Voici un livre plaisant et plus fin qu'un simple polar d'espionnage. Donnons en d'abord l'argument : un cartel de firmes multinationales extrêmement puissantes prend peu à peu le contrôle des organes politiques des États de la planète. Disposant de capacités illimitées, il lance une cyber agression d'ampleur sur la France (blocages des feux rouges et des centrales électriques). L'héroïne, Justine Barcella, est tirée de sa retraite toscane par un micro réseau de résistants conscients et au terme d'un périple aventureux, atteint le cœur informatique de l’organisation basé sur l'ile de Jurong, île artificielle au sud de Singapour.
Nous voici donc face à des situations assez classiques : la grande organisation, le héros qui sauve le monde, etc. C'est d’habitude lassant à cause de l'invraisemblance des situations. C'est ce qu'on craint au début de la lecture : que le livre soit banal dans l'exploitation de codes utilisés ad nauseam.
Heureusement, le traitement est plus fin. D'une part, l'action se place dans un temps légèrement décalé, une anticipation d'une dizaine d'années qui permet de gommer les invraisemblances les plus flagrantes tout en restant dans un univers psychologique très proche de la société que nous connaissons aujourd’hui. D'autre part, cette vraisemblance fait que l’omniprésence du cartel n'est pas absurde. L'auteur prend un malin plaisir à lancer des allusions aux grandes puissances de ce temps, GAFA, NATU et autres BATX.
C'est d'ailleurs ce qui donne un intérêt croissant au livre. Derrière la fable du roman d'espionnage, Thierry Berlanda dresse le portrait d'une société fliquée et eugéniste où les ressorts habituels de pouvoir s'estompent et où les libertés individuelles s'affaissent. C'est ce qui rend le roman très attachant. Il est d'ailleurs évident, à le lire, qu'il n'aurait pas pu être écrit par un Américain.
Bref, un vrai plaisir de lecture en même temps qu'une fable habile qui en fait un peu plus qu'une distraction.
A recommander chaudement.
Olivier Kempf
Je participerai à la prochaine journée d'étude organisée par la FRS sur l'Internet des objets. Elle aura lieu le 15 mai après-midi à la BNF. Entre autres intervenants : N. Mazzucchi, Gal Watin-Augouard, K. Salamatian, F-B. Huyghe, E. Freyssinet, pour ceux que je connais, etc...
Détails et inscription ici.
O. Kempf
De nombreux auteurs et metteurs en scène parviennent à franchir les enceintes des prisons et on peut parfois voir le travail que cela inspire. Le Théâtre Paris Villette a ainsi mis en place le festival Vis-à-vis où des détenus d'Île de France ont des autorisations de sortie pour fouler les planches. D'autres, issus du Centre Pénitentiaire d'Avignon-Le Pontet ont pu, l'an dernier, jouer Hamlet sous la direction d'Olivier Py au festival d'Avignon, une expérience qu'il renouvellera cette année avec (...)
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- Défense en ligne / États-Unis, Armement nucléaire, Iran, Diplomatie, France, GéopolitiqueJe serai demain vendredi 4 mai sur la Radio Télévision Suisse à 8h10 dans l'émission "Tout un monde", d'Eric Guevara-Frey pour évoquer la France et ses outremers.
Nouvelle Calédonie bien sûr, compte-tenu du voyage du président mais aussi du référendum à venir (voir l'article de La Vigie sur le sujet), mais aussi Mayotte (autre article) et les autres DOM COM.
Et voici le fichier de 9 mn ! merci la RTS !
Lecteur audio intégréO. Kempf
Dopé par les succès à l'export de ses chasseurs Rafale, Dassault Aviation vient de réussir un spectaculaire rapprochement avec Airbus, son concurrent direct : les meilleurs ennemis du secteur aéronautique européen s'associent pour développer le « Système de combat aérien futur », à l'instigation des gouvernements français et allemand, pour remplacer à partir de 2035 les appareils actuels. Les Britanniques, embourbés dans leur Brexit, sont renvoyés à leurs amours américaines…
- Défense en ligne / Armement, France, Industrie de l'armement, Entreprise, Défense, Armée, AéronautiqueCyber et Intelligence artificielle ...
Le sujet émerge à peine. Tout juste lit-on partout que l'IA est un enjeu de souveraineté (j'y reviens dans un prochain article dont je vous reparlerai à sa parution) : mais ensuite ?
C'est pourquoi, sous la houlette de mon compère Thierry Berthier (blog cyberland), j'ai participé avec quelques autres à la première réunion du groupe Cybersécurité du hub France IA.
Beaucoup de choses intéressantes pour un beau programme de travail, sur lequel je reviendrai. Mais déjà, notons deux approches : ce que change l'IA à la cybersécurité, mais aussi quelle cybersécurité de l'IA ?
La forme des chiasmes n'est pas qu'une figure de style. Cela permet déjà de poser deux bonnes questions. Et bien formuler les questions, c'est déjà trouver une partie de la réponse.
O. Kempf
Le documentaire « autorisé » de la réalisatrice française Pascale Lamche sur Winnie Madikizela-Mandela a fait couler beaucoup d'encre et de salive en Afrique du Sud. Ce film de 84 minutes, récompensé en 2017 au festival de Sundance et diffusé à la télévision sur Arte et en Afrique du Sud une semaine après sa mort, le 2 avril, la présente comme la plus grande des victimes : de l'apartheid, mais aussi d'un certain machisme et de sa propre organisation, l'ANC, qui l'aurait exclue du jeu politique. Illustré de (...)
