(B2) Les militaires nigériens ont été formés et entraînés à avoir « les bons gestes » sur une scène de crime, avant de passer la main aux forces de sécurité intérieure et à la justice.
(crédits: EUCAP Sahel Niger)
60 militaires des forces armées du Niger ont été formés à la sécurisation des scènes de crime et à la collecte de preuves dans le nord du pays. L’armée est, en effet, responsable de certaines actions dans les territoires où ni la police ni la gendarmerie ne sont présentes. C’est le cas à Madama, près de la frontière Libyenne, où la mission de l’UE de renforcement des capacités de sécurité (EUCAP Sahel Niger) a dispensé une formation théorique et pratique à des militaires du 84ème Bataillon.
Ce renforcement des connaissances et des capacités militaires dans ce domaine est fondamental. La région est particulièrement vulnérable à la menace du terrorisme et de la criminalité en raison de la porosité des frontières. « L’objectif était également de protéger juridiquement l’action militaire, rendre la chaîne pénale plus efficace et renforcer le lien entre l’armée et la société civile », assure la mission.
(MHA)
(B2) Alors que les forces arabo-kurdes (FDS) livrent une des dernières batailles contre l’État islamique, un officier français présent sur place avertit : la bataille est gagnée, la guerre… ce n’est pas sûr
artillerie (Task Force Wagram) de l’opération Chammal (crédit : DICOD / EMA)
Dans un article paru dans la Revue de défense nationale, un des organes de réflexion stratégique de l’armée française, le colonel François-Régis Legrier décortique un aspect de l’opération française et américaine en Irak : La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ? ». L’auteur sait de quoi il parle. Chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique, il a été le commandant de la Task Force Wagram au Levant depuis octobre 2018.
L’article serait sans doute passé inaperçu du plus grand nombre, malgré sa qualité, s’il n’avait pas donné lieu à un échauffement politique, révélé par Michel Goya dans son blog La voie de l’épée. L’article a été déprogrammé du site internet de la Revue de défense nationale sur intervention de l’état-major des armées et du cabinet de la ministre Florence Parly. Au nom d’un principe : « on ne parle pas des opérations en cours sans autorisation » au plus haut niveau.
Une remise en cause de la stratégie actuelle
Le propos du colonel est en effet implacable pour la stratégie de la France et de la coalition militaire en Irak. Il vient poser un désaveu ‘technique’ à toutes les démonstrations politiques tendant à prouver que la bataille contre Daech est en passe d’être gagnée. Au passage, il fustige la tactique américaine, et occidentale du zéro perte dans les rangs des militaires, et d’une campagne essentiellement de bombardement qui est particulièrement destructrice.
Daech n’est pas vaincu
L’ennemi (alias Daech) n’a pas été détruit par les frappes aériennes « autant qu’on a bien voulu le faire croire ». Les compte-rendus réguliers d’estimation des pertes ennemies (BDA comme Battle Damage Assessment) sont « impressionnants » mais ils restent « calculés de façon statistique et non par observation visuelle ».
Le mouvement terroriste peut avoir gardé certains forces au chaud. La défaite devenue inéluctable, « il s’est exfiltré vers des zones refuges pour poursuivre la lutte en mode insurrectionnel ne laissant sur place qu’une poignée de combattants étrangers. »
Une illusion de l’efficacité aérienne
La ‘projection de puissance’, « c’est-à-dire la projection de destruction, sans ‘projection de forces’, de soldats sur le terrain ne fonctionne pas » dénonce le colonel. « Elle détruit sans maîtriser la reconstruction et crée le chaos. Il y a une vraie illusion de l’efficience aérienne : certes, elle permet quelques économies initiales mais elle ne conduit jamais au résultat espéré. À la fin des fins, il est toujours nécessaire, d’une manière ou d’une autre, de contrôler l’espace. »
Une stratégie qui fait davantage de victimes civiles pour épargner les militaires
Pire… si la bataille d’Hajin a été gagnée, sur le terrain, elle n’a pas été sans conséquences pour les populations. « En refusant l’engagement au sol, nous avons prolongé inutilement le conflit et donc contribué à augmenter le nombre de victimes au sein de la population. Nous avons détruit massivement les infrastructures et donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l’occidentale laissant derrière nous les germes d’une résurgence prochaine d’un nouvel adversaire. »
Des dommages collatéraux surexploités par Daech
Le mouvement « Daech a su exploiter le moindre succès tactique pour le valoriser et en faire un succès stratégique. De même, les frappes occidentales et leurs dommages collatéraux réels ou fictifs ont aussi été largement médiatisés avec succès. » De quoi s’interroger sur « le décalage des perspectives : là où Daech, dans une vision stratégique, s’adresse aux opinions publiques occidentales, la Coalition, outil militaire sans réelle pensée politique, est contrainte de rester au niveau tactique et ne peut exploiter ses succès dans le champ informationnel avec la même réactivité que l’ennemi ».
