« On est jamais allé aussi loin et de manière aussi explicite dans le rapprochement en matière de défense », considère l'Élysée à propos de la signature mardi 22 janvier à Aix-la-Chapelle (Aachen) du nouveau traité conclu entre la France et l'Allemagne, cinquante-six ans après le précédent, qui inclut une clause de défense mutuelle et de grands programmes communs d'équipement.
- Défense en ligne / Allemagne, France, Défense, Armée, Relations internationales, Coopération(B2) L’Elysée, comme la Chancellerie dans une moindre mesure, ont fait montre d’une certaine maladresse dans leur communication sur le traité franco-allemand signé ce mardi (22 janvier) à Aix-La-Chapelle
Au lieu de diffuser le Traité dès qu’il était finalisé ou adopté, Paris et Berlin ont trainé à publier le texte. Ils ont préféré tout d’abord en vanter le contenu dans des communiqués, avec quelques phrases toutes en emphases, soulignant combien le couple franco-allemand était beau et merveilleux. Deux communiqués publiés le 8 janvier par l’Elysée et le 9 janvier par la Chancellerie en témoignent (1). Il a fallu attendre encore une bonne semaine pour voir le texte publié (vendredi 18 janvier dans l’après-midi).
A l’heure du manque de confiance dans les médias et les politiques, et de l’internet tout puissant, cela a laissé le champ libre à toutes les idées farfelues. La rumeur fantasmagorique de la mise sous tutelle allemande de l’Alsace Lorraine — une grosse blague de potaches — ou celle du partage du siège français au Conseil de sécurité — une interprétation déformée — ont ainsi trouvé un terreau d’autant plus facile que le texte original n’était pas disponible.
Ce retard est inexcusable. C’est non seulement une erreur, c’est une faute politique, un manque certain de vertu démocratique. Tout cela pour réussir un petit coup de com’. Le couple franco-allemand aurait mérité un peu plus de considération de la part de ses dirigeants.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) B2 a dès ce moment là produit une première publication in extenso des articles ayant trait à la défense et à la diplomatie, à partir d’une version allemande ‘tombée du camion’ (lire : Politique, diplomatie, défense, les premiers éléments du traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle).
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(B2) En 2003, l’opération Artémis mettait fin à la crise qui sévissait alors en Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Quinze ans après cette expérience unique, quelles leçons en tirer ? Opinion du général Buchsenschmidt
Une section du 3e RIMa (régiment d’infanterie de marine), s’installe sur le poste Mogador pour contrôler les accès du nord-est de la ville de Bunia (crédit : ECPAD / Thomas Samson)
Sous la bannière européenne, une force multinationale dont la France fournissait l’essentiel des éléments avait assuré, manu militari, la sécurisation des camps de déplacés (7000 personnes), la remise en route de l’aéroport de Bunia, ainsi que la protection des populations civiles et des personnels de la mission de l’ONU et des organisations humanitaires. Elle a en outre contribué, au travers d’une « approche globale », à éviter une crise humanitaire.
L’engagement de la force de l’Union européenne (UE) mettait un terme à des mois de luttes sanglantes entre les ethnies Hema et Lendu. Cet engagement était de plein droit légitimé par la résolution 1484 des Nations unies, datée du 30 mai 2003. Dans la foulée, le 12 juin 2003, à l’issue d’un processus décisionnel inhabituellement « ramassé », le Conseil européen prenait formellement la décision d’intervenir en Ituri.
Au préalable, une équipe de planification multinationale et pluridisciplinaire avait élaboré un plan d’opération, approuvé par l’UE dès le 5 juin 2003… Ce plan consistait à mettre sur pied et à déployer à bref délai une force multinationale intérimaire, chargée de créer les conditions nécessaires et suffisantes à la reprise en main de la région par la mission de l’ONU (MONUC).
