(B2) Le Parlement européen a décidé ce jeudi (25 octobre) d’attribuer le prix Sakharov 2018 « de la liberté de penser » à Olger Sentsov. Un message envoyé à la Russie
« Le cinéaste est devenu un symbole pour la liberté des prisonniers politiques en Russie et dans le monde », a souligné le président du Parlement, Antonio Tajani, après avoir annoncé le nom du lauréat du prix Sakharov 2018 ce midi à Strasbourg.
Un prisonnier ‘politique’
Le réalisateur de film ukrainien purge une peine de 20 ans de prison, arrêté en 2014, et condamné en 2015 par les tribunaux russes, sous l’accusation de complot d’actes terroristes. Il s’était opposé à l’occupation de la Crimée par la Russie. En mai, il a entamé une grève de la faim qui a duré plus de 145 jours, pour la libération des prisonniers politiques ukrainiens en Russie.
La voix des autres
« Il est devenu la voix d’environ 70 autres innocents qui ont péri dans des conditions inhumaines dans des prisons russes dispersées dans le vaste pays. En lui décernant ce prix, nous témoignons du fait qu’ils ne sont pas oubliés », commente l’eurodéputé dela CDU Michael Gahler (PPE), rapporteur permanent du Parlement européen sur l’Ukraine.
Une fidélité à l’esprit de Sakharov
La candidature d’Oleg Sentsov avait été proposée par le groupe chrétien-démocrate PPE. « En soutenant Oleg Sentsov, le Parlement européen en a profité pour rester fidèle à ses convictions, aux principes de la démocratie, des droits de l’Homme et de la dignité, à l’état de droit et à la liberté de pensée », a déclaré le député slovaque Eduard Kukan, (PPE/indépendant).
Le premier Européen depuis dix ans
C’est le premier Européen depuis dix ans à recevoir ce prix. Il succède à l’opposition démocratique vénézuélienne (l’assemblée nationale et tous les prisonniers politiques) à laquelle le Prix Sakharov avait été décerné l’année dernière. La cérémonie de remise du prix aura lieu en décembre.
(Emmanuelle Stroesser)
(B2) Selon les derniers chiffres compilés par l’Union européenne dans son 19e rapport sur les licences d’exportation d’armes, pour l’année 2016, c’est la France qui l’emporte toutes catégories confondues dans le commerce avec l’Arabie Saoudite
Nous avons pris en compte non seulement le dernier rapport de l’Union européenne, mais afin de relativiser les chiffres, les deux précédents. Dans les trois cas, la France est outrageusement en première position, même si (de façon très bizarre), le chiffre des ventes réelles reste très en-deçà du chiffre autorisé.
L’Arabie saoudite, partenaire privilégié pour la France
215 licences ont été octroyées en 2016 pour un montant global de 13,8 milliards d’euros. Ce qui représente près de neuf dixièmes (87%) des montants autorisés dans l’Union européenne. Elle a réalisé cette année là 1,08 milliard d’exportations (*). Les 28 États membres ont autorisé les exportations pour un montant global de 15,8 milliards d’euros (607 licences).
Un champion toutes catégories d’exportations d’armes
L’hexagone a exporté en 2016 un peu dans toutes les catégories : des navires (2,62 milliards), des aéronefs (343 millions d’euros), des munitions, des torpilles, des armes d’un calibre supérieur à 20 mm (2,98 milliards), de la technologie militaire (1,31 milliard), du matériel électronique (507 millions), du matériel d’imagerie (265 millions), et même des agents chimiques ou biologiques toxiques (6,3 millions), etc.
Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Bulgarie et Espagne
Suivent (loin derrière) le Royaume-Uni pour un montant de 613,2 millions d’euros (134 licences), l’Allemagne avec 529,7 millions (164 licences), et l’Italie avec 427,4 millions (16 licences).
En cinquième position — contrairement à ce que l’on pourrait penser —, ce n’est pas l’Espagne avec 154,8 millions (10 licences), mais la Bulgarie avec 203,7 millions (32 licences). Sofia vend essentiellement des armes (moins 20 mm et plus de 20 mm) et des munitions à l’Arabie saoudite, qui auraient été rétrocédées, selon certaines sources, aux troupes soutenues par la monarchie.
