(B2 – exclusif) En pleine polémique sur le rôle des ONG dans les secours aux migrants en Méditerranée, il peut être très intéressant de revenir sur l’incident qui a opposé en mer le 6 novembre le navire de l’ONG allemande Sea-Watch et un navire des gardes-côtes libyens. Un incident fondateur selon les éléments parvenus en notre possession
Cet incident est en effet symptomatique de l’incompréhension existant entre d’un côté les garde-côtes qui estiment faire leur travail et les ONG qui cherchent à arracher des migrants à leur sort. Et la version des garde-côtes libyens et de la force européenne, dont B2 a pu avoir un résumé, diffère légèrement de celle des ONG. En lisant les deux versions (lire : 5 morts au large de la Libye. Les garde-côtes libyens mis en accusation), on arrive ainsi à se faire une idée plus précise de la situation, de la différence de points de vue et des difficultés auxquelles se heurtent les uns et les autres.
Que s’est-il passé ?
Un avion portugais en repérage
C’est un avion P3 Orion portugais de l’opération européenne Sophia qui est le premier à survoler la zone et le canot pneumatique, où sont les migrants. Mais il doit rapidement s’éloigner car il est à court de carburant (il est intervenu en fin de mission de survol). Avant de quitter les lieux, il balance cependant ce qu’on appelle « des kits Search and Rescue » (bouées de sauvetage) à la mer.
Premier sur zone, le patrouilleur libyen
C’est le patrouilleur de la garde-côte libyenne qui est le premier navire à arriver sur la zone, tandis que le navire de l’ONG Sea-Watch 3 arrive ensuite. Les garde-côtes du Ras Al Jadr (qui porte le numéro de coque 648) observent d’abord la scène, augmentant leur distance du lieu de l’incident avant de revenir sur place alors que le navire de l’ONG et le navire de la marine française Le Premier maître l’Her se rapprochent.
Désigné comme coordinateur des secours
Le navire de patrouille libyen est désigné par la salle d’opération libyenne (NB : qui fonctionne avec le soutien italien et européen) comme « coordinateur des secours sur zone » (On Scene Coordinator, selon la terminologie maritime). Mais le Sea-Watch 3 a déjà commencé les opérations de sauvetage, malgré l’ordre des garde-côtes de rester à l’écart, pour ne « pas déstabiliser » les secours.
Les migrants sautent à l’eau pour ne pas retourner en Libye
L’inévitable se produit alors, dès que le navire de l’ONG intervient. Plusieurs migrants préfèrent sauter à l’eau, soit du navire des garde-côtes, soit du canot pneumatique, plutôt que d’être secourus par les Libyens et d’être obligé de retourner à leur point de départ. Une situation logique : « ils ne veulent pas être secourus par la garde côtière libyenne [car] ils ne veulent pas retourner en Libye » confirme un gradé européen. Le navire des garde-côtes intervient pour secourir les naufragés, tout comme le navire de l’ONG. Avant la fin du sauvetage, il fait, tout d’un coup, demi-tour quittant les lieux. Le navire français Le Premier maitre l’Her intervient sur les lieux pour secourir des émigrants restant dans l’eau et un certain nombre de cadavres.
Une situation chaotique à bord
Explication : la situation à bord devenait proprement « chaotique », avec un peu moins de 50 personnes sur le bateau qui criaient, contre les garde-côtes. Ce n’était « pas facile à gérer et à contrôler avec seulement quelques membres d’équipage ». Les migrants récupérés à bord, qui avaient vu le navire de l’ONG, « étaient devenus nerveux, ne voulant pas suivre les instructions de l’équipage et sautant à l’eau ».
Au bilan, le Sea-Watch 3 a récupéré 54 personnes et un enfant décédé (il ne pourra être réanimé), le navire des garde-côtes a récupéré 47 naufragés, tandis que le navire de la marine française récupère 3 migrants et les corps de 4 personnes décédées. En tout 104 rescapés et 5 décès.
Quelles leçons en tirer ?
Des défaillances graves des Libyens
Une explication de gravure a lieu le lendemain à Tunis entre les Européens et les Libyens. Car dans les faits, il semble bien y avoir eu plusieurs défaillances successives des garde-côtes libyens. Plusieurs éléments sont recensés par le contre-amiral Credendino, dans un rapport transmis à Bruxelles : le manque d’équipement, l’absence de procédures vraiment claire face à un cas d’urgence, le manque de communications fiables entre la salle d’opération libyenne et le bateau de patrouille, désigné ‘coordinateur’, et entre ce dernier et tous les acteurs sur la zone. Enfin, fait non négligeable, les garde-côtes ne parlent pas anglais. Ce qui entraîne nombre d’incompréhensions (2).