En prélude au déploiement du gros des troupes, un détachement d’avant-garde fut déployé à Bunia dès le 6 juin 2003. L’ensemble du contingent Artémis (de l’ordre de 2000 hommes et femmes) s’installa dans la foulée, d’une part à Bunia (centre de gravité de l’opération), sous la forme d’un Groupement Tactique Interarmes Multinational (GTIAM) et d’autre part à Entebbe (Ouganda), sous la forme d’une Base de Soutien à Vocation Interarmées (BSVIA). Le 6 septembre 2003, avec le sentiment légitime du devoir accompli, l’UE passait le témoin à la MONUC.
Premièrement, Artémis est la première opération militaire de l’UE sur le continent africain, là où l’OTAN manque cruellement d’expertise et de volonté politique. A n’en pas douter, la connaissance du terrain par des nations comme la France, la Belgique et le Royaume-Uni notamment, a contribué à mobiliser l’opinion européenne. La Force intervenait sous le couvert du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, ce qui lui conférait, outre une indiscutable légitimité, un mandat robuste, condition sine qua non d’une intervention fructueuse dans une région particulièrement instable.
Deuxièmement, le triangle d’or ‘ONU – Union européenne – Nation cadre’ a payé, grâce à la stricte séparation des tâches dévolues aux trois acteurs…
Troisièmement, la lourdeur des processus décisionnels en matière de politique extérieure européenne est souvent pointée du doigt, à juste titre au demeurant. Avec Artémis, la preuve est faite, néanmoins, que dans des circonstances précises et dans un climat d’extrême urgence, l’ensemble des organes de décision de l’UE peut faire œuvre d’une remarquable réactivité, résultat d’un indéniable pragmatisme et d’une faculté d’anticipation qui force l’admiration.
Quatrièmement, au niveau politique, l’excellente collaboration entre trois des ténors de l’époque : Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, Javier Solana, Haut représentant de la Politique étrangère et de sécurité commune de l’UE et Aldo Ajello, envoyé spécial de l’UE pour la Région des Grands lacs.
Cinquièmement, la désignation d’une nation-cadre s’est avérée payante. A fortiori lorsque dans le cas présent, c’est à la France qu’échut l’honneur de prendre les rênes du processus, compte tenu de sa connaissance du contexte africain en général et de celui de la RDC en particulier, mais aussi du fait de la disponibilité à très court terme d’éléments de commandement et de combat.
Sixièmement, la relative simplicité de la chaîne de commandement. Au niveau stratégique, le Comité politique et de sécurité (COPS), coiffant le Comité militaire de l’Union européenne (EUMC), lui-même assisté pour les aspects techniques par l’Etat-major militaire de l’Union européenne (EUMS). Au niveau de l’exécution, le général de division (FRA) Neveux, à la tête d’un Quartier-général opérationnel (OHQ) basé à Paris, coiffant le général de brigade (FRA) Thonier, Force Commander, basé à Bunia.
Septièmement, Artémis était une opération purement Union européenne (avec certes la participation de nations non européennes telles que le Brésil, le Canada et l’Afrique du Sud), indépendamment de toute intervention de l’OTAN. Une première, même si ceci souleva quelques difficultés.
Huitièmement, une clé du succès, contre toute attente : la multinationalité, avec pas moins de 17 pays européens, augmentés des nations non-européennes déjà mentionnées. Bien sûr, chacun contribua à sa façon, avec plus ou moins de restrictions (« caveats »). Il n’empêche que réunir autant de partenaires – dont les intérêts stratégiques ne sont pas nécessairement convergents – a constitué une performance hors norme.
Neuvièmement, immanquablement, Artémis a mis en évidence quelques faiblesses bien connues, et toujours d’actualité en 2018 : coopération timide en matière d’échange de renseignement, manque de standardisation des équipements, insuffisance de moyens de transport stratégique, etc.