Si on descend d’un cran, dans les pays qui ont un niveau moyen d’exportation, on trouve la Belgique avec 33,5 millions d’euros (13 licences), la Pologne avec 29,8 millions, la Roumanie avec 16,6 millions (5 licences), la Rép. Tchèque avec 12 millions.
Enfin, certains pays exportent peu ou à peine : les Pays-Bas avec 21.400 euros (1 licence), le Portugal avec 24745 euros (1 licence), le Danemark 2774 euros (1 licence), etc.
18 refus de licences
En 2016, 18 licences ont été refusées par les États membres pour trois motifs essentiellement : matériel pouvant servir à des violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, risque pour la stabilité régionale, risque de détournement de la technologie ou des équipements militaires dans le pays acheteur ou de réexportation. Un seul refus évoque la proximité avec des groupes terroristes.
En 2014 et 2015, la France reste en tête
Trois quarts des licences d’exportations
En 2014, la France, domine à la première place des exportations d’armes vers l’Arabie Saoudite, en signant des licences d’exportations pour une valeur de 2,7 milliards d’euros (au travers de 188 licences d’exportation), sur une valeur totale de 3,9 milliards euros (soit 72% du total). La valeur déclarée des exportations cette année-là s’établit à 644 millions, dans quasiment toutes les catégories d’armes (sauf les matériaux énergétiques).
Elle est suivie par son voisin belge, qui signe pour 397 millions (50 licences), l’Allemagne pour presque 209 millions euros (187 licences) et l’Italie pour 163 millions (64 licences). Plus loin, on retrouve la Bulgarie pour 85 millions euros (9 licences) et le Royaume-Uni pour 83 millions (175 licences). Puis l’Espagne, qui signe avec Ryad 69 millions (11 licences) et la Slovaquie à hauteur de 60 millions d’euros (7 licences).
Un bond en avant en 2015
En 2015, la France était déjà en tête, en signant pour un total de 16,8 milliards d’euros (219 licences), sur un total européen de 22,2 milliards euros (835 licences). Elle assure ainsi 76% du montant des licences d’exportation autorisées dans l’Union européenne, même si elle ne déclare avoir cette année-là exporté que pour 900 millions d’euros.
Elle est suivie, de loin, par le Royaume-Uni avec 3,3 milliards (228 licences), ce qui constitue un réel bond en avant. L’Espagne, a elle, octroyé des licences pour 584 millions d’euros (18 licences) et la Belgique pour 576 millions (34 licences). Suivent également de près Berlin, pour 270 millions (138 licences) et Rome, pour 257 millions (110 licences). La Bulgarie reste aussi un partenaire régulier, ayant autorisé des exportations à hauteur de 101 millions (23 licences) et la Croatie à 100 millions (8 licences).
(Nicolas Gros-Verheyde, avec Aurélie Pugnet, st.)
Des statistiques à utiliser avec précaution
Précisons que ces statistiques ont une valeur relative. Certains pays ‘oublient’ de remplir certaines cases. C’est le cas de l’Allemagne ou du Royaume-Uni qui ne déclarent aucun montant des exportations réellement faites (un oubli régulier du côté de Londres). De fait, reconnait elle-même l’Union européenne, ces statistiques ne sont pas tout à fait fiables. Elles sont établies « différemment selon les États membres. Aucune norme uniforme n’est utilisée ». Selon les procédures nationales en cours sur les exportations d’armes ou de « protection des données », tous les pays ne « soumettent les mêmes informations ». Ces statistiques ont cependant un mérite : permettre un minimum de comparaison au niveau européen et obtenir des informations (au moins globales) qui ne sont pas données par tous les pays.
(*) Ce chiffre peut recouper les exportations réellement faites dans l’année (correspondant à des licences précédentes) comme le montant réellement payé (en cas d’étalement des paiements). Certaines autorisations d’exportations ne donnent pas nécessairement lieu à contrats.