Une explication de gravure sur le rôle du commandant
Dans l’espèce, le comportement du commandant du Ras al Jadr semble particulièrement en cause. Un commandant, précisons-le, qui n’a pas fait partie des hommes et officiers ayant été formés par les Européens (lire : Combien de garde-côtes libyens ont été formés par les Européens ?). Au point que lors d’une conversation avec son homologue de la garde-côte libyenne, Credendino demandera que des sanctions disciplinaires soient prises à titre d’exemple (3).
D’énormes difficultés avec les ONG
Du côté libyen, on fait mea culpa : on reconnait qu’il y a des défaillances, notamment dans le « comportement professionnel » des marins, dans le commandement comme une certaine inorganisation dans la salle d’opération et de commandement des garde-côtes. Mais le commandant des garde-côtes Toumia souligne aussi les « énormes difficultés » rencontrées pour agir comme « coordinateurs » de sauvetage avec la présence de navires des ONG.
Un point qui sera évoqué très régulièrement entre Libyens et Européens ou Italiens, et entre Européens même. Ce qui provoquera une réaction italienne entamée bien avant Matteo Salvini (lire notre dossier) et sera portée au Conseil européen essentiellement par… les Maltais (lire : Face aux migrations, les 28 adoptent une nouvelle approche basée sur le blocage des frontières).
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Précisions qu’une partie de l’équipage (8 sur 13) seulement avait été formée par les Européens dans le cadre de l’opération EUNAVFOR MED / Sophia, le commandant du navire notamment n’ayant pas été formé par l’opération.
(2) Un point relevé dans un autre incident, où il a fallu l’intervention d’un navire marchand pour assurer la traduction entre l’arabe et l’anglais et que la situation s’apaise.
(3) Un commandant de navire a été l’objet de mesures disciplinaires a-t-on appris ultérieurement.
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(B2) Une patrouille conjointe de l’opération Barkhane et des forces maliennes a été victime d’une attaque à Gao, dans le nord du Mali, ce dimanche (1er juillet).
Les IED sont un risque majeur au Mali. Ici formation dans le cadre de l’opération Koufra III d’une section de militaires maliens à la détection d’IED par un détachement du 6ème Régiment du génie (archives B2 / Crédit : DICOD / EMA)
Un véhicule suicide
Selon les premières informations, une voiture suicide a explosé à côté de plusieurs véhicules français blindés légers en patrouille conjointe avec leurs collègues maliens, alors qu’il passait près du lycé de Gao.
Le souffle de l’explosion « a été particulièrement important au point de détruire deux blindés » rapporte Nord Sud un journal en ligne malien. De nombreux civils ont été blessés, l’hôpital de Gao en aurait reçu 16, dont deux sont déjà décédés.
Du côté français, le bilan exact est encore à préciser. « Il n’y a pas de mort parmi les soldats français », a déclaré à l’AFP le colonel Patrik Steiger, porte-parole de l’état-major français des armées, démentant ainsi une première information qui avait circulé.
En revanche, plusieurs militaires de Barkhane pourraient avoir été blessés, sans qu’on sache encore précisément leur nombre et la gravité des blessures (1).
L’arrivée de renforts européens attendus
Cette attaque survient alors que l’opération Barkhane va recevoir, pour la première fois, le renfort de deux pays européens : le Royaume-Uni avec des hélicoptères Chinook et les Estoniens avec une soixantaine d’hommes (lire : Des Estoniens en soutien aux Français de Barkhane à Gao).
Cela n’est pas un très bon signe de la stabilisation dans le nord et le centre du pays. L’inquiétude est de mise surtout dans la région Centre, vers Mopti-Sévaré (lire : La situation sécuritaire au Mali : plutôt difficile), mais aussi dans les villes de Gao et Tombouctou qui abritent des garnisons de la Minusma ou maliennes souvent prises pour cible (lire : La MINUSMA victime à Tombouctou d’une attaque terroriste complexe. Des Français touchés).
Le QG du G5 Sahel pris pour cible
Il y a deux jours, vendredi (29 juin), le QG de la force conjointe du G5 Sahel à Sévaré (région centre) avait été attaqué, faisant deux morts parmi les soldats maliens, ainsi qu’un civil, et « occasionnant également des dégâts matériels importants » selon le communiqué officiel du gouvernement malien. Trois attaquants avaient également été tués, portant le bilan total à six morts.
(NGV)
(1) Les armées françaises ne communiquent sur un bilan éventuel qu’une fois les blessés stabilisés et les familles averties.
Lire notre fiche sur l’opération Barkhane
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