Dixièmement, de novembre à décembre 2004, j’ai personnellement conduit une mission d’évaluation de la 1ère brigade « intégrée » congolaise à Bunia. Une brigade formée à Kisangani puis déployée à Bunia par les Forces armées belges. A l’époque, déjà, l’insécurité reprenait le pas sur la stabilisation. La leçon est simple : pacifier et « normaliser » une zone de conflit n’a rien de simple en soi. Mais il faut s’inscrire dans la durée. A défaut, toute l’énergie et tous les moyens investis ne résistent pas aux vicissitudes du temps qui passe…
Conclusion
Tant sur le plan politique que sur le plan diplomatique, les succès de l’opération Artémis sont indiscutables et ont vraisemblablement inspiré les concepteurs des « battlegroups de l’UE » (EUBG). Sur le terrain, la situation sécuritaire reste précaire, pour ne pas dire très instable. En cause, malheureusement, l’incapacité de la MONUSCO (ex-MONUC) à utiliser toutes les ressources du Chapitre VII de la Charte de l’ONU. En cause également, le manque de volonté de l’UE d’inscrire le succès militaire dans la durée, en lui substituant, main dans la main avec l’ONU, un processus de coopération au développement pérenne.
Quant aux battlegroups, force est de constater que si l’outil militaire est performant, la volonté du monde politique de l’utiliser fait cruellement défaut. Mais ceci est une autre histoire…
(Guy Buchsenschmidt)
Ancien commandant de l’Eurocorps, vice-président de la Société européenne de défense. Il a été de 2003 à 2005 chef de la section « Evaluation and Lessons Learned » de l’état-major belge
Développée aux États-Unis dans les années 1950, la fabrication de neige artificielle s'est répandue en Europe depuis une trentaine d'années. En France, la neige de culture, utilisée sur 120 hectares au milieu des années 1980, s'étendait en 2005-2006 sur plus de 4 500 hectares, soit 18 % de l'ensemble du domaine skiable. Depuis, l'industrie de l'or blanc n'a cessé de mettre de nouvelles installations en service, menaçant l'ensemble du cycle hydrologique naturel, et désormais jusqu'à la production d'eau potable.
- Carnets d'eau / Eau, Gestion de l'eau, Technologie, Environnement, Écologie, Loisirs, TourismeJean-François Gayraud s’est fait connaître par son analyse de la criminalité du capitalisme, avec notamment un remarquable ouvrage sur « Le nouveau capitalisme criminel » (Odile Jacob, 2014). Il poursuit son œuvre en reprenant une approche similaire, celle de l’accord des contraires, mais cette fois-ci dans un contexte très différent : il évoque la convergence voire la fusion entre la criminalité et les luttes politiques, souvent terroristes. Il désigne ce phénomène sous le nom de « Théorie des hybrides » qui justifie le nom de l’ouvrage. (NB : Fiche de lecture publiée dans le numéro de janvier de la RDN)
Celui-ci est articulé en sept chapitres de taille inégalée, augmentés d’un important appareil de notes (plus de 35 pages) et de 3 annexes. Les trois premiers chapitres décrivent le phénomène et tentent de le conceptualiser, quand les quatre derniers, rassemblés sous une partie intitulée « Géopolitique de l’hybridation », visent à appliquer la théorie à une série de cas.
Le propos central du livre consiste à dire que les catégories que nous croyons étanches, celle du criminel et celle du terrorisme, ne le sont en fait plus et qu’il’ y a convergence voire fusion. Un criminel va de plus en plus utiliser des motifs politiques pour camoufler ses méfaits, un terroriste utilisera de plus en plus de pratiques criminelles à la fois par similitude de pratiques (clandestinité, hors la loi) que pour des raisons de financement opaque. Dès lors, notre approche traditionnelle n’est plus valide et explique pourquoi nous échouons à traiter ces phénomènes : nous n’en voyons qu’une partie, abandonnant à d’autres ce que nous croyons leur appartenir et ignorant une vision globale qui seule permettrait de traiter le problème.
