(B2) La mise en place de cet instrument de troc (ou SPV comme Special purpose vehicle) par les Européens ne doit pas être négligée. Cette création est importante à plus d’un titre
Certes, cela n’a pas été facile et cela a demandé quelques longues semaines de discussion. Certes, cet instrument commence ‘petit’, par des secteurs plutôt non stratégiques. Certes, on peut se demander si cela suffira à conserver suffisamment de flux commerciaux avec l’Iran. Mais il faut remettre le tout dans un contexte.
A partir de rien, et en restant unis
C’est la première fois qu’on bâtit un instrument de troc à partir de rien, en multilatéral. Un certain nombre de questions juridiques, économiques, étatiques était à régler. C’est logique. L’avoir fait, en un temps somme toute rapide, est remarquable d’une certaine façon. Avoir réussi à garder l’unité des trois grands pays (les franco-allemands, et britanniques) qui auraient pu avoir d’autres motifs de division (le Brexit), comme de l’ensemble des Européens n’est pas négligeable également.
Garder l’accord iranien vivant
Ce geste revêt aussi une double symbolique. Tout d’abord vis-à-vis de l’Iran. Les Européens du E3 marquent ainsi concrètement qu’ils entendent conserver toute la valeur à l’accord sur le nucléaire iranien en faisant leur part de travail : faciliter les flux commerciaux dans les domaines non marqués par les sanctions. L’ambition de continuer à faire vivre l’accord sur le nucléaire iranien est d’ailleurs l’objectif ultime des Européens.
Un bras d’honneur à Donald Trump
Enfin, et surtout, c’est la première fois que les Européens, ensemble, mettent en place un outil délibérément destiné à contourner des sanctions américaines. C’est une certaine entaille à la politique de sanctions extra-territoriales des États-Unis, qui ne date pas du gouvernement actuel. C’est une marque précise, non plus seulement en paroles mais dans les faits, d’une opposition claire à la politique étrangère américaine sur une question stratégique (les relations avec l’Iran) (1). S’opposer de façon aussi délibérée sur une question stratégique, c’est un petit bras d’honneur à Donald Trump. On ne boudera pas donc ce (petit) plaisir.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire à suivre : Instex, l’instrument destiné à contrer les sanctions US est en place. Mais pas encore tout à fait opérationnel
(B2) La décision avait été formalisée par les 28, le 8 juin 2018. Depuis janvier 2019, c’est chose faite : la mission EULEX Kosovo est à présent dépourvue de son pouvoir exécutif. Les derniers dossiers judiciaires et de police ont été remis aux autorités kosovares en décembre 2018
(crédit: EULEX Kosovo)
Après avoir contribué au respect de l’État de droit au Kosovo pendant plus de 10 ans, EULEX Kosovo tourne une page importante de son histoire. Entre juin et décembre 2018, le personnel d’EULEX Kosovo s’est chargé de préparer la remise des dossiers judiciaires et de police aux autorités locales. Cela a impliqué la révision de tous les dossiers, l’organisation des documents par ordre chronologique, la mise au point d’index, la traduction en albanais et en serbe, la préparation de notes de transfert et la rédaction de résumés, destinés aux parquets kosovars.
Au total, ce sont 495 dossiers de police concernant le crime organisé, 434 dossiers concernant des crimes de guerre, des personnes disparues, et enfin, plus de 1.400 dossiers de poursuites judiciaires, qui ont été transférés à la police et à la justice kosovares.
Conformément au nouveau mandat de la mission, EULEX n’incorpore plus de procureurs ni de juges au sein du système judiciaire Kosovar. La mission se voit ainsi dépourvue de tout prérogative exécutive en matière judiciaire, exception faite de quelques compétences résiduelles. EULEX se contentera à présent de suivre certains dossiers, d’accompagner et de soutenir les institutions kosovares, mais plus de les conseiller ni de les encadrer. Son mandat actuel prendra fin le 14 juin 2020.