(B2) La réunion du comité militaire de l’UE aujourd’hui et demain au niveau des CHOD – chefs d’état major des armées — est l’occasion pour le général grec Mikhail Kostarakos de donner la bienvenue à son successeur, le général italien Claudio Graziano, actuel chef de la défense italienne.
Les généraux Kostarakos et Graziano dans les couloirs du comité militaire (crédit : EUMC)
Ils ont procédé ce matin à un tour du propriétaire, au sein du bâtiment du comité militaire, avenue de Kortenbergh. La transmission formelle et effective aura lieu le 5 novembre prochain.
Un triumvirat Italo-Germano-Allemand
On peut noter que les Italiens font une entrée en force dans la structure de commandement de l’Union européenne. Un transalpin (Vincenzo Coppola) est également à la tête du commandement des missions civiles (CPCC) (lire : Un nouveau chef des missions civiles de gestion de crise).
Ils constituent avec les Finlandais et les Allemands le trumvirat de la gestion de crises à l’européenne. Un Finlandais (Esa Pulkkinen) dirige en effet l’état major de l’UE (EUMS) et une Finlandaise (Sofie From-Emmesberger) vient d’être nommée à la tête du Comité politique et de sécurité (COPS).
Un Allemand (Gerhard Conrad) dirige le centre d’analyse du renseignement (IntCen) et un autre (Oliver Rentschler *) est pressenti pour diriger la direction de planification civilo-militaire (CMPD) actuellement dirigée par un Hongrois (Gabor Iklody). Aucun Français n’est à la tête d’une direction de gestion de crises.
(Nicolas Gros-Verheyde)
* Actuel chef adjoint du cabinet de Federica Mogherini. La procédure de recrutement a été repoussée de plusieurs mois. Et c’était le nom le plus couramment cité auparavant.
Lire notre portrait : Un général italien à la tête du comité militaire de l’UE à partir de 2018
(B2) De tout temps, le choix d’un avion de chasse par un gouvernement s’est fait sur des critères apparemment techniques — la capacité de l’avion — mais surtout sur des critères très politiques. Le choix possible (1) du gouvernement belge du F-35 est l’illustration de cette règle. Est-il justifié ? Est-ce un mauvais coup pour l’Europe de la défense ?
F-35 alignés sur la base aérienne US de Eglin en Floride (Crédit photo : MOD Pays-Bas – sergeant-majoor Peter van Bastelaar, Frank Crebas)
Des raisons objectives en faveur de ce choix
La Belgique avait plusieurs raisons ‘objectives’ de choisir l’avion américain F-35 aux dépens de l’avion européen Eurofighter ou du français Rafale : 1° approfondir une intégration plus importante de sa force aérienne avec celle des Pays-Bas ; 2° continuer une coopération étroite avec plusieurs pays européens qui partagent d’avoir l’avion américain en commun (Italie, Danemark, Norvège, Royaume-Uni) ; 3° prouver à Washington que la Belgique reste un allié fidèle ; 4° remplir l’obligation technique de pouvoir emporter les bombes nucléaires (stockées sur la base aérienne belge de Kleine Brogel). Enfin, le Français Rafale s’est mis hors course tout seul, en se retirant au dernier moment de la compétition et en préférant proposer un partenariat général, mais sans donner les éléments principaux de leur offre notamment le prix de l’avion (2). Au plan politique, ce choix permet de ne pas céder aux pressions françaises, ce qui pour un des poids lourds de la coalition au pouvoir — la N-VA des autonomistes flamands —, est logique (3). Précisons que l’Europe n’a jamais inscrit la préférence européenne comme ligne directrice de ses achats… et la France non plus. On ne peut donc venir reprocher à la Belgique un choix que d’autres pays ont fait dans le passé.