De multiples exemples viennent ainsi appuyer la démonstration : que ce soit les zones peu contrôlées (Sahara, Sahel) ou des Etats fragiles ou faillis ou corrompus (piraterie somalienne, Mexique des cartels, trois frontières d’Amérique du sud, Asie centrale, sans même parler des multiples zones désagrégées du Moyen-Orient), partout on observe la même convergence : des criminalités organisées deviennent des problèmes politiques, voulant maîtriser des territoires à l’abri de l’autorité d’Etats défaillants ; ou des groupes soi-disant terroristes sont fondés principalement sur des moyens criminels.
Le propos est convaincant, appuyé de nombreuses références et décrit les caractéristiques du nouvel environnement chaotique. Chacun sait que le monde westphalien n’est plus aussi dominant et que les frontières s’effacent. Mais elles ne s’effacent pas qu’entre territoires, elle s’effacent aussi entre catégories : intérieur et extérieur, défense et sécurité, criminalité et terrorisme, politique et économique, etc. La théorie des hybrides décrit cette hybridation qui est désormais non l’exception, mais le champ commun.
L’ouvrage est convaincant et apporte énormément. On a ainsi apprécié le chapitre 5 sur « le djihadiste en voyou de banlieue » ou encore le chapitre 2 (« L’hybride est l’irrégulier de l’ère du chaos »). Ainsi, au lieu de seulement constater, l’auteur veut théoriser, seul moyen selon lui de trouver les moyens de traiter le monde nouveau.
On a en revanche moins apprécié quelques traitements rapides : ne discuter le concept de « guerre hybride » qu’en une demi-page est pour le moins leste, même si nous sommes par ailleurs nombreux à ne pas avoir été convaincu de la notion lorsqu’elle a été proposée il y a quatre ans : pourtant, elle demeure un concept encore discuté par les spécialistes des relations internationales et de stratégie. De même, n’évoquer le cyberespace qu’en une page et demie est là aussi court, même si les principes y sont. L’auteur semble pressé d’aller à sa conclusion et ne fait que signaler un champ qui ne lui semble pas contradictoire. Enfin, le dernier chapitre sur le Hezbollah semble moins convaincant : en l’espèce, il nous paraît plus s’agir d’un proto-Etat que d’un hybride.
Là est au fond la limite de ce livre stimulant : celui de proposer une théorie générale qui ne laisse pas assez de place à des exceptions. Celles-ci sont-elles encore les buttes témoins de l’ancien monde ou présagent-elles d’autres circonstances ? Autrement dit, l’hybride est-il notre seul horizon ou simplement un horizon dominant ? Il y a là un léger manque de nuances qui affaiblit peut-être la conclusion, même si l’approche est particulièrement utile à la compréhension de l’environnement contemporain.
Jean-François Gayraud, Théorie des hybrides, terrorisme et crime organisé, CNRS éditions, Paris, 2017
O. Kempf
(B2) Malgré le pessimisme ambiant, la situation n’est pas pire qu’il y a un an. 2018 a été une année de tensions, avec de nouvelles problématiques diplomatiques soulevées notamment par le président Trump. Pourtant, il y a eu des avancées, avec la conclusion d’accords, parfois historiques, comme en Macédoine ou dans la Corne de l’Afrique. Pour ne pas sombrer dans un pessimisme ambiant, mais en restant réaliste, petit tour d’horizon.
Des ilots d’espoir dans le monde
Dans la Corne de l’Afrique, un mouvement historique semble s’amorcer avec l’accord de coopération Erythrée-Ethiopie-Somalie signé en septembre, suivi d’un accord de paix entre les deux frères ennemis éthiopien et érythréen. Dans le Golfe, un accord s’est fait en décembre à Stockholm entre les parties yéménites ; accord très fragile, qui a peu de chances de s’émanciper, mais il s’agit d’un premier accord.