Une interrogation stratégique
La façon dont le discours officiel mettant en avant la réduction des poches qui a traîné à une question sur la « stratégie suivie depuis des années. Où est le véritable enjeu ? Détruire Daech ou contenir l’Iran ? » Au final, l’officier s’interroge : « Nous n’avons en aucune façon gagné la guerre faute d’une politique réaliste et persévérante et d’une stratégie adéquate. Combien d’Hajin faudra-t-il pour comprendre que nous faisons fausse route. »
Commentaire : se taire ou débattre
On peut comprendre que le ministère et l’état-major des armées se soit émus d’une remise en cause aussi féroce de l’intervention en Irak, alors que celle-ci n’est pas terminée. Mais le propos est argumenté, et les questions posées sont légitimes. On peut même se demander si cela ne nécessiterait pas un vrai débat, plus large, au sein du parlement national sur les contours de l’intervention française en Irak.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Dans le discours du vice président américain Mike Pence lors de la conférence de sécurité de Münich (MSC 2019), après les mots « … the 45th President of the United States of America, President Donald Trump. » il était prévu des applaudissements.
(crédit : Münich Security Conference 2019)
Du moins, c’est que retranscrit le texte officiel diffusé par la Maison blanche.
La réalité a été légèrement différente. Il y a eu un grand blanc ! Le vice-président en a été réduit à continuer son discours après s’être interrompu quelques secondes le temps de grappiller un ou deux applaudissements sourds dans le fond de la salle, qui n’ont pas vraiment réussi à déchaîner l’enthousiasme…
La différence entre la théorie et la réalité vaut le détour.
Addressing U.S. allies at the Munich Security Conference, Mike Pence is met with silence as he tells the audience: "I bring greetings from the 45th president of the United States of America, President Donald Trump." pic.twitter.com/yr7SNVhCVf
— Axios (@axios) February 16, 2019
Ce qui dans une enceinte acquise à la force du lien transatlantique traduit bien le fossé qui sépare aujourd’hui Europe et États-Unis et le malaise européen à la vue de la politique américaine de Donald Trump.
(NGV)
NB : au passage notons que celui qui pourfend les fake news en est le premier émetteur. Qualifiez d’applaudissements ce qui ressort d’un bide est une ‘fausse information’.
(B2) Berlin insiste régulièrement sur un point souvent oublié dans la rhétorique sur l’armée européenne : la mise en place d’un « Conseil de sécurité de l’UE ». Un point qui mérite un peu d’attention
(crédit : MOD portugais)
Avec mes amis de ‘La faute à l’Europe‘ (J. Quatremer, Y. A. Noguès, K. Landaburu, H. Beaudoin), qui reçoivent ce week-end Michèle Alliot Marie, alias MAM, l’ancienne ministre de la Défense (sous Jacques Chirac) et ministre des Affaires étrangères (sous Nicolas Sarkozy), nous parlons ‘défense’, ‘Europe puissance’ et notamment de ce Conseil de sécurité européen (video).
@bruxelles2 pèse le pour et le contre d’un Conseil de sécurité européen à l’image de @ONU_fr pic.twitter.com/JfbkGh4Kot
— la faute à l’Europe? (@lafautealeurope) 16 février 2019
Une proposition franco-allemande
Cette proposition ne nait pas de nulle part. Elle figurait en dernier lieu dans la déclaration de Meseberg adoptée par les deux dirigeants Emmanuel Macron et Angela Merkel en juin 2018. L’objectif est d’avoir un « débat européen dans de nouveaux formats » et « d’accroitre la rapidité et l’efficacité de la prise de décision de l’Union européenne [en matière] de politique étrangère » (lire : Défense, Sécurité, Migrations, Développement, l’accord franco-allemand de Meseberg).
Une explication merkelienne
Au Parlement européen, en novembre 2018, la chancelière Angela Merkel souligne l’importance d’« une enceinte au sein de laquelle des décisions importantes pourront êtres prises », avec une « présidence tournante » (lire : « Une armée (européenne) montrerait au monde qu’entre (nous) il n’y aurait plus de guerre » (Angela Merkel). Le format serait limité précise-t-on du côté allemand : « un petit cercle d’États se relayant et représentant l’ensemble de l’UE [pour] travailler plus promptement et intensément au règlement des crises en cours. » (1)
Une certaine réserve française
Du côté français, on ne peut pas dire que le projet suscite une grande mobilisation. A l’Élysée, la prudence est de règle : « C’est une idée [de] la Chancelière. Ce pourrait être une proposition commune, mais cela mérite encore [d’être travaillée] » lâche en ‘off’ un Élyséen, à quelques journalistes (dont B2) en novembre 2018. Et d’ajouter : « Nous n’avons pas de détails proposés par le gouvernement allemand : est-ce un forum pour discuter ou pour décider des questions de politiques étrangère ? Ce n’est pas encore une position qui est mûrie. » (3)
Une idée mal perçue dans les milieux européens
Dans les couloirs européens, cette idée est à peine commentée. « Je suis un peu sceptique sur la création d’une nouvelle structure. Est-elle vraiment nécessaire. N’a-t-on pas déjà pas assez de structures » s’interroge un bon connaisseur des questions sécuritaires interrogé par B2, résumant assez bien le sentiment à Bruxelles, perplexe et qui a, à peine, réfléchi sur l’idée.