Une vraie problématique pour l’Europe de la Défense
Cette décision a cependant de gros inconvénients : outre qu’elle est coûteuse, elle envoie un signal politique plutôt négatif sur l’Europe de la défense. Or s’il y a bien un enjeu d’autonomie stratégique majeur, c’est dans l’aviation de chasse. A la fois par sa dimension militaire, sa durée de vie (40-50 ans), son coût et son aspect emblématique. La Belgique pourra bien sûr signer ensuite d’autres contrats, par exemple sur l’armement terrestre (le Scorpion avec la France). Mais ceux-ci ne représenteront pas la même valeur stratégique, politique et économique. Deuxièmement, la situation à la veille de 2020 n’est plus celle du début des années 2000 voire 2010. La donne a changé : d’une part, les États-Unis se sont inscrits non plus en concurrents de l’Europe, mais en adversaires de plusieurs choix politiques européens (multilatéralisme, sanctions sur l’ONU, position sur le Proche orient). Accroître la dépendance vis-à-vis de Washington sur une durée longue est un vrai choix politique et un mauvais coup tiré par Bruxelles contre l’Europe de la Défense. On peut avoir ensuite de belles déclarations d’amour sur l’Europe de la défense. Le message de cette décision est clair : il vaut mieux coopérer avec les Américains qu’entre Européens.
Un choix de l’avion habité aux dépens des drones
Une dernière question peut se poser. Est-ce que commander autant d’avions (34 appareils) était nécessaire pour assurer la sécurité aérienne belge ? Bruxelles n’aurait-il mieux pas fait de consacrer une partie de la somme à disposer d’une flotte importante de drones ? Une lacune importante au niveau européen des opérations. En se positionnant sur ce plan, la Belgique aurait pu marquer une réelle inflexion, du champ de bataille moderne, et s’imposer comme un acteur incontournable des opérations européennes ou de l’OTAN, le tout pour un risque (humain) limité. Il est dommage que cette question n’ait pas suscité au plat pays autant de débats que celui du choix du modèle de l’avion qui a vu de féroces joutes politiques s’opérer.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : En Belgique, la saga du Rafale pris entre deux feux
(1) Le Premier ministre belge Charles Michel ce mardi matin devant la Chambre des députés (en commission de l’Intérieur) a démenti toute prise de décision formelle, malgré de nombreux indices, rapportés par l’agence Belga, en provenance de son entourage, indiquant que la décision était faite en faveur du F-35 à défaut d’être prise. On semble jouer sur les mots surtout.
(2) C’est qu’a affirmé le Premier ministre ce matin à la Chambre : « les Français n’ont pas remis d’offre, mais simplement une proposition, que nous avons ensuite examinée. Cela étant, je ne dispose pas de moyens pour les contraindre à nous communiquer des informations qu’ils refusent de nous transmettre. Je pense notamment au prix de leurs avions. »
(3) L’affaire Agusta-Dassault, qualifiée de ‘scandale du siècle’ par le Premier ministre Charles Michel dans le débat à la Chambre ce matin est aussi un antécédent lourd aux dépens de l’industriel français. Un aspect souvent peu commenté en France, notamment qui a les yeux rivés sur le prisme national de la décision : Rafale contre F-35.
(B2) Les Européens se tâtent pour imposer une suspension des exportations d’armes vers l’Arabie saoudite après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, et surtout l’absence de toute clarification intelligible de la part de Ryad.
L’Allemagne, par la voix de Angela Merkel, la Chancelière, a pris position en ce sens. La Wallonie hésite à franchir le pas. Les autres pays sont plus silencieux. La position européenne dans ce domaine très sensible est en effet d’un maniement très délicat : ni totalement désintéressée, ni totalement impérative.
Existe-t-il une règle européenne codifiant l’exportation des armes ?
Oui. Elle résulte d’une position commune adoptée il y a près de dix ans, le 8 décembre 2008 (sous présidence française). Elle inscrit dans le droit ce qui relevait auparavant d’un code de conduite datant du 8 juin 1998 (1).
Que dit cette décision ?
Elle établit huit critères principaux au regard desquels doit être appréciée une décision d’exportation d’armes. Ces critères doivent être pris en compte dans tout octroi d’une licence d’exportation d’armes par un État membre.
S’impose-t-elle aux États membres ?
