y a donc aucun risque qu’un Américain soit atteint. A contrario, la présence américaine devrait persister. Ne serait-ce qu’un signe de garantie et de solidarité avec les Ukrainiens. Sinon cela ne sera à rien de faire de grandes déclarations de solidarité.
La tradition préservée
Les États-Unis consacre ainsi la tradition. Face aux Russes, sur le territoire européen, le principe est la non-intervention. C’était valable au temps de la guerre froide en 1956 à Budapest, en 1968 à Prague. C’était un autre temps, qu’on croyait révolu, celui de l’opposition des blocs. C’est resté valable en 1992 pour la Transnistrie, en 2008 pour la Géorgie et l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, en 2014 pour la Crimée et le Donbass. Et aujourd’hui en 2022. Moscou peut donc être rassuré : la tradition américaine est préservée. Washington ne risquera pas la peau d’un seul Américain pour sauver de la main russe les pays de l’ancien bloc soviétique.
(Nicolas Gros-Verheyde)
NB : Cette mesure a été suivie par le Royaume-Uni. Les militaires qui participent à la mission d’assistance (Orbital) des Ukrainiens ont été priés de faire leurs bagages. Tandis que Londres annonçait 350 Royal marine supplémentaires en Pologne. De façon plus intelligente, la France n’a pas pris une décision semblable. Suivie par plusieurs pays européens.
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(B2) Durant son passage en Méditerranée, le groupe aéronaval français, composé autour du porte-avions Charles de Gaulle, va prêter main forte à l’opération européenne maritime de surveillance de l’embargo autour de la Libye.
Deux avions vont effectuer quelques vols de surveillance : l’avion de patrouille maritime Atlantique 2 — qui accompagne la force aéromaritime — et un avion de veille aérienne E-2C Hawkeye — embarqué à bord du Charles-de-Gaulle (R-91) dans le cadre de la mission Clemenceau 22. Une frégate FREMM (frégate multi-missions aux capacités de défense aériennes renforcées), l’Alsace, a aussi apporté un soutien ponctuel à l’opération.
Ce soutien ne signifie pas la mise à disposition des moyens français de l’opération Irini — avec intégration de la chaine de commandement européenne. Les navires restent sous le commandement français. Mais ils partagent certaines informations et peuvent effectuer une visite ‘amicale’ d’un navire marchand, de façon ponctuelle. C’est ce qu’on appelle un détachement associé, qui a un triple mérite : apporter un ‘boost’ à l’opération européenne ; montrer la solidarité nationale avec celle-ci ; démontrer l’utilité du groupe aéronaval.
C’est une tradition du GAN, le groupe aéronaval français, d’apporter ce soutien à diverses opérations lors de son passage. Il l’a fait pour Atalanta l’année dernière (lire : Le Charles-de-Gaulle et le groupe aéronaval dans le Golfe d’Aden, aux côtés des ‘Atalanta’). Il aurait dû le faire pour Irini à ses débuts en 2020. Mais l’épidémie de Covid-19 l’en avait empêché (lire : Retour au port pour le porte-avions Charles-de-Gaulle, contaminé par la pandémie).
(NGV)
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