Un vide béant de réflexion stratégique
Cette proposition répond pourtant à un réel besoin. L’Union européenne souffre aujourd’hui d’un vide béant d’absence de direction politique au plus haut niveau, d’anticipation stratégique et de réactivité en cas de crise majeure. Parler d’autonomie stratégique ou de réflexion sans avoir une instance capable de décider est un leurre.
Des leaders européens absents collectivement
Certes, en théorie, le Conseil européen doit se pencher une fois par an au minimum sur les grandes questions de sécurité. Mais cette disposition du Traité de Lisbonne est restée plutôt lettre morte. Force est de constater que ces dernières années, sur toutes les crises majeures — Libye, Syrie, Irak, Ukraine, crise migratoire, coup d’état en Turquie, etc. — les Chefs d’État et de gouvernement européens, collectivement, ont été ‘à la ramasse’.
Un manque d’anticipation certain
Pour en attester, il suffit de reprendre la liste des crises récentes. Les 28 ont-ils à la veille de signer l’accord d’association avec l’Ukraine clairement évaluer les conséquences de cet acte sur les relations avec la Russie, donner leur accord en bonne et due forme ? Ont-ils planifié un dispositif de gestion de crise soit diplomatique, soit militaire en cas d’intervention russe (largement prévisible) ? Lors de la déroute du printemps arabe en Syrie, ont-ils anticipé la crise des réfugiés et des migrants à venir ? Après l’intervention franco-britannique en Libye, qui laisse un pays déchiré et un État failli, ont-ils envisagé et débattu de la solution à apporter à la crise, en commençant par résoudre leurs différents ? Lors du coup d’état en Turquie, y-t-a-il une réunion de crise par rapport à un pays le plus proche ? Non, non !
Des questions posées trop vite abordées
Au mieux, les ‘Leaders’ ont discuté une ou deux heures pour s’accorder sur les traitements collatéraux de la crise (rupture des liens diplomatiques, aide humanitaire, sanctions…). La plus longue discussion dans ces dernières années a été consacrée à définir l’intensité des sanctions mises en place sur la Russie. Mais rarement pour tenter de résoudre leurs différends, trouver des solutions ou bâtir des feuilles de route. Au pire, ils ont préféré ne pas trop se pencher sur la question.
Une réforme facile à mettre en place
Si l’on met de côté certains aspects proposés par A. Merkel, avoir un conseil de sécurité de l’Union européenne est possible dans le cadre existant.
Pas de modification de traité
Ce projet ne nécessite pas de modification des traités constitutifs. Il suffit juste de changer les usages. On peut décider (par exemple) de consacrer une demi-journée lors de chaque Conseil européen aux grandes questions internationales ou (autre exemple) dédier une de ses quatre réunions annuelles aux questions internationales. Il serait même possible de tenir une ou deux fois par an un Conseil européen informel dans un pays tournant (permettant à un chef de gouvernement de coprésider la réunion).
Juste changer les usages
Rien n’empêche d’ailleurs quelques pays plus proches en matière d’approche sécuritaire — France, Allemagne, Belgique, Espagne, Italie — de tenir régulièrement des conciliabules préparatoires à l’image des réunions G6 des ministres de l’Intérieur (un petit cercle conjoint). Rien n’empêche aussi de joindre à ces réunions des Chefs, une réunion parallèle des ministres de la Défense ou des Affaires étrangères, voire des ambassadeurs, pour mettre en musique immédiatement les mesures décidées par les Chefs. Toutes ces dispositions, tout à fait possibles dans les traités existants, permettraient de se rapprocher du modèle prôné par A. Merkel.
Un dispositif diplomatique et technique prêt à répondre
Au-dessous du niveau politique, le dispositif européen en cas de crise est plutôt complet et prêt à travailler. On a ainsi des ambassadeurs des 28 (le Comité politique et de sécurité), qui siègent en permanence à Bruxelles, avec au minimum deux réunions par semaine (sans compter les petits déjeuners, gouters et autres diners informels) permettant d’échanger et affiner des positions communes. En cas d’urgence, une réunion du COPS peut être improvisée. Ces diplomates, discrets mais parfaits connaisseurs de leurs sujets, sont tenus d’être là, 24h/24 sur le pont. J’en ai été témoin à plusieurs reprises. Des réunions ont eu lieu le dimanche, au mois d’août, à 6 heures du matin ou à 22 heures le soir.
Un dispositif de veille et d’analyse
On a aussi un dispositif de veille du renseignement (l’IntCen) (dirigé aujourd’hui par un Allemand ancien des services de renseignement) qui produit régulièrement des notes d’analyses. Ces notes — environ 1400 par an — sont plutôt bien appréciées de leurs destinataires, selon mes informations. On peut ajouter à cela des dispositifs de réaction de crise — cellule de protection civile à la Commission européenne, état-major militaire de l’UE (EUMS), commandement des missions civiles (CPCC) etc. — qui existent et ne demandent qu’à produire des résultats. Tous ces dispositifs peuvent au besoin être renforcés et rendus plus performants.
(Nicolas Gros-Verheyde)