Oui et Non. Elle est obligatoire dans le sens qu’il s’agit d’une décision juridique. Mais c’est aux États membres, d’apprécier si les critères sont remplis, ou non. En toute souveraineté. Aucune nécessité de motivation publique n’existe. Aucun dispositif de contrôle ou de sanction n’existe. Ni la Commission européenne, ni le Haut représentant ou la Cour de justice européenne n’ont ainsi reçu mandat de vérifier si un État a failli au respect de ces critères. Il n’y a pas non plus une appréciation commune, de façon systématique, pour déterminer si dans chaque situation de conflit, une suspension d’exportations d’armes est nécessaire.
D’autres instruments existent-ils ?
Oui. C’est une exception notable à l’absence d’obligation de la position commune. Elle est prise à un autre titre quand les États membres décident ensemble de mettre en place des mesures restrictives à destination d’un pays. Cet instrument des sanctions est couramment utilisé. L’Union européenne a ainsi instauré, de manière autonome (sans résolution des Nations unies), un embargo sur les armes vers la Russie (dans le conflit en Ukraine) ou vers la Syrie. D’autres embargos existent à la suite de résolutions des Nations unies : Somalie, Centrafrique, etc.
Dans le cas Khashoggi, la position commune imposerait-elle de suspendre les ventes d’armes ?
Non a priori. Parmi les critères, celui le plus applicable est le second critère sur le « respect des droits de l’Homme dans le pays de destination finale ». Les exportations doivent être suspendues « s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l’exportation est envisagée servent à la répression interne » ou servent « à commettre des violations graves du droit humanitaire international ». NB : On peut estimer (en ayant une large appréciation assez stricte) que les équipements vendus (par exemple les bombes à laser guidées, les pièces d’artillerie, les avions ou les chars) ne « servent pas » à commettre des atteintes, du moins n’ont pas servi à commettre l’assassinat du journaliste à Istanbul. A supposer que certains moyens (communications, avions…) n’aient pas servi…
La prudence s’impose-t-elle ?
Oui a priori. Le même critère de la position commune enjoint aux États de faire preuve « d’une prudence toute particulière en ce qui concerne la délivrance d’autorisations aux pays où de graves violations des droits de l’Homme ont été constatées par les organismes compétents des Nations unies, par l’Union européenne ou par le Conseil de l’Europe ». NB : même si on peut discuter le point de savoir si un ‘constat’ formel a été fait par un des trois organes cités, la prudence pourrait s’imposer. Une déclaration de la Haute représentante comme du Parlement européen représente-t-elle par exemple un constat de l’Union européenne ?
D’autres motifs justifient-ils la suspension des ventes d’armes ?
C’est incontestablement la situation au Yémen, où la coalition emmenée par l’Arabie saoudite mène une intervention militaire, qui pourrait être un sérieux motif de suspension des ventes d’armements. Le même deuxième critère préconise la suspension d’armes quand ces équipements « servent à commettre des violations graves du droit humanitaire international ». NB : La commission d’actes contraires au droit humanitaire est patente. Encore faudrait-il démontrer un lien de causalité entre les équipements employés et ces actes.