En Syrie, la guerre civile interminable semble amorcer une dernière phase, certes sinistre, dans laquelle la communauté internationale accepte, à demi mot, que la solution devra inclure Bachar al Assad, en passe d’achever la reconquête d’une bonne partie du territoire avec l’aide des alliés Russes et Iraniens. Le trio russo-turco-iranien qui gère désormais le processus à la fois militaire et politique a, contrairement aux augures négatifs, tenu la corde et 2019 pourrait amorcer la fin d’un conflit quasi décennal. La Syrie, exclue de la Ligue arabe en 2015, reprends les contacts avec les pays musulmans, qui semblent disposés
L’accord entre la Macédoine et la Grèce, pour rebaptiser le premier en « République de Macédoine du Nord » a été ratifié par le parlement macédonien ce 11 janvier 2019. S’il est ratifié par les Grecs, il supposera une avancée historique qui permettra au pays d’entrer dans le club de l’OTAN (et à long terme dans l’UE) et d’insuffler un air de pacification dans la région.
En Amérique latine, plus de deux ans après sa signature, l’accord de 2016 avec les FARC semble tenir en Colombie, malgré l’élection d’Ivan Duque (en juin 2018), très critique avec l’accord.
Côté gris, stabilisation et perspective de paix
L’accord nucléaire avec l’Iran, malgré la défection américaine, tient encore, pas pour longtemps peut-être, mais il tient. L’Europe est ici mise au défi de réussir son pari, risqué, de créer le « special purpose vehicule » pour soutenir les entreprises européennes et leur permettre de contourner les sanctions américaines.
En Afrique, les pays du Sahel (Niger, Mali,…) ont tenu bon. Mais l’offensive des groupes rebelles et terroristes, si elle est contenue, est loin d’être réduite. Elle s’étend même au Burkina Faso désormais. Et la montée en puissance du G5 Sahel est lente, très lente… La situation pourrait également se compliquer avec l’organisation d’élections législatives et présidentielles au Mali, en avril. Le Nigéria aura également des élections législatives le 16 février prochain.
Dans le reste de l’Afrique centrale, la situation s’est maintenue relativement calme. Il faudra cependant surveiller la RD Congo, le Cameroun et le Tchad, où l’organisation d’élections peut enflammer les pays.
La Libye n’est plus le trou noir de 2017 mais reste anarchique, avec toujours deux pôles politiques en opposition. Une solution pourrait se profiler, incluant le générale Haftar dans l’équation. Un évènement clé sera l’organisation d’élections législatives au printemps.
Au Soudan du Sud, où une demi-décennie de guerre a dévasté le pays, un autre accord de paix a été signé entre les parties belligérantes en septembre. Certains voient des signes d’espoir en cette nouvelle trêve, ouvrant la voie au retour des réfugiés et à la reconstruction du pays. L’accord est pourtant instable et pourrait, comme celui de 2015, échouer après sa signature. L’organisation d’élections au printemps 2019 viendra accentuer les rivalités et pourrait déstabiliser le pays (où les groupes armés restent actifs et font régner un climat d’insécurité) et le refaire plonger dans le conflit.
Dans les Balkans, zone qu’on croyait apaisée, les dérives nationalistes — au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine notamment — réveillent un passé douloureux, obligeant les Européens à se consacrer à cette zone, à nouveau, plus qu’ils ne l’ont fait dans le passé.
Côté noir,
Ukraine. Le conflit dans l’Est de Ukraine, loin d’être gelé, comme le qualifient certains analystes irréalistes, produit son quota de morts chaque jour. Le processus de négociation entamé à Minsk, s’il a permis de garder un canal de dialogue, n’a pas produit ses effets. Et les Russes ont ouvert, avec logique, un nouveau front, maritime, pour contrôler l’entrée et la circulation dans la mer d’Azov. Avec des élections prévues en mars, le gouvernement de Porochenko pourrait être tenté de répondre aux attaques de manière forte.
Quant au processus de paix au Moyen-Orient, à défaut d’être totalement mort, il est en coma dépassé. L’ambassadeur suédois à l’ONU l’indiquait récemment en quittant son siège temporaire au conseil de sécurité des Nations unies. Les initiatives françaises et européennes ayant totalement échoué, on attend désormais des États-Unis qu’ils présentent leur stratégie. Mais la décision de déplacer l’ambassade à Jerusalem ne porte pas à l’optimisme, d’autant qu’elle est suivie par d’autres pays.