( MHA)
Lire aussi : La mission EULEX Kosovo émasculée. Son mandat d’action revu a minima
(B2) L’heure de vérité se rapproche pour l’opération Sophia. Réunis en ‘informelle’ à Bucarest dès ce soir et demain, les ministres de la Défense de l’Union européenne doivent trancher dans le vif
Relève des militaires espagnols (crédit : EUNAVFOR Med / Sophia)
Les ministres sont-ils prêts à aller au-delà du langage convenu maints fois entendu — l’opération est ‘très utile’ —. Concrètement sont-ils prêts à continuer à envoyer des moyens (navires, avions…) pour l’opération maritime présente en Méditerranée (EUNAVFOR Med / Ops Sophia) ? Après le demi-départ des Allemands, la question est cruciale. Il ne reste, en effet, concrètement plus que les marines italienne, espagnole (et française de façon irrégulière) à fournir des navires. Et la volonté italienne semble chancelante. Or, sans navire, pas d’opération maritime. Inutile de se le cacher…
Ouvrir franchement le débat
La chef de la diplomatie européenne, l’Italienne Federica Mogherini, devrait ainsi poser franchement la question principale sur la table aux ministres : soit vous contribuez à hauteur des objectifs de l’opération, soit on ferme ! De là pourrait dérouler un débat. Si oui, qui est prêt à contribuer concrètement ? Comment trouver une solution sur la question (insoluble) du port de débarquement ? Doit-on revoir le mandat ?
Si non, que fait-on pour continuer d’assurer la formation des garde-côtes et marins libyens, qui est aujourd’hui l’apport principal de l’opération, la solution de sortie et l’objectif principal des Européens ? L’opération (alternative) de l’OTAN en Méditerranée assure-t-elle le relais pour la surveillance de l’embargo sur les armes ? (1)
Une décision purement politique
Si l’hypothèse de la fermeture l’emporte, ce serait la première fois (à ma connaissance) qu’une opération militaire serait ainsi interrompue, sans décision mûrement réfléchie, sur une difficulté politique interne à l’Union européenne, qui a peu à voir avec l’objectif défini au point de vue militaire.
Une opération qui n’a pas démérité
Si on prend un peu de recul, l’opération Sophia n’a pas démérité. Les officiers, les marins, les aviateurs qui ont, depuis près de quatre ans, été sur le pont (ou dans les airs) ont fait le ‘job’ de manière admirable, dans des conditions pas faciles. Les objectifs de l’opération ont, pour partie, été atteints (diminution du flux migratoire…), même si d’autres éléments ont pesé dans la balance (accord italo-libyen pour limiter les départs) pour améliorer le bilan. Et atteindre les autres objectifs (la lutte contre les trafiquants dans les eaux territoriales libyennes) est impossible à atteindre à court comme à moyen terme.
…mais dont l’effet final recherché est inatteignable
Certains raisons qui ont milité, au départ, pour sa mise en place (sauvetage en mer, lutte contre les trafics) peuvent perdurer, mais le consensus politique n’est plus du tout réuni : l’heure en Europe n’est plus à la générosité, mais à la fermeture stricte des frontières. Le reste à atteindre (la formation des garde-côtes libyens) peut fort bien être assuré par une autre mission (EUBAM Libya par exemple).
Commentaire : L’Union européenne doit savoir mettre fin à certaines opérations ou missions qui n’ont plus d’apport actif ou de raison d’être. Ce n’est pas honteux ni infamant. Et c’est, dans tous les cas, meilleur que de laisser une opération ‘mourir sur pied’, faute de moyens.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : ‘Ite missa est’ pour l’opération Sophia ?
(B2) Le septième SHADE MED (Shared Awareness and De-confliction in the Mediterranean Sea), a eu lieu les 23 et 24 janvier 2019. L’objectif reste le même depuis le début de ce forum qui réunit les principaux acteurs maritimes présents en mer : les enjeux à une collaboration efficace en Méditerranée. Organisé par l’Opération SOPHIA, le forum a été hébergé à la base naval Francesco Baracca, à Rome, réunissant des représentants de différents pays, d’agences européennes et organisations internationales et professionnels maritimes, qui œuvrent pour la sécurité maritime dans la Méditerranée centrale.
(MHA)