Autre critère utilisable, le quatrième critère visant à la « préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales ». Ce critère vise à éviter que les équipements soient utilisés « de manière agressive contre un autre pays ou pour faire valoir par la force une revendication territoriale ». NB : ici encore tout est question d’appréciation. L’Arabie saoudite mène-t-elle une guerre de conquête au Yémen et y-a-t-il « atteinte de manière significative à la stabilité régionale » (sachant que le Yémen, même sans intervention saoudienne n’est pas un pays de pure stabilité) ?.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire notre fiche détaillée : Les règles en matière d’exportation des armes (décision de 2008)
(B2) Le conflit dans l’Est en Ukraine est « intéressant » en termes de retour d’expérience. Ce conflit légèrement oublié a été dévastateur en termes de pertes humaines. Et la ‘défaite’ des Ukrainiens, dans la première année de guerre 2014-2015, face à des troupes théoriquement plus faibles en nombre, recèle plus d’un enseignement selon les militaires français
Troupes ukrainiennes lors de l’exercice Saber Junction 2018 (crédit : Ministère de la défense de l’Ukraine)
« C’est un conflit intéressant pour nous, aux caractéristiques dimensionnantes, tant dans le domaine capacitaire que dans celui de la préparation opérationnelle », a ainsi indiqué le général Pascal Facon, chef du CDEC (centre de doctrine et d’enseignement du commandement) de l’armée française devant les députés français fin septembre (1). « Nous devons être prêts à nous engager dans un conflit approchant la haute intensité et les caractéristiques observées dans l’est de l’Ukraine. »
Une bataille de blindés
« Ces combats ont opposé 30.000 Ukrainiens, déployant environ 2000 véhicules blindés d’infanterie et 600 chars, faisant face à 2000 combattants séparatistes équipés de véhicules blindés, souvent récupérés sur leurs adversaires. »
Un grand nombre de blessés
En février 2015 « au moment où le front s’est stabilisé, on comptabilisait 5300 morts et 12 000 blessés ». En moins d’une année de combat. « Ce qui dépasse les taux de pertes de nos opérations actuelles. »
Un faible entraînement + peu de volonté de combattre
Les forces ukrainiennes avaient un « entraînement limité ». « Des durées de formation trop courtes et des équipements individuels inadaptés – sac à dos, chaussures, protections individuelles, trousses de première urgence inexistantes, transmissions non sécurisées – ont affecté initialement leur volonté de combattre. »
Une image dégradée des forces armées
En Ukraine, « les forces ukrainiennes semblent avoir été surprises par les événements dans le champ de la mobilisation. 50 % des effectifs attendus ne se sont pas présentés. […] L’image parfois dégradée des forces armées au sein de la population a eu une influence évidente sur son efficacité. Cet état de fait a poussé les jeunes à rejoindre des bataillons de volontaires dont le volume total a atteint 7000 hommes, plutôt que d’entrer un processus de mobilisation ».
Des forces peu agiles
Les Ukrainiens « ont probablement éprouvé des difficultés à mesurer qu’une action qualifiée de lutte antiterroriste pouvait dériver vers un conflit localement de haute intensité ».
Inutile d’avoir de gros moyens si on n’a pas de maintien en condition opérationnelle
Fait intéressant : « ‘sur le papier’, les Ukrainiens disposaient d’une supériorité matérielle indiscutable avec 2300 chars, 3800 blindés et 3100 pièces d’artillerie, mais, du fait des conditions de stockage de leurs matériels et de procédures de maintien en condition inappropriées, la disponibilité technique opérationnelle (DTO) n’excédait pas 60 % au début des combats ».
La puissance de l’artillerie sol-sol et sol-air
« Durant les affrontements, deux régiments ont été détruits à 70 % en l’espace de six minutes par des lance-roquettes multiples. »
Disposer de contre-feux
Dans l’Est de l’Ukraine, « l’artillerie sol-air séparatiste a littéralement interdit, en détruisant les aéronefs ukrainiens, la libre disposition de l’espace aérien, pourtant indispensable pour assurer l’appui des troupes au sol. »
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Voir le compte-rendu de séance de la commission Défense de l’Assemblée nationale du 25 septembre
(B2) Le Sea-Watch 3 — navire de sauvetage de l’ONG du même nom — a « finalement été autorisé à quitter Malte et va reprendre son activité de témoignage et de sauvetage après une escale technique », annonce l’ONG allemande. Il était retenu à Malte depuis le 2 juillet et a repris la mer samedi (20 octobre). Il est en route pour l’Espagne afin d’effectuer des travaux de maintenance réguliers et d’être révisé pour ses tâches futures.
« Sea-Watch 3 est actuellement l’outil civil de sauvetage le plus important et le mieux équipé en Méditerranée centrale », a déclaré son capitaine, Pia Klemp. « Nous sommes plus que soulagés que le navire ait finalement été libéré de cette prise d’otage politique. »
(NGV)
(crédit photo : Sea-Watch)
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