Après le durcissement de la directive sur les travailleurs détachés, en juin 2017, Emmanuel Macron a remporté une seconde victoire lundi soir à Bruxelles que peu de monde croyait possible. La France a, en effet, obtenu que le transport routier international soit mieux encadré afin à la fois d’améliorer les conditions de travail des chauffeurs et de lutter contre la concurrence déloyale. « C’est une vraie victoire pour l’Europe sociale », se réjouie l’écologiste française Karima Delli, la présidente de la Commission transport du Parlement européen. Cette illustration de « l’Europe qui protège », pour reprendre le slogan du chef de l’État, tombe au meilleur moment, en plein conflit des « gilets jaunes ».
Pourtant, en juin 2017, le gouvernement français avait été rudement critiqué par l’opposition pour avoir accepté de disjoindre la question des routiers du règlement plus général du détachement. La raison était double : éviter de coaliser l’Espagne et le Portugal, très dépendants du transport routier, et les pays de l’Est grands fournisseurs de main-d’œuvre bon marché corvéable à merci. D’autre part, le transport est un secteur spécifique, puisque son essence est la mobilité, qui ne peut obéir aux mêmes règles que le détachement d’un maçon, par exemple : c’est d’ailleurs pourquoi la Commission européenne a déposé un « paquet mobilité » en mai 2017 traitant de la question.
Le calcul a été payant. Au terme de 18 mois de négociation et 15 heures de discussion de rang, la France a obtenu lundi que le transport routier soit couvert par la directive sur le détachement des travailleurs prévoyant une « rémunération égale » à celle des locaux pour les opérations de « cabotage ». Par exemple si un camion fait une livraison de Pologne en France et recharge et décharge dans l’Hexagone (3 opérations autorisées pendant 7 jours), le routier sera payer comme un Français. La seule exemption concerne les « opérations bilatérales consistant en un aller et retour d’un État membre à un autre », comme l’a précisé Elisabeth Borne, la ministre chargée des transports. Rien de choquant dans cette exemption, puisqu’il serait difficile de faire varier la rémunération du routier en fonction des pays traversés pour une simple livraison… De même, pour éviter une concurrence déloyale, les camions étrangers qui font du cabotage dans un pays devront le quitter pendant 5 jours avant d’y revenir.
Les droits sociaux des routiers sont aussi renforcés. Ainsi, l’interdiction de prendre son temps de repos dans la cabine de son camion, déjà décidé par la Cour de justice européenne, est confirmée : le patron devra leur payer un hôtel. De même, ils auront un droit au retour régulier, toutes les 3 à 4 semaines, dans leur pays d’origine. Enfin, s’ils effectuent de longs voyages, ils pourront prendre deux repos hebdomadaires réduits consécutifs, mais ils devront obligatoirement être suivis d’un repos normal pris au pays.
Surtout, les contrôles seront accrus, à la fois en renforçant la lutte contre les sociétés « boites aux lettres », qui se contentent de fournir de la main-d’œuvre à des compagnies étrangères, et en rendant obligatoires les « tachygraphes intelligents » dès 2022 pour les camions neufs et dès 2024 sur tous les autres camions (au lieu de 2034 proposé par la Commission).
Preuve que le sujet est particulièrement sensible : presque tous les pays d’Europe de l’Est ont voté contre ce texte (sauf la Slovaquie, la Tchéquie et la Slovénie), la Roumanie s’abstenant, alors que l’Europe de l’Ouest s’est prononcée en sa faveur à l’exception notable de Malte et de la Belgique… Une vraie différence avec la réforme de la directive sur le travail détaché, où les seules opposantes avaient été la Pologne, la Hongrie, la Lettonie et la Lituanie.
Mieux vaut éviter d’avoir un enfant avec un(e) Allemand(e) si on n’est pas soi-même Allemand et/ou si l’on ne vit pas en Allemagne. Nulle germanophobie mal placée dans ce conseil, mais un simple constat : si la séparation tourne mal et que le parent allemand décide de repartir en Allemagne avec l’enfant (ou les enfants), la justice germanique, dont le bras armé est le tout puissant office d’aide sociale à l’enfance (Jugendamt), refusera à jamais qu’il quitte le sol allemand au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Or, Berlin viole ainsi le droit international (convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement international d’enfants et de 1993 sur l’autorité parentale) et le droit européen (règlement de 2003 en phase finale de révision et jurisprudence de la Cour de justice européenne).
Faute de statistique, on ne connait pas le nombre d’enfants ainsi enlevés à l’affection de l’un de leur parent depuis 1950, mais il se monte sans doute à plusieurs milliers voire dizaine de milliers. Cela fait une vingtaine d’années que les institutions communautaires, mais aussi la France, les unions franco-allemandes étant très nombreuses, essaient de traiter à l’amiable ces drames dont on ne soupçonne guère les ravages. En vain. Le Parlement européen, saisi régulièrement par des pétitions de parents non allemands victime d’un enlèvement international d’enfant, a décidé de hausser le ton contre l’Allemagne, puisque ce pays est le seul de l’Union à refuser d’appliquer le droit européen (l’Autriche, qui avait la même interprétation de l’intérêt de l’enfant, est rentrée dans le rang). Le 29 novembre, par 307 voix contre 211 et 112 abstentions, il a adopté une résolution ciblant uniquement Berlin, ce qui est sans précédent et montre l’agacement des eurodéputés.
La résolution décrit le système mis en place outre-Rhin pour refuser d’exécuter les décisions judiciaires européennes ordonnant le retour des enfants. Outre l’interprétation extensive, puisant sa source dans une loi du régime nazi, de l’intérêt de l’enfant qui est toujours de rester auprès de son parent allemand en Allemagne, même en cas de violence ou d’abus avéré contre le parent non allemand, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe estime que l’Allemagne n’a pas à exécuter une décision de justice européenne si l’enfant, même de moins de 3 ans, n’a pas été entendu par le juge… Surtout, le pouvoir du Jungendamt est proprement terrifiant : c’est lui qui recommande au juge la décision à prendre et peut décider de mesures temporaires (comme la tutelle) sans aucun appel possible. Il peut aussi s’opposer au droit de visite du parent non allemand, imposer sa présence lors des visites ou refuser que le parent non allemand parle dans sa langue maternelle à son enfant…
Cette volonté de placer l’Allemagne au-dessus de tout n’est pas exceptionnelle. Il est révélateur d’un comportement plus général de ce pays qui a le plus grand mal à respecter les normes qu’il souhaite que les autres appliquent. Au fond, c’est l’ancien ministre des Finances social-démocrate allemand, Hans Eichel, qui a vendu la mèche, en novembre 2003. Alors que ses collègues lui faisaient remarquer que Berlin avait violé le Pacte de stabilité et qu’il fallait donc qu’il accepte des sanctions, il a lâché sur les yeux sidérés de l’assemblée : « mais enfin, le Pacte n’a jamais été conçu pour s’appliquer à l’Allemagne » !