- Mots d'Afrique / Afrique du Sud, Apartheid, Personnalités, HistoireTout le monde connaît Kodak, marque culte mais désuète, puisque plus personne n'achète de pellicules, sauf les afficionados de l'argentique.
Et tout le monde sait que Kodak a disparu (ou presque) parce qu'elle n'a pas su prendre le tournant du numérique. Est-ce tout ce qu'on peut en dire ? Non, car il y a pas mal de chose à ajouter, non seulement sur le naufrage mais aussi sur l'éventuelle renaissance, puisque Kodak revient d'actualité.
Avoir raté le tournant du numérique, fort bien, mais pourquoi ? Parce qu'on n'a pas vu venir l'évolution technologique ? Non, comme le raconte Steven Sansson (voir ici), jeune ingénieur de 23 ans qui débarque chez Kodak en 1973, justement pour mettre au point la photographie numérique.
Or, si Kodak a la technologie, l'équipe marketing rejette l'idée. La marque réalise des marges colossales sur l'argentique et ne voit pas du tout l'intérêt à se concurrencer soi-même.
C'est ce qu'explique Philippe Silberzahn qui a écrit de nombreuses pages sur le cas Kodak (voir ici). Il s'agit en fait de concurrence de modèle d'affaires plus que de concurrence technologique. Et finalement, le premier entrant ou plus exactement le premier détenteur de la technologie n'est pas forcément le vainqueur. Philippe dérive toute sa théorie de l'effectuation à partir de ce simple constat.
Mais revenons à Kodak. Dépôt de bilan en 2012, aléas d'entreprise depuis, essai de smartphone pour seniors en 2015, un chiffre d'affaire qui tourne tout de même autour de 1,5 G$. Kodak existe toujours mais mal en point.
Jusqu'à ce qu'un beau jour de janvier 2018, elle surprenne à nouveau : elle annonce vouloir créer sa propre cryptomonnaie, le Kodakcoin visant à faciliter les transactions d'achat/ventes de photos et faciliter la vie des photographes. 40.000 personnes seraient intéressées au lancement. Car comme nous le disions en début d'article, Kodak reste une marque universellement connue. Le cours de l'action triple en trois jours, les marchés sont enthousiastes. Kodak serait sur le point de prendre au bon moment le tournant de la blockchain.
Qu'en penser ? Que le numérique est une histoire pas simplement technologique : la révolution numérique est aussi une révolution des modèles d'affaires et des stratégies entrepreneuriales. Il faut le rappeler sans cesse à ceux qui pense que le produit fait tout.
O. Kempf
Dans le ramdam des propagandes qu'on nous a servi au moment des frappes, tout le monde s'empoignait à savoir s'il y avait vraiment du chimique, si c'était légal, s'il fallait punir, si cela aidait les Syriens et autres choses tellement passionnantes que les convaincus (en un seul mot) de tout bord ne s'étonnaient plus de rien, tout occupés qu'ils étaient à témoigner de leur conviction à la face de la terre. Ce fut une période pénible, avouons le. Du coup, personne ne s'est interrogé sur la raison du nom choisi pour l'opération française : Hamilton ?
Au début, je n'y fis pas attention, je pensais que c'était le nom de l'opération américaine ou alliée, même si cela ne correspondait pas aux codes états-uniens (en général, deux mots les désignent : Active Endeavour, Desert Storm, Restore Hope, etc...). Et puis l'information sourdit (du verbe sourdre, je le précise). C'était le nom de la partie française de cette opération conjointe.
Fichtre. Pas un nom de notre terroir, il faut en convenir. Pourquoi ce choix ?
Jean Guisnel rapporta (ici) que c'était en référence au photographe David Hamilton : Il s'agirait d'une "blague vaseuse visant à moquer le flou artistique entourant l'opération, à la demande de l'exécutif, en référence aux options techniques du célèbre photographe de « charme » David Hamilton, utilisateur systématique de ce procédé". Nul doute que cette explication potache ait circulé dans les couloirs de l'état-major. Il reste que c'est peu probable, les militaires sachant garder leur sérieux quand il le faut.
Or, ils ont une habitude de donner des noms assez neutres à leurs opérations. Ce fut longtemps des noms d'animaux (Manta, Epervier), plus récemment des noms géographiques du lieu de l'opération (Barkhane est une sorte de dune, Chamal est un vent). Ce qu'on dit en popote est réservé à la popote. Il est donc peu probable que ce nom ait été choisi à Balard, mais bien plutôt du côté des conseillers de communication de la MinArm ou de l'Elysée. Le vent nouveau souffle, il fallait témoigner de la modernité, que dis-je, donner du sens et de l'inspiration.
C'est l'explication donnée par Ava Djamshidi, journaliste au Parisien, qui l'explique au détour de son long reportage dans le JDD(ici) : "L'opération militaire conjointe a désormais un nom de code : Hamilton, en référence au lieutenant de George Washington devenu l'un des pères fondateurs de la Constitution américaine".
Cela est fort probable. Contactée sur Twitter, elle me précise : "J’ai donné le nom Hamilton qui m’a été confirmé par 4 sources! " et elle ajoute : "Mais il y aurait aussi des explicitations franco-britanniques à cette appellation!".
Voici donc un nom de baptême qui déroge à tous les usages afin de donner une "signification". Fichtre. Cela appelle plusieurs commentaires.
Bref, de grâce, messieurs les spin doctors des puissants qui nous gouvernent, que ce coup d'essai soit sans suite. Car c'est tout sauf convaincant. On a le droit de faire des essais, on a aussi le droit de se rendre compte que ce sont des bêtises. Nul ne vous en tiendra rigueur, au contraire.
O. Kempf