En Amérique latine, la conjoncture politique et économique est orientée au noir. Les acquis diplomatiques de ces dernières années ont été remisés. Oubliée la consolidation d’espaces diplomatiques autonomes. Oubliée la priorité donnée au multilatéralisme. Oubliées les coopérations sud-sud. Au nom du recyclage d’une politique extérieure de guerre froide. Les discours offensifs de défense du monde libre ont repris du service. Conséquence la plus immédiate, ces milliers de Centraméricains qui marchent vers le Nord, créant un flux migratoire aux répercussions encore indéterminées. La crise principale, politique et humanitaire, est celle du Venezuela, dont le second gouvernement de Nicolas Maduro n’est pas reconnu par la communauté international.
L’Union européenne doit prendre sa place
Dans tous ces bouleversements mondiaux, la diplomatie européenne tient son rang. Mais sans audace. L’accord sur le nucléaire iranien est soutenu à bout de bras par les Européens qui ont réussi. En Libye, elle a été mise de côté par la France, puis par l’Italie. Dans le Sahel, elle est très active mais les résultats ne sont pas à la hauteur, tant sur le plan sécuritaire que politique. Le risque est très grand de perdre la bataille de la visibilité, au profit de la Russie. En Syrie, c’est une des grandes absentes. Et avec le Brexit qui arrive, l’Union est attendue au tournant. Pour quasiment tous les Européens, il semble évident qu’il faut davantage d’action européenne, mais laquelle ? Beaucoup peut être fait en politique extérieure et le sujet devrait s’imposer comme un des éléments clés des élections européennes, où seront définies les orientations pour les prochaines années.
(Nicolas Gros-Verheyde et Leonor Hubaut)
(B2) Un canot venu de Libye a fait naufrage vendredi. Plus d’une centaine de morts. Seuls trois survivants ont pu être récupérés par la marine italienne
(ctédit : Marine italienne)
Un canot avec 20 personnes à bord
Un avion de patrouille maritime P72 de la 41e escadrille de l’Aeronautica Militare de Sigonella a repéré, vendredi (18 janvier) après-midi, un canot pneumatique en train de couler à 50 miles au nord de Tripoli avec environ 20 personnes de bord. Avant de quitter la zone, à la limite de carburant, l’avion a pu larguer 2 canots pneumatiques de survie qui se « sont régulièrement ouverts » indique la marine italienne.
Un hélicoptère du Caio Duilio à la rescousse
Le destroyer Caio Duilio (1) qui était à « plus de 110 milles de la zone » (environ 200 kilomètres a fait décoller son hélicoptère de bord SH 90 (2) pour l’envoyer sur place. Une fois sur zone, l’hélicoptère a récupéré, dans deux missions différentes, trois naufragés en hypothermie, un dans l’eau et deux dans l’un des canots de sauvetage déjà lancés. L’autre canot était vide. Les rescapés ont été ramenés sur le navire, stabilisés et évacués sur l’île de Lampedusa (Italie).
Coordination par le centre de secours de Tripoli
Aucune nouvelle des autres personnes sur le canot. Les « recherches se poursuivent sous la coordination du centre de coordination des secours libyens, qui a assumé la responsabilité du sauvetage, avec le soutien du P72 et de l’hélicoptère du navire Duilio revenu sur les lieux » a précisé la marine italienne vendredi. Le centre de Tripoli a notamment redirigé sur la zone un navire marchand battant pavillon libérien.
117 disparus ?
Selon l’OIM, qui a recueilli les témoignages des rescapés, quand il a quitté la Libye, le canot pneumatique avait 120 personnes à bord. Soit 117 disparus dont dix femmes et un enfant de 2 mois. Par ailleurs, l’organisation internationale indique que les garde-côtes italiens ont recueilli 68 migrants, partis de Zwara (Libye), mercredi soir (16 janvier), et arrivés sur l’île de Lampedusa vendredi (18 janvier)